Les initiatives collectives des producteurs agricoles pour faire face au marché céréalier sont nombreuses et diverses. Mais elles peinent encore à peser significativement sur le marché dans son ensemble. S’appuyer sur la richesse des acquis de ces expériences aiderait à définir des instruments d’appui adaptés.
Pour les producteurs céréaliers, la maîtrise du marché est aussi importante que la maîtrise de la production : l’accès de leurs produits au marché et à un prix rémunérateur est un enjeu fondamental. Les organisations de producteurs (OP) se sont donc engagées depuis de nombreuses années dans la régulation des marchés des produits céréaliers, en combinant deux directions : (i) s’organiser localement pour renforcer le « pouvoir de marché » des producteurs ; et (ii) influencer les politiques commerciales tant au niveau national que régional.
Des stratégies différenciées d’intervention des OP sur le marché. Les stratégies d’intervention des OP sur le marché céréalier diffèrent selon qu’elles se situent dans les zones déficitaires où l’objectif est d’assurer la sécurité alimentaire de leurs membres, ou dans les zones excédentaires où les producteurs tentent d’améliorer la valorisation de leur production.
Dans les zones déficitaires, les « emblématiques » banques de céréales. Dans les zones « à équilibre précaire », qui alternent des années de déficits et des années d’excédents, les banques de céréales (BC) villageoises ou les greniers de sécurité alimentaire constituent les principaux instruments de régulation du marché. Cette stratégie est assez répandue dans la zone sahélienne où chaque pays compte environ 1000 BC, bien qu’il soit difficile de recenser celles qui sont réellement opérationnelles. Chaque BC dispose d’un magasin de stockage de 15 à 30 tonnes, fait de la collecte interne, auprès des membres, ou externe dans le cas des zones déficitaires en période de récolte, et stocke dans la perspective de la soudure. Les BC visent moins la commercialisation des produits céréaliers des membres que l’approvisionnement des ménages déficitaires en céréales et donc leur sécurité alimentaire, en améliorant l’accessibilité à deux niveaux : (i) la disponibilité physique des céréales dans le village au moment de l’hivernage ; (ii) l’accessibilité économique : en achetant les céréales lorsque les prix sont plus bas, elles peuvent offrir des céréales moins chères en période de soudure, ou réduire les risques de spéculation sur les marchés (cf. encadré sur les Naams).
Dans les zones excédentaires, une large palette de stratégies. Dans les zones excédentaires, les OP ont développé diverses stratégies de mise en marché pour faire face aux variations intra et inter annuelles de prix, tout en améliorant la rémunération des producteurs. Celles-ci sont variées et peuvent parfois combiner plusieurs instruments, à différentes échelles géographiques. L’OP n’est pas systématiquement acteur direct de la mise en marché ; elle peut aussi intervenir dans l’amélioration des conditions de vente.
La stratégie collective la plus courante pour les OP est de stocker les céréales avant la mise sur le marché, pour capter le différentiel de prix entre périodes de récolte et de soudure. L’objectif est d’éviter la commercialisation à la récolte lorsque les prix sont bas (le « bradage » de la récolte). Lors d’un achat stockage « classique », l’OP achète la production des membres à la récolte, stocke et vend le stock lorsque les prix sont meilleurs. Très souvent, l’OP négocie une ligne de crédit auprès d’une banque ou institution de microfinance. Ces liquidités lui permettent d’une part de fidéliser les producteurs en offrant des services de préfinancements des intrants, d’autre part de réaliser la collecte primaire auprès des producteurs en payant au comptant un prix fixé par l’OP, puis en versant une ristourne éventuelle à l’issue de la campagne de commercialisation, en fonction de la valorisation effective des produits par l’OP (cf. encadré sur l’UGCPA au Burkina Faso).
Le warrantage est également une stratégie qui permet aux producteurs de différer la vente de leurs produits, donc de profiter de meilleurs prix, et surtout de mieux répartir et d’augmenter leur trésorerie. En stockant leurs céréales dans un magasin sécurisé et en les utilisant comme garantie, les producteurs peuvent accéder à un prêt bancaire de quelques mois au moment de la récolte ; ils satisfont ainsi leurs besoins de liquidité, ont la possibilité de conduire une activité rémunératrice de contre-saison, tout en évitant de brader leurs produits ; lorsque le crédit est remboursé, le stock warranté est libéré et peut être vendu à un meilleur prix. Le warrantage est très développé au Niger, où Mooriben y prend une part active.
