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Ceci est un article de la publication "54-56 : Les céréales au coeur de la souveraineté alimentaire en Afrique l’Ouest", publiée le 15 décembre 2011.

Un point de vue sur les enjeux du secteur céréalier en Afrique de l’Ouest

Mamoudou Hassane

CéréalesNigerAfrique de l’Ouest

Dans cet entretien, Mamoudou Hassane apporte un point de vue sur les enjeux liés à la production céréalière en Afrique de l’Ouest, et en particulier au Niger. Contraintes à l’accroissement de la production, appuis nécessaires pour une intensification durable, crédit et recherche agricole sont autant de sujets évoqués.


Grain de Sel : Comment promouvoir une intensification durable des systèmes de production céréaliers ?
Mamoudou Hassane : Il faut jouer sur un certain nombre de paramètres pour intensifier les systèmes céréaliers. Pour accroître les rendements, le producteur doit accéder à des intrants de qualité, comme des variétés à cycle court et des engrais, ainsi qu’aux connaissances et à l’information.
Par ailleurs, on doit veiller à mettre à l’abri les paysans des besoins alimentaires en période de soudure, qui les contraignent à s’endetter. Aujourd’hui, une grande proportion de la population rurale nigérienne dépend du marché pour son approvisionnement en céréales durant la période de soudure lorsque les prix des céréales sont élevés. Il est nécessaire de développer des systèmes de sécurisation des ménages, des filets sociaux de sécurité, pour éviter que les familles ne tombent dans la détresse pendant la période de soudure.
Il faut enfin développer les pratiques agricoles durables pour maintenir la fertilité des terres : taillage, compostage, utilisation de la fumure organique, etc.

GDS : Quelles interventions publiques préconisez-vous dans le secteur céréalier au Niger ?
MH : La subvention reste nécessaire et indispensable. Cependant, il ne faut pas qu’elle soit considérée comme une finalité, mais plutôt comme une étape dans un processus d’accompagnement des exploitations familiales.
Face à la grande fluctuation des prix des intrants au Niger, la Centrale d’approvisionnement en intrants et en matériel agricole (Caima) pourrait par exemple gérer un stock tampon. Au Niger, notre besoin en engrais tourne autour de 30-40000 tonnes par an. Cette centrale pourrait gérer un stock de 2000 à 5000 tonnes pour prévenir les ruptures en engrais qui se traduisent par des pics de prix. Elle jouerait un rôle tampon, sans pour autant empêcher le secteur privé de développer leurs affaires dans ce domaine là. Je pense que le rôle de l’approvisionnement en semences et en intrants est un élément hautement stratégique, que l’on ne peut pas laisser seulement aux mains du marché.
Un autre élément important, au delà de la subvention, est toute l’articulation que l’on doit faire entre les dispositifs publics et les dispositifs mis en place par les OP. Il faut mettre en avant les complémentarités et les synergies entre les dispositifs publics et les initiatives des OP.

GDS : Quel diagnostic portez-vous sur le crédit agricole ?
MH : Nous avons plusieurs difficultés avec le crédit agricole au Niger. D’abord le faible taux de pénétration des systèmes de financement du crédit. Jusqu’à récemment, il n’y avait pas de banque agricole au Niger et l’unique moyen d’accéder au crédit reste les IMF. Or le taux de pénétration des IMF est inférieur à 8% dans le pays. Comment peut-on financer l’agriculture, avec un outil auquel n’ont accès que moins de 10% des paysans ?
Aujourd’hui, les financements accordés au secteur de l’agriculture sont insignifiants : moins de 20% des portefeuilles des IMF sont destinés à l’agriculture. Et en particulier dans les filières céréalières, qui sont considérées comme des filières à haut risque. On préfère prêter à des commerçants et des fonctionnaires, des gens plus « solvables ».
Par ailleurs le coût du crédit est très élevé, et les produits ne sont pas adaptés. Avec 15% d’intérêts tous les 6 mois, on ne peut financer que des activités dans le court terme. Rien dans le long terme… Pour permettre aux paysans d’accéder à des charrettes, des charrues, des motopompes, il faudrait qu’on accepte de les financer au minimum sur le moyen terme (3 ou 4 campagnes).
Enfin, beaucoup d’IMF ont fait faillite au Niger. La gestion des IMF n’est pas optimale. Au point que les paysans ne leur font même plus confiance…

GDS : Quel diagnostic portez-vous sur la recherche agricole dans le domaine céréalier ?
MH : Dans le contexte actuel de crises alimentaires et de changement climatique, la recherche nigérienne s’intéresse maintenant aux céréales. Elle a mis au point des variétés améliorées intéressantes, par exemple une variété de sorgho qui a des rendements de 2 t/ha, et une variété de mil qui peut aller jusqu’à 1200-1500 kg/ha, alors que le rendement actuel du mil ordinaire tourne autour de 400 kg/ha.
Mais la recherche se heurte à deux problèmes. D’abord, ces variétés coûtent cher : de 100 000 à 200 000 FCFA le sac, tandis que les semences des variétés ordinaires coûtent 10 à 15 000 FCFA le sac. Quel paysan nigérien peut se payer aujourd’hui ces semences améliorées ? Par ailleurs, même si des résultats intéressants de la recherche existent, les paysans ne peuvent pas y accéder. Car la vulgarisation ne fonctionne pas : les résultats restent dans les tiroirs des chercheurs. Combien de paysans connaissent aujourd’hui les variétés améliorées ? Nous avons besoin d’une véritable stratégie de vulgarisation, et surtout de multiplication des semences améliorées pour les rendre accessible, à des prix plus abordables.
Imaginons que je sème du mil hâtif amélioré dans mon champ, alors que mes voisins cultivent du mil ordinaire. Quand après 60 jours les premiers épis de mon mil sortent, c’est sur mon champ que les oiseaux s’abattent, car les champs environnants sont encore sans épis. Et je perds ma production. Par ailleurs, avec le vent, le pollen du mil local voisin va se marier avec mon mil amélioré : à partir de la première année, j’ai donc déjà perdu ma variété amélioré. Voilà le genre de problème concret que vivent les paysans.

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