Éléments introductifs
Les informations contenues dans le présent article sont issues d’un entretien avec Moumouni Assane Dagna (m.dagna@yahoo.fr), docteur en développement rural et ingénieur agroéconomiste au ministère de l’Agriculture et de l’Élevage du Niger.
Cet article fait écho à celui paru dans la revue Grain de sel nº 45 de début 2009 : Télécharger l’article : « Le Violet de Galmi est-il menacé ? »
Nous recommandons au lecteur de lire cet article dans un premier temps afin d’avoir tous les éléments du début de l’histoire du Violet de Galmi !
Après être passé très près de l’usurpation d’un droit de propriété intellectuelle sur la variété d’oignon « Violet de Galmi » en 2008, où en sont les Nigériens dans l’enregistrement et la démarche de certification de cet oignon si réputé ? Enquête.
On dit du Violet de Galmi qu’il est le plus célèbre des oignons ouest africains. Originaire de la vallée de la Maggia, dans la région de l’Ader au Niger (à 500 kilomètres de Niamey), cet oignon y est cultivé depuis plusieurs siècles.
Rappel historique sur l’origine d’une variété phare de la sous région. Après 10 années de sélection réalisée par les chercheurs de l’Irat ¹ (1965 et 1975), il ne restait que 4 ans de travaux pour stabiliser la variété avant de pouvoir multiplier la semence du Violet de Galmi, quand l’Inran ² fut créé pour se substituer à l’Irat. Centré sur les céréales locales de par le contexte de crise alimentaire, l’Inran abandonna alors la recherche sur l’oignon malgré l’important capital de variétés légué par l’Irat. Dans les années 80, la FAO poursuivit ces travaux de sélection au Sénégal. Suite à cela, des anciens de l’Irat créèrent Technisem, une société de production de semences, et sa filiale sénégalaise, Tropicasem, et ils achevèrent la sélection variétale du Violet de Galmi par la multiplication des semences en vue de les commercialiser.
En 1984-85, une nouvelle sécheresse poussa le Gouvernement du Niger à promouvoir les cultures de contre saison, ce qui permit aux premiers sachets de semences sélectionnées en provenance de Technisem d’y être vendues et massivement vulgarisées. Aujourd’hui, les semences améliorées du Violet de Galmi sont essentiellement commercialisées par Technisem via ses filiales en Afrique de l’ouest et même au-delà du continent.
Du « Violet de Galmi » au « Violet de Damani » : l’arbitrage de l’OAPI. Suite à la révision en 1999 de l’Accord de Bangui*, notamment par l’ajout de l’annexe X consacrée à la protection des obtentions végétales, les États membres de l’Organisation africaine de la propriété intellectuelle (OAPI)* ont été appelés à bénéficier des dispositions transitoires en enregistrant leurs variétés anciennes via des Certificats d’obtentions végétales* (COV), permettant ainsi la reconnaissance du droit de propriété au pays qui l’abrite.
C’est ainsi que la Société Tropicasem, partant du principe qu’elle avait longtemps diffusé le Violet de Galmi, dépose en 2006 une demande de COV pour cette variété. Informés à l’occasion d’une foire paysanne au Sénégal, les organisations de producteurs du Niger, conduites par l’Anfo, amènent leur gouvernement à réagir. L’OAPI refuse alors l’attribution du COV à Tropicasem pour le Violet de Galmi. C’est ainsi que Tropicasem a dû renommer sa variété « Violet de Damani » mettant ainsi fin au différend qui l’oppose à l’État du Niger.
Le Violet de Galmi rate le COV officiel, mais gagne la reconnaissance. La date limite de dépôt des dossiers de demande de COV par les pays était fixée au 31 décembre 2009. Or le gouvernement du Niger, préoccupé à revendiquer le droit de propriété du Violet de Galmi face à la démarche de Tropicasem, et face à des lenteurs administratives, n’a pas pu défendre à temps son dossier à l’OAPI.
Si la variété Violet de Galmi n’est donc pas aujourd’hui protégée par un COV pour le compte du Niger, l’affaire Tropicasem a fait grand bruit notamment au sein de l’OAPI qui la reconnaît aujourd’hui « officieusement » comme une variété dont la propriété revient au Niger ne serait-ce que par l’indication de la provenance géographique « Galmi ».
Après la marque collective, l’Anfo engage le processus d’IG. Déposée le 1er août 2007 à l’OAPI, la demande d’enregistrement de la marque collective « Anfo, Violet de Galmi » a finalement abouti en juillet 2010. Cette marque est un signe distinctif destiné à permettre aux consommateurs de distinguer le Violet de Galmi produit par les membres de l’Anfo.
Concernant l’Indication géographique (IG), le processus débuté en 2009 est encore en cours. L’IG sur le Violet de Galmi doit permettre de lier le produit à son terroir, à la fois sur les spécificités des techniques culturales, du terroir et des qualités organoleptiques qui en découlent, afin de produire du Violet de Galmi avec une qualité supérieure. Ainsi, une fois l’IG validée, tout producteur de la zone géographique délimitée n’ayant pas observé les spécifications du cahier de charge ne pourra avoir le droit d’apposer le signe de l’IG sur son produit.
Entre le Coafev et l’OAPI, un dialogue à renforcer ? Dans la poursuite de son objectif de valorisation des résultats de la recherche entreprise en Afrique, la FAO a élaboré un Catalogue ouest africain des espèces et variétés végétales (Coafev*) avec l’appui de l’Institut du Sahel sur la base des informations fournies par 17 pays membres de la Cedeao, de l’UEMOA et du Cilss. Ce catalogue présente la liste limitative des variétés ou types variétaux dont les semences peuvent être produites et commercialisées dans ces pays. Il est constitué par la somme des variétés inscrites dans les catalogues nationaux des États membres, qui sont des variétés homologuées reconnues « Distinctes, Homogènes et Stables » (DHS). Sept oignons figurent dans ce catalogue , dont le Violet de Galmi.
La question des enjeux financiers liés à ces diverses formes de protection de variétés reste à explorer. Quel est le coût de l’inscription d’une variété à l’OAPI ? Y a-t-il des redevances à payer ? Qu’est-ce que la mise en place de l’IG impliquera en terme de coût ? Affaire à suivre…