Ces opérations de stockage s’accompagnent souvent de ventes groupées des produits. L’OP peut en effet également aider à la concentration de l’offre, la mise en relation et la contractualisation avec des acheteurs pour assurer un débouché à la production et récupérer une partie de la valeur ajoutée des opérations de collecte. Les ventes groupées permettent en outre de meilleures marges de négociation avec les acheteurs.
Certaines OP se sont aussi engagées dans un processus d’amélioration de la qualité et/ou de transformation/ conditionnement de leurs produits pour conquérir des parts de marché (cibler une clientèle exigeante prête à payer le prix de la qualité par exemple) ou écouler plus facilement leurs produits. Les cahiers des charges des achats dits « institutionnels » (PAM, stocks nationaux de sécurité) deviennent de plus en plus exigeants sur les questions de qualité des céréales. Par exemple, en étuvant le riz produit par les coopératives rizicoles, les femmes de Bama et Banzon en facilitent l’écoulement. La transformation des céréales sèches et la commercialisation de produits semi préparés sont devenues des stratégies intéressantes face aux évolutions de la demande urbaine (les consommateurs souhaitent de plus en plus des produits diversifiés, faciles et rapides à cuisiner).
Des actions « simples » comme le contrôle des pesées et quantités pour une juste valorisation du prix au kilo peuvent également permettre des gains substantiels pour les producteurs. À Mogtédo, au Burkina Faso, les riziculteurs ont noté un écart de mesures sur les sacs de paddy de 15%.
Pour une meilleure confrontation entre l’offre et la demande, en évitant que les producteurs ne se retrouvent en position défavorable sur le marché, les OP adoptent diverses stratégies. Certaines organisent des bourses céréalières. D’autres assurent la gestion et la régulation de l’offre locale. Elles peuvent ainsi inciter les producteurs à se retrouver en un lieu et une date unique pour vendre leurs céréales, au lieu d’être dispersés. Elles peuvent fixer des quotas et l’organisation de tours de vente, stocker une partie de la production ou étaler la production, éviter que l’offre n’arrive en même temps sur le marché, contrôler l’accès des commerçants aux zones d’échanges. Ces actions régulent la mise en marché, améliorent l’information sur les prix et permettent plus de transparence dans les transactions (cf. encadré sur Mogtédo).
Enfin, le dialogue multiacteurs, au sein d’organisations interprofessionnelles d’une part, mais aussi entre les professionnels agricoles et les pouvoirs publics dans le cadre de négociations de politiques commerciales par exemple, peut permettre davantage de régulation concertée dans les filières céréalières.
Des difficultés persistantes : une faible emprise des OP sur le marché national et régional. L’emprise des OP sur la commercialisation des produits vivriers est encore très faible. Seulement quelques dizaines de milliers de tonnes de céréales font l’objet d’une mise en marché organisée par les OP, dans un marché de plusieurs millions de tonnes, dominé par les commerçants. En dépit des nombreuses initiatives évoquées précédemment, les OP ne sont pas encore en mesure de « peser sur le marché » dans son ensemble. Elles tirent des bénéfices pour leurs membres, mais ne parviennent pas encore à réguler le marché céréalier national et régional.
Les difficultés que rencontrent les OP sont de plusieurs ordres :
- L’accès à des lignes de financement insuffisamment conséquentes et des taux d’intérêt relativement élevés ;
- L’insuffisance d’infrastructure de stockage ;
- Le manque de respect par les membres de la discipline coopérative : les producteurs sont souvent liés aux commerçants dans un système de relations sociales et économiques complexes. À la vente de leurs produits, ils résistent difficilement aux offres des commerçants apparemment plus alléchantes que les prix définis au sein de l’organisation.
- La maîtrise insuffisante de la commercialisation, tant par les producteurs que par l’OP. Cette capacité relève d’un apprentissage long (souvent plus de 10 ans) : maîtrise de la qualité, des contrats, du fonctionnement du marché, de la gestion du crédit, de la gestion de l’OP, etc. Or des erreurs ou une conjoncture défavorable peuvent anéantir le dispositif en une seule campagne. Dans le cas des crédits bancaires, une défaillance du remboursement compromet l’octroi de crédit l’année suivante.
- La non maîtrise du marché et notamment de la demande : avant de produire en quantité, il faut s’assurer de débouchés stables et rémunérateurs et donc bien s’informer des types de produits demandés sur les marchés locaux.
- Des interventions publiques imprévisibles : la distribution soudaine d’aide alimentaire peut compromettre les contrats locaux de vente et notamment des opérations de warrantage.
- L’absence de mécanisme de mutualisation des risques. Le risque de marché est intégralement assumé par les producteurs et les OP. Les mécanismes qui permettent de sécuriser le crédit (warrantage par exemple) font généralement reposer le risque intégralement sur les producteurs, dans un contexte de forte instabilité des prix sur lequel les OP n’ont pas de maîtrise.
