Cet article présente une synthèse des travaux de recherche existants concernant l’impact du climat futur sur l’évolution des rendements agricoles en Afrique de l’Ouest. Si les résultats varient fortement selon l’horizon temporel, les modèles, les cultures ou les pays concernés, une évolution globalement négative se dégage.
Depuis le troisième (2001) et surtout le quatrième (2007) rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), les études d’impact du changement climatique sur l’agriculture en Afrique ont connu une grande expansion dans la communauté scientifique. Parallèlement, ces résultats ont été diffusés dans des ouvrages visant un plus grand public. Bien que cela soit très positif, on a pu lire ici ou là des affirmations parfois approximatives sur le futur de l’agriculture. Il n’est en effet pas possible de se fonder uniquement sur une étude ou sur une valeur, et d’affirmer, par exemple, que les rendements vont baisser de 30% dans 50 ans. Ainsi, nous avons voulu lister toutes les études traitant de ce sujet, afin d’établir l’ensemble des scénarii prévus pour le futur, dans l’état actuel des connaissances. L’étude est centrée sur l’Afrique de l’Ouest (espace Cedeao et Cameroun), un pôle de production et de consommation agricole majeur en Afrique ; elle a sélectionné 16 études qui étudient l’impact du changement climatique sur les rendements agricoles. Ces études concernent différentes cultures pluviales (céréales, mil, sorgho, coton, etc.), différents pays (Afrique de l’Ouest comme un tout, et pays par pays) ainsi que différents horizons temporels (prévisions en 2030, 2050, etc.).
Lorsqu’on groupe tous les résultats (toutes cultures, pays, horizons temporels confondus), la première chose frappante est la grande variation des résultats : de – 50% à + 80% en termes de rendements. De plus, on constate que la majeure partie des études prévoit un impact négatif. Cela signifie globalement qu’en Afrique de l’Ouest, dans le siècle qui vient, les scientifiques prévoient plutôt que le changement climatique entraînera une décroissance des rendements. Cela dit, il n’apparait pas probable que cet impact soit le même sur toutes les cultures et pour tous les pays ; il se peut même que dans certains cas l’impact soit positif.
Des impacts différenciés selon les zones et les cultures. Selon les études sélectionnées, l’impact serait plus grave pour les pays de la zone sahélienne (Gambie, Sénégal, Mali, Niger, Burkina) que pour les pays plus au Sud. Les modèles climatiques prévoient une augmentation de température plus faible sur les côtes du Golfe de Guinée bénéficiant déjà de précipitations abondantes. Les pertes liées à l’évapotranspiration seraient donc moindre.
On peut également souligner que certaines cultures, comme le soja ou l’arachide (dites C3) pourraient davantage pâtir du changement climatique.
Leur rendement futur dépend en effet beaucoup de leur réaction à l’élévation de la concentration en CO₂ de l’atmosphère. Cette réaction est encore difficile à évaluer mais pourrait être importante, beaucoup plus que pour les cultures C4 (mil, sorgho, etc.).
Enfin, on note qu’au sein d’une même espèce, les différences entre variétés peuvent être importantes. Par exemple, des auteurs montrent que le mil précoce pourrait souffrir beaucoup plus (une baisse de rendement de l’ordre de – 44% à – 29%) que le mil tardif (sur lequel la perte s’estime entre – 21% et – 14%).
Une pluralité de paramètres à prendre en compte. Notons d’autre part que ces études projettent l’évolution des rendements due aux modifications du climat, mais ne tiennent pas compte des évolutions de la population, des sols, de la superficie cultivée ou du progrès technique. Ces variables peuvent avoir un effet équivalent, voire plus élevé sur la production agricole que les modifications climatiques. Dans une des rares études simulant l’augmentation de la population africaine, les auteurs attribuent à la démographie leurs estimations très pessimistes sur l’autosuffisance alimentaire en 2050(<– 50%) et non à l’évolution des rendements, qui pourrait être positive comme négative. Il ne faut cependant pas en tirer des conclusions trop hâtives et d’autres études impliquant plusieurs scenarii de croissance de la population sont nécessaires. De plus, il faut remarquer que ces études ne tiennent généralement pas compte des innovations que les paysans pourraient mettre en place afin d’atténuer ces impacts. Les auteurs supposent en effet que les pratiques culturales seront demain identiques à aujourd’hui : il se peut que l’impact du changement climatique soit alors surestimé. En effet, les paysans disposent d’une palette de stratégies certes limitée mais qui existe : choix des variétés, date de semis, pratique du zaï, etc. La recherche a aussi montré que les paysans font preuve d’une grande innovation pour s’adapter aux conditions changeantes. Ce bilan des travaux de recherche sur l’Afrique de l’Ouest laisse donc globalement entrevoir une baisse des rendements pour le siècle à venir. Si la valeur moyenne qui ressort de l’ensemble de ces études, toutes zones et cultures confondues est de – 10%, on note également un faible consensus de la communauté scientifique et des modèles prédictifs encore incertains.