Ces trente dernières années, de manière différenciée selon les bassins de production, la production céréalière ouest africaine a globalement connu une forte croissance, qui s’est davantage traduite par une augmentation des superficies cultivées que par une augmentation des rendements.
Une offre régionale de céréales en croissance forte. La production totale en céréales de l’Afrique de l’Ouest porte actuellement sur un volume situé entre 52 et 56 millions de tonnes, pour une population d’environ 300 millions d’habitants. Elle a connu une croissance très forte, de l’ordre de 4,6% par an ces trente dernières années, légèrement supérieure à la croissance démographique. L’offre céréalière de la région a ainsi triplé en trente ans. Cette hausse est surtout liée à l’augmentation des surfaces cultivées (qui ont plus que doublé) et moins à une augmentation des rendements (multipliés par 1,3). Les surfaces cultivées en céréales sont ainsi passées de 19 millions d’ha à 44 millions d’ha sur la période 1980-2008. Par contre, les rendements moyens sont restés faibles et ont peu progressé : ils sont passés (toutes céréales confondues) de 0,9 à 1,2 tonne par ha sur la même période.
Le couple mil-sorgho en tête, puis viennent le maïs et le riz. Plus de la moitié de la production céréalière régionale est constituée de mil et sorgho (54%). Le maïs et le riz représentent respectivement 27% et 19% de l’offre céréalière régionale. Ces dernières années, le maïs connaît une forte émergence, tandis que la part du riz stagne et que le mil et le sorgho sont en repli. La production de blé reste marginale.
Le Nigeria domine la scène céréalière. La production régionale est dominée par quatre pays, qui réalisent 80% de l’offre régionale : le Nigeria, dont la part dans la production régionale est passée de 43 à 52% depuis 1980, suivi du Mali (10%), du Niger (8%) et du Burkina Faso (7%).
Des dynamiques différenciées dans les grands bassins de production transfrontaliers. Près de la moitié des terres cultivées dans la région (environ 44 millions d’ha) est affectée aux différentes céréales chaque année. Cette proportion est de l’ordre de 60 à 70% dans les pays sahéliens enclavés. Le mil et le sorgho occupent 70% des surfaces en céréales, le maïs 18% et le riz 13%.
Les principaux bassins de production céréaliers dépassent les frontières nationales et épousent la diversité agro-climatique régionale.
La production du mil est l’apanage des zones sahéliennes (sèches) du Centre et de l’Est de l’Afrique occidentale. Trois grands bassins de production du mil se distinguent : le Nord Nigeria / Sud Niger ; la Sénégambie ; un bassin moins marqué couvrant le Burkina Faso et le Nord Est Mali. Le Nord Nigeria / Sud Niger demeure le premier bassin de production du mil en Afrique de l’Ouest et sa position s’est consolidée depuis 25 ans, sa part dans la production régionale de mil passant de 69% en 1980-1990, à 73% en 1990-2000, puis à 74,5% en 2000- 2006. Le Nigeria, premier producteur au monde de mil fournit 8 millions de tonnes par an, suivi du Niger (2,8 millions de tonnes) et du Mali (1,2 million de tonnes).
Les bassins de production du sorgho sont moins homogènes que ceux du mil : Nord Nigeria / Sud Niger ; Burkina ; Sénégambie (moins marqué que les deux premiers). Deux pays, le Nigeria (9 millions de tonnes — deuxième producteur mondial) et le Burkina Faso (1,5 millions de tonnes) constituent les principaux pôles de production, quasiment dans la même proportion depuis une trentaine d’années. Viennent ensuite le Mali et le Niger.
Le maïs est relativement bien répandu dans tout le Sud et le Centre de la région, avec une limite claire au nord liée à la pluviométrie et une faible productivité vers l’ouest. Il se détache complètement des autres céréales par l’extension de son bassin de production et le rythme d’accroissement de sa production. Depuis la fin des années 80, cette céréale des zones humides a conquis les bassins intérieurs de production, notamment les aires traditionnelles de culture du mil et du sorgho, sous l’impulsion du coton dans les régions soudano-sahéliennes. En dépit de cette percée intérieure, le maïs demeure l’apanage des pays côtiers (Golfe de Guinée). Deux bassins se dégagent clairement : le Nigeria et un groupe de quatre pays côtiers : le Bénin, le Togo, la Côte d’Ivoire et le Ghana. Ces deux bassins fournissent entre 83 et 90% de la production régionale de maïs. Les bassins émergents (Burkina Faso et Mali) et dans une moindre mesure le Sénégal et le Fouta Djallon (Guinée), ne contribuent qu’à hauteur de 12% en moyenne à la production régionale. Cependant la production de ces bassins est en progression, aux dépens du Nigeria qui a vu sa suprématie s’effriter au fil des années.