- Des politiques agricoles et commerciales peu favorables : les OP sont encore trop faiblement associées aux négociations de politiques commerciales et de régulation des marchés qui pourraient soutenir leurs stratégies.
Une forte implication des OP dans les plaidoyers sur les politiques commerciales. Dans le domaine des politiques commerciales, la promotion du marché régional constitue l’une des préoccupations majeures des OP. Pour ce faire, les OP revendiquent : (i) la définition et la mise en œuvre d’une politique commerciale de précaution et incitative pour la production agricole régionale, de façon à faire face avec efficacité à la concurrence des produits importés. Les OP se sont investies pour le relèvement du taux de protection des produits agro-alimentaires en poussant à la création d’une cinquième bande tarifaire de produits taxés à 35% (Tec Cedeao), complétant les quatre niveaux de droits de douane en vigueur depuis 2000 dans le cadre de l’Union douanière de l’UEMOA, et dont le taux maximal est de 20%. (ii) l’amélioration de l’environnement global des échanges des produits agroalimentaires à travers l’élimination des différentes entraves à la libre circulation des produits dans la région.
Malgré la diversité des stratégies mises au point par les OP pour améliorer la mise en marché des céréales de leurs membres, de nombreux défis subsistent pour sécuriser leurs démarches et pour leur permettre d’assurer un revenu stable et rémunérateur à leurs membres. Il est crucial que les politiques publiques renforcent les expériences en cours des OP et s’appuient sur les enseignements de leurs initiatives pour imaginer et élaborer des instruments d’appui adaptés et pérennes.
Les Naams et les banques de céréales
Dès le début des années 70, face à la sécheresse dans le sahel, la Fédération nationale des groupements Naam (FNGN) au Burkina Faso s’est lancée dans un vaste programme de promotion des banques de céréales (BC). En 2011, le réseau de la FNGN comptait 234 BC, rattachées à 48 unions réparties sur 13 provinces. La gestion des BC a connu diverses évolutions. En 1999, une étude met en avant que seul le quart des BC a une base économique saine, tandis que la moitié est en situation très dégradée. La FNGN conçoit alors un programme visant à améliorer durablement les performances des BC du réseau. Les principaux éléments de ce programme furent :
- la mise en place d’un fonds de crédit auquel les BC peuvent faire appel pour financer leur approvisionnement (avec un remboursement en fin de campagne) ;
- l’encouragement des comités de gestion à diversifier l’offre des BC à d’autres produits de première nécessité faisant également l’objet d’une forte demande au niveau des villages (niébé, arachide, etc.) ;
- l’abolition de la vente à crédit, quitte à favoriser la vente en très petites quantités, en fonction des liquidités des clients ;
- la promotion de modes d’approvisionnement plus avantageux pour les BC, notamment en organisant les achats en grandes quantités ;
- la diffusion d’informations sur les prix et opportunités d’achats et la mise en relation avec les acteurs de l’offre ;
- un suivi étroit de l’état des bâtiments et équipements et de la qualité de la gestion des BC par les comités ;
- le renforcement des capacités des différents acteurs ;
- le renforcement du système de collecte et d’analyse des données sur les performances des BC.
Pour bien marquer ces changements, les BC sont alors rebaptisés « Greniers de sécurité alimentaire » (GSA). On observe alors une amélioration de la gouvernance, une véritable redynamisation de la FNGN à travers certaines unions, et un renforcement des capacités des animateurs et des unions. Des améliorations significatives ont également été apportées au niveau de l’organisation des approvisionnements. La diversification semble elle aussi avoir progressée. Enfin une véritable dynamique d’échanges formatifs s’est initiée, tant entre animateurs qu’entre responsables de la gestion des GSA.
Aujourd’hui, la FNGN compte 378 GSA, dont 92% sont présents en zone déficitaire. Environ 500 000 personnes bénéficient des services des GSA. Le volume des approvisionnements en céréales est autour de 3000 tonnes ces dernières années.
Sources : Dynamiques paysannes nº 8 & 9, SOS Faim, décembre 2005.
La commercialisation collective de céréales par l’UGCPA
L’Union des groupements pour la commercialisation des produits agricoles de la boucle du Mouhoun (UGCPA) est née aux lendemains des politiques d’ajustement structurel ayant conduit au désengagement de l’État burkinabé de l’appui au secteur agricole. Dans un contexte de forte chute des prix sur les marchés, les producteurs de la Boucle du Mouhoun, alors livrés à eux-mêmes pour la gestion de la production, du stockage et de la commercialisation, se sont regroupés pour créer l’UGCPA.Collecte et commercialisation collective des produits agricoles des membres. Le dispositif est réglementé par un document très précis adopté en assemblée générale et intitulé « la réglementation sur les services offerts aux membres ».
