Développement endogène et indépendance économique : voilà les objectifs ambitieux du Plan Ghana Beyond Aid (GhBA), annoncé par le président Nana Addo Dankwa Akufo-Addo en 2017. Une déclaration forte qui crée autant d’espoirs que d’interrogations sur sa faisabilité.
“Nous voulons construire un Ghana au-delà de l’aide, un Ghana qui se tourne vers l’utilisation de ses propres ressources” : c’est ainsi que le président ghanéen a évoqué sa volonté d’affranchir son pays de l’aide financière internationale. Pour l’heure, cette initiative s’est traduite par un budget 2019 libéré de la tutelle du FMI et d’une charte stratégique générale publiée en avril dernier. Prônant un développement économique endogène basé sur l’industrialisation locale et la collaboration entre les secteurs privé et public, le GhaBA ravive le désir de souveraineté africaine, autrefois incarné par le Président Kwame Nkrumah.
L’agriculture, un des quatre secteurs prioritaires. Le programme “Un département, une usine” vise à implanter des usines privées de transformation sur l’ensemble du territoire. Directement en lien, le second pilier du plan est le développement et la modernisation de l’agriculture. Deux programmes majeurs en font partie : “Un village, un barrage”, qui prévoit la construction de plusieurs dizaines de barrages au Nord pour développer l’irrigation et “Planter pour la nourriture et l’emploi” qui, au moyen de subventions aux semences, aux engrais et aux technologies agricoles (p. 15) vise à soutenir les producteurs et les entrepreneurs. Ces deux piliers complémentaires ont pour objectif d’augmenter la production agricole, d’exporter des produits transformés et ainsi de faire reculer la pauvreté et la malnutrition. Les troisième et quatrième piliers concernent le renforcement du système éducatif et la lutte contre la corruption.
Des besoins de financement à couvrir. L’objectif de ces programmes est de réduire la double dépendance aux exportations de matière première brute sans valeur ajoutée et aux importations de certains produits alimentaires (comme le riz). Néanmoins certains analystes craignent au contraire une exploitation accrue des ressources naturelles du pays, non agricoles (hydrocarbure, or, bauxite) ou agricoles (cacao par exemple, p. 25), avec pour conséquence un accroissement de la vulnérabilité du Ghana aux variations des cours mondiaux et des dégradations environnementales qui coûtent déjà 12 points de PIB au Ghana selon des estimations de la Banque mondiale.
Pour le Ghana, se passer à court terme des financements extérieurs semble difficile. Si le déficit budgétaire de 3,9 % début 2019 s’est amélioré, les recettes fiscales sont encore relativement faibles : le ratio impôts/PIB au Ghana est seulement de 15 % contre 19 % en moyenne en Afrique de l’Ouest. D’après la revue Macrodev publiée par l’AFD en juin 2019 et consacrée au Ghana, le taux d’endettement public a quant à lui presque triplé entre 2006 et 2016, passant de 26 à 74 % du PIB. La note constate cependant l’évolution de la structure de cet endettement. La part des emprunts concessionnels auprès des bailleurs de fonds bilatéraux et multilatéraux a progressivement diminué jusqu’à ne représenter que 14,3 % de la dette publique en 2018 contre 32 % en Côte d’Ivoire à la même date. Le Ghana s’est donc tourné vers l’endettement extérieur en devises (les marchés financiers), s’exposant ainsi à d’importants risques de change dans un contexte de fragilité du cedi (p 10). De nouveaux partenaires extérieurs comme la Chine sont également de plus en plus présents. Le besoin de financement extérieur est d’autant plus flagrant dans le secteur agricole. L’aide publique au développement contribue à hauteur de 17 % du budget agricole contre seulement 3 % en Côte d’Ivoire. De nombreux programmes agricoles dépendent de donateurs extérieurs.
Ghana beyond aid : un horizon mobilisateur. De manière structurelle, le gouvernement ghanéen dispose de très peu de marge de manoeuvre budgétaire pour financer sans aide les projets d’envergure du GhBA. Michael Owusu, chargé de projet au Ministère de l’alimentation et de l’agriculture du Ghana, rappelle que le GhBA reste une perspective pleine d’espoir pour l’Afrique, même si dans l’immédiat, les financements extérieurs restent une nécessité : “Nous continuerons d’avoir besoin d’aide et de soutien, mais sans ce soutien, nous devrions à terme être en mesure de tenir debout”.
Équipe IR