Le Ghana dispose de sa propre monnaie nationale, le cédi ghanéen. Il doit emprunter sur le marché international en dollars (US$), avec d’importants risques de change. C’est l’amère expérience qu’en a fait Olivier Édouard Kabré, un entrepreneur burkinabé qui a misé sur les opportunités du marché ghanéen. Avant de reculer.
No pity in business, time is money, cash and carry, autant de slogans scandés par les hommes d’affaires ghanéens. Plusieurs investisseurs de la région ouest-africaine ont élu domicile au Ghana pour des raisons d’ordre économiques et sociales. Ce pays bénéficie d’une stabilité politique, d’une croissance économique fulgurante (p. 6) et constitue une zone propice aux investissements. Son histoire, sa culture et sa position agro-climatique attirent aussi bien de grandes institutions comme l’Organisation Internationale du Travail que des firmes agroalimentaires (Nestlé, Unilever). En 2016, l’OCDE estimait que le Ghana comptait près de 3 % d’immigrants, principalement des Nigérians mais aussi des Burkinabés, des Togolais, des Ivoiriens.
Le Burkina Faso : un partenaire privilégié. Le brassage culturel et socio-économique du Ghana a suscité de nouvelles demandes en produits agroalimentaires importés des pays voisins, d’Europe et d’Afrique du Sud. Le Burkina Faso est le partenaire commercial privilégié du Ghana pour les fruits, les légumes et le maïs. Selon l’Atlas de l’Observatoire des Complexités Économiques, 94 % de la tomate consommée au Ghana est importée du Burkina Faso, pour une part de marché équivalent à 1,2 million d’euros. Au total, le Ghana importe pour un total de 4,7 millions d’euros de produits agricoles burkinabé. Les grandes chaînes hôtelières, les supermarchés (Shop rite, Mariana Mall, Koala, MaxMart) importent des fruits et légumes pour satisfaire la demande du marché. Néanmoins, les commerçants enregistrent un déficit d’approvisionnement en produits de qualité, faute de logistique et de transport adaptés. Ces contraintes engendrent des pertes importantes pour un marché de produits à forte valeur ajoutée. Depuis le Burkina, M. Jules Zongo et moi même avons perçu des opportunités d’affaires au Ghana. Ainsi entre 2012 et 2013, sur fonds propres, nous avons lancé une start-up La Saisonnière Ltd. pour l’achat et la distribution de fruits et légumes secs et frais.
Un contexte monétaire incertain. En juillet 2007, le Ghana a réévalué sa monnaie pour la troisième fois depuis 1967. La nouvelle monnaie, le Ghana cédi (GHS) valait 10 000 ancien cedis soit 1.1 dollar USD et environ 550 francs CFA. Adieu les sachets plastiques remplis de billets de banque pour les échanges commerciaux ! En effet, pendant très longtemps, le cédi ghanéen était perçu comme une monnaie faible par rapport au CFA ; avant 2007, 1 000 FCFA valaient 19 000 anciens cédis. Mais le Ghana cédi s’est rapidement déprécié. Déjà, en 2010, le Ghana cédi avait atteint 300 FCFA et 270 FCFA quand nous avons lancé notre affaire. En 2014, la monnaie avait perdu plus de 35 % de sa valeur par rapport au FCFA. En novembre 2019, 1 GHS ne valait plus que 107 FCFA (soit 0,18 dollar USD).
Une affaire exposée au risque de change. Sous le poids de l’inflation et du coût de la convertibilité de la monnaie en franc CFA, les produits du Burkina Faso étaient de plus en plus chers sur le marché ghanéen. Au départ, 80 % de nos transactions se faisaient par “cash and carry”, c’est-à-dire par paiement intégral immédiat auprès des vendeuses de fruits et légumes. Puis notre collaboration avec les supermarchés, les hôtels et les restaurants est devenue contractuelle et basée sur des délais de paiement de 30 à 60 jours. La start-up avait survécu à la conjoncture de juillet 2014, soutenue par une croissance fulgurante des importations de produits. Mais l’inflation d’août 2015 fut le coup de grâce, et a eu raison de notre jeune entreprise.
En l’espace de 2 mois, le cédi a perdu près de 30 % de sa valeur par rapport au FCFA. Pour une marchandise de 9 600 GHS, livrée aux supermarchés, l’entreprise perdait au change l’équivalent de 1 500 GHS (255 000 FCFA – soit 390 euros). Le rythme de négociation des contrats n’arrivait alors plus à suivre l’évolution du taux de change.
Un commerce en évolution. Les commerçants et hommes d’affaires burkinabé sont enthousiastes à l’idée de faire du business au Ghana malgré la barrière linguistique et de participer au renforcement de la production locale. Mais l’une des causes majeures de leur réticence provient de la volatilité du GHS par rapport au FCFA. Une meilleure compréhension du marché et des risques liés à la variation du taux de change permettrait aux commerçants de mieux appréhender les opportunités de commerce entre les deux pays.
Olivier Édouard Kabré, ingénieur dans les systèmes d’information de marché et le développement des chaînes de valeurs agricoles.