Engagements de livraison du producteur membre à l’Union. L’UGCPA a mis en place un système de contractualisation avec les membres. Le producteur qui veut commercialiser ses excédents via l’Union signe en début de campagne un contrat de commercialisation qui l’engage sur une quantité qu’il détermine. Ce contrat est légalisé auprès des autorités locales.
Une fois l’ensemble des quantités prévisionnelles de livraison des membres compilées, l’Union prend des engagements auprès des institutions financières et des partenaires financiers et commerciaux.Fixation du prix garanti. Prix de récolte : il est fixé en octobre pour une application à compter du 1er novembre et vaut pour toutes les céréales livrées. Ce prix est calculé à partir d’une analyse fine de l’environnement, basée sur 5 indicateurs : 1) la production au niveau national et le bilan céréalier prononcé par l’État ; 2) les prix moyens payés aux producteurs sur les différents marchés de la région à cette période ; 3) l’environnement sous-régional (est-ce que les pays voisins ont bien produit ?) ; 4) les stratégies des partenaires : politique d’achat massif ou pas (rencontres du PAM, Sonagess, l’État, les sociétés de transformations, etc.) ; 5) la moyenne des charges de commercialisation des trois dernières campagnes et la projection des charges prévisionnelles de la campagne en cours.
Prix de cession : il est fixé entre le 3 et le 15 janvier. Ce prix est fixé en tenant compte des cinq indicateurs et suivant le marché, le prix de chaque produit est déterminé. Un réajustement de prix entre le prix à la récolte et le prix de cession est fait aux producteurs ayant livré au cours de la période intermédiaire.
Ristourne : À la fin de la campagne de commercialisation, si l’organisation enregistre des résultats positifs, les bénéfices sont partagés entre l’UGCPA et les producteurs qui ont livré, suivant une clé de répartition : 65% aux producteurs et 35% à l’Union pour couvrir ses frais de fonctionnement. Les ristournes sont remises au prorata des volumes livrés par chacun des membres.Investissement dans des infrastructures de stockage. L’ensemble des céréales livrées par les membres de l’UGCPA est stocké avant d’être commercialisé, dans des magasins appartenant à l’Union et d’une capacité de 3650 tonnes. Il arrive que l’Union loue ses magasins (comme par exemple à la Sonagess).
Commercialisation collective. L’UGCPA se charge de commercialiser l’ensemble des céréales collectées, à des commerçants et des institutionnels (PAM, Sonagess…).
Soutien à la production des membres via l’accès au crédit intrants et aux formations.
- Approvisionnement à crédit en engrais spécifiques aux céréales de qualité : remboursement prélevé sur les revenus au moment de la livraison des céréales.
- Production et approvisionnement des membres en semences certifiées à crédit : idem.
- Formations en conseil de gestion à l’exploitation familiale/ gestion agro-environnementale.
Renforcer l’esprit coopératif des membres et discipliner les comportements. L’UGCPA classe ses membres en 3 catégories et, en fonction de ce classement, leur donne accès à des crédits de campagne à différentes étapes de la production.
Un cadre régional de concertation des riziculteurs est né
La création du cadre régional de concertation des organisations des producteurs de riz en janvier 2011, à Bamako, est le résultat d’un long processus d’émergence. Depuis 2005, et l’adoption de la politique agricole régionale de la Cedeao (l’Ecowap), les responsables rizicoles des différents pays ouest africains avaient l’habitude de se rencontrer et de définir des positions communes et des plaidoyers sur les questions rizicoles. Ils se sont notamment fortement investis pour la création d’une 5ième bande tarifaire dans le cadre de la négociation du Tarif extérieur commun de la Cedeao. Avant de mettre en place un cadre régional, ils ont privilégié le renforcement de la structuration des riziculteurs au niveau national : c’est ainsi que plusieurs plateformes nationales de riziculteurs ont vu le jour ces dernières années, comme par exemple le CCR B au Bénin en 2006 et la plateforme riz au Mali en 2008.
Le cadre régional des riziculteurs est le bras du Roppa sur les questions rizicoles. Il vise (i) à renforcer la structuration des riziculteurs, notamment dans les pays où elle reste faible ; (ii) à soutenir les initiatives des OP rizicoles en matière de production et de mise en marché ; et (iii) à assurer la participation des OP à la définition et au suivi des politiques et programmes de développement rizicole. Le cadre est très actif sur les questions de plaidoyer.
