Le Ghana entend augmenter sa production locale de riz afin de répondre à la demande croissante et atteindre l’autosuffisance. Toutefois, la prédilection pour le riz importé et la faiblesse du Tarif Extérieur Commun (TEC) de la CEDEAO freinent le développement du secteur.
La production rizicole au Ghana a fortement augmenté : 510 000 tonnes de riz auraient été produites entre 2018 et 2019 (USDA 2018). Cette hausse coïncide avec la stratégie de production adoptée par le pays. En revanche, les capacités de production ne sont pas exploitées à leur maximum et le secteur présente encore un énorme potentiel de développement.
Dans les zones urbaines, la consommation de riz est en hausse. Le riz est désormais la deuxième céréale la plus consommée au Ghana, derrière le maïs. Les Ghanéens qui ont vu leur revenu augmenter avec le développement économique du pays sont nombreux à préférer le riz comme nouvel aliment de base, au détriment du maïs. Aujourd’hui, près de 67 % de la population ghanéenne (qui ne se trouve pas en situation de pauvreté) en consomment régulièrement. Cette nouvelle tendance, qui s’accompagne d’un accroissement démographique (2,4 % chaque année selon la Banque mondiale), explique la hausse significative de la consommation de riz au Ghana : alors qu’en 2014, elle était de 831 000 tonnes, elle a été estimée à 1,12 millions de tonnes en 2018- 2019, soit 35 kg/an par personne.
La production rizicole nationale couvre 48 % de la demande du pays. Le reste est assuré par les importations, qui se destinent en particulier aux consommateurs urbains, soit 55 % de la population nationale. Ces derniers consomment 76 % du riz importé.
Le riz importé est privilégié pour sa qualité constante. Au Ghana, près de 80 % du riz est produit dans les régions du Nord, du Haut Ghana oriental et de la Volta. Grâce aux ressources naturelles présentes sur son territoire, le pays est à même de devenir autosuffisant dans la filière du riz. Cependant, les consommateurs des zones urbaines préfèrent le riz importé, car il est plus avantageux en matière de prix et de qualité. Ils sont davantage séduits par son apparence physique, son goût et ses arômes, mais aussi par le fait qu’il contient moins de débris et de cailloux. En outre, les villes disposent d’un réseau de distribution solide pour le riz importé qui comprend quatre types de points de vente : des petits magasins de détail, des commerçants ambulants, des magasins de détail de taille moyenne et des supermarchés. Les villes d’Accra et de Kumasi s’imposent comme les deux plus grands marchés de détail et concentrent 60 % des ventes de détail de riz importé.
En revanche, les marchés ruraux sont dominés par le riz local. Près de 70 % du riz produit localement est vendu sans marque et aucun effort de nature promotionnelle visant à le rendre populaire ne semble être déployé. Le plus gros problème est que la qualité du riz local n’est pas aussi constante que celle du riz importé. De plus, le secteur fait face à plusieurs obstacles : coûts de production élevés, faible productivité, pertes de cultures dans les champs, pertes après récolte, difficultés de transport, coupures de courant fréquentes dans les usines de transformation. Les chaînes d’approvisionnement en riz local ne sont que partiellement organisées et demeurent informelles et fragmentées. L’instabilité du taux de change entre le dollar américain et le cedi ghanéen contribue également à la hausse des prix du riz local au Ghana (p. 10). Toutes ces difficultés empêchent le Ghana de réaliser son potentiel d’autosuffisance et de profiter de la hausse de la demande en riz qui anime la CEDEAO.
L’importation de riz : une activité lucrative. Étant donné que les marchés d’importation d’Afrique de l’Ouest ne sont pas organisés, les marchands de riz peuvent utiliser leur influence respective à leur avantage. Il est relativement facile d’anticiper le marché africain du riz, puisqu’il est lié à la démographie, au niveau des stocks et aux précipitations. Il s’agit cependant d’un marché à haut risque et les marchands préfèrent acheter les produits à l’avance pour plus