La production du riz est moins concentrée que celle des autres céréales. La filière rizicole se caractérise par la diversité des modes de production : le riz est cultivé en irrigué le long des fleuves et des barrages dans la zone sahélienne, et en pluvial dans la quasi- totalité des zones côtières et de savane. Trois bassins se dégagent assez clairement. Le premier est incontestablement le Nigeria qui fournit plus de 40% de la production régionale. Suit le bassin formé par la Guinée (production pluviale traditionnelle) et le Mali (aménagements sur le fleuve Niger et mise en valeur des bas-fonds). Ce bassin apparaît comme celui qui a enregistré les meilleures performances ces dernières années : il fournit actuellement environ 30% de l’offre régionale. Le troisième bassin que forment la Côte d’Ivoire et le Libéria est en perte de vitesse. Dans la Vallée du Fleuve Sénégal, la production irriguée ne progresse que trop lentement pour peser dans l’offre régionale.
Des dynamiques d’intensification faibles, exceptées concernant le maïs. La production de maïs connaît un développement spectaculaire (multipliée par 6) et des rendements croissants (multipliés par 1,7), en raison notamment de son développement comme culture de diversification à des fins commerciales dans les zones cotonnières soudaniennes. Cette culture a bénéficié de l’intensification des systèmes de production au sein desquelles elle est intégrée et des progrès de la recherche variétale. Les zones qui se distinguent par des rendements élevés sont le Sud Est du Nigeria, le Bénin, le Nord de la Côte d’Ivoire, le Sud du Mali, l’Ouest du Burkina, et le Sénégal oriental.
Malgré les efforts de maîtrise des itinéraires techniques, les rendements moyens du riz stagnent autour de , tonne de paddy par ha. Le triplement de la production est quasi intégralement imputable à l’extension des périmètres irrigués du Nigeria et du Mali, et à l’aménagement des bas-fonds. Cependant, dans certains bassins de production, les performances techniques sont bien supérieures à cette moyenne régionale et peuvent atteindre 6 t/ha. Récemment, la diffusion des riz hybrides Nerica (New Rice for Africa) a permis d’améliorer les rendements, notamment en riz pluvial, sans passer par une utilisation forte d’engrais.
Les rendements du sorgho et du mil progressent peu. La croissance de la production est aussi liée à l’accroissement des surfaces. La recherche s’est peu investie sur le mil et le sorgho, et les variétés nouvelles ont été peu diffusées. Les rendements moyens n’atteignent pas 1 t/ha et sont principalement déterminés par les caractéristiques climatiques de l’hivernage. Ceci rend très risquée l’utilisation des engrais. Les rendements connaissent toutefois une progression modérée et régulière, essentiellement imputable aux aménagements des terres (antiérosif, cultures de bas fonds).
L’urgence d’une intensification. Le modèle de croissance de l’offre par une extension des surfaces qui a prévalu au cours des trente dernières années arrive à ses limites en raison de la pression foncière, de la dégradation des sols, et du conflit d’usage des terres marginales, notamment avec les pasteurs. La région doit par conséquent réussir l’intensification de ses systèmes de production céréalière pour réaliser son ambition de souveraineté alimentaire, tout en préservant son potentiel agronomique et son capital en ressources naturelles.
Le contenu de cet article s’appuie principalement sur les notes rédigées par Roger Blein et Bio Goura Soulé, dans le cadre du séminaire régional sur le développement des filières céréalières en Afrique de l’Ouest (Roppa-SOS Faim, novembre 2010).
L’ouvrage Les cultures vivrières pluviales en Afrique de l’Ouest et du Centre : éléments d’analyse et propositions pour l’action (AFD-Cirad- Fida, À savoir nº6 mai 2011) a également été utilisé.