Depuis sa création, le cadre s’attèle à définir son plan quinquennal d’activités et à se faire connaître des principales organisations et institutions intervenant dans le secteur rizicole ouest africain. Le cadre bénéficie de la reconnaissance de la Cedeao, qui a fortement soutenu la tenue de son assemblée générale constitutive en janvier 2011.
Éléments tirés d’un entretien avec Pascal Gbénou, président du cadre régional de concertation des riziculteurs.
La création d’un marché sécurisé autogéré par les riziculteurs de la coopérative de Mogtédo
Longtemps centrée sur la commercialisation du riz de ses membres et faisant face à l’absence de marchés rémunérateurs, la coopérative de Mogtédo au Burkina Faso n’achète plus le riz de ses membres, mais est aujourd’hui impliquée dans la sécurisation d’un marché local à leur profit.
Le choix stratégique de la coopérative de Mogtédo est de créer une plus-value au niveau local pour participer au développement local de la zone. La démarche est fondée sur l’implication de tous (coopérateurs, transformatrices, autorités), et est permise grâce à un contrôle rigoureux des transactions. Un « observatoire commercial » composé de 10 coopérateurs est notamment chargé de ce contrôle.Regroupement physique de l’offre. Pour favoriser une concentration et un meilleur contrôle de l’offre, la coopérative a délimité, en accord avec les autorités administratives, un endroit dans le marché réservé exclusivement aux opérations de commercialisation du riz, et situé devant le magasin de la coopérative. Cela permet de favoriser l’instauration d’une certaine discipline et de faciliter l’application et le contrôle des règles de commercialisation (prix, pesages) par l’observatoire commercial de la coopérative.
Soutien à la transformation locale du riz. Les coopérateurs commercialisent uniquement du riz paddy, et le vendent exclusivement aux femmes du département de Mogtédo. Ces femmes assurent la transformation locale du riz paddy par étuvage et décorticage, puis revendent le riz ainsi transformé sur le marché local. Toute vente de riz paddy en dehors de ce circuit est jugé comme une atteinte aux règlements de la coopérative et peut entraîner des sanctions pouvant aller jusqu’au retrait de la parcelle de production.
Contrôle du prix. Le prix de vente du riz paddy aux femmes est fixé en concertation entre les responsables de la coopératives et les transformatrices. L’observatoire commercial de la coopérative étudie l’offre de paddy disponible et les prix du riz importé, puis, en fonction de ces données et du coût de l’étuvage et du décorticage, un prix est fixé. Ce prix est appliqué impérativement sur le point de vente de la coopérative, et est systématiquement supérieur au prix pratiqué aux alentours.
Contrôle des pesées. Le regroupement physique du riz paddy à commercialiser permet un contrôle des instruments de mesure des quantités de riz (l’écart entre le poids mesuré et le poids réel était auparavant de 15%, au détriment du producteur). Les pesées sont gérées exclusivement par des paysans formés par la coopérative et avec des outils de pesée définis par elle. Aucune femme ne peut mesurer elle-même le riz qu’elle achète. Les paysans chargés des pesées sont directement rémunérés par les coopérateurs sur la base de 100 FCFA/100 Kg.
Constitution de stocks tampons de régulation. La coopérative constitue un stock de sécurité qui lui permet d’alimenter le marché en cas de pénurie / faible volume sur le marché, et ainsi de réguler les prix.
Appui à la production via des crédits de campagne pour les intrants. Les coopérateurs ont accès à des crédits de campagne pour acheter les intrants nécessaires à la production rizicole. Au moment de la commercialisation de leur paddy, les coopérateurs peuvent rembourser leur crédit soit sous forme de riz paddy livré à la coopérative, soit en espèces.
Restrictions quantitatives d’accès au marché ; contrôle des volumes mis en marché. De plus en plus de riziculteurs des villages voisins ou de plaines rizicoles lointaines souhaitent passer par ce marché de Mogtédo pour écouler leurs produits :
- Si la récolte est bonne, les producteurs des autres plaines n’ont pas accès au marché tant que le riz des coopérateurs de Mogtédo n’est pas vendu ;
- Par contre, lorsque la quantité sur le marché est faible, le marché est ouvert à tout producteur quelle que soit son origine géographique.
Si quelqu’un vend du riz sur le marché sans autorisation, la police intervient et saisit le produit. La coopérative fonctionne pour cela avec accord du maire et du commissaire.
Seules deux variétés, appréciées des restaurateurs, sont acceptées sur le marché de Mogtédo : le riz Nerica 60N et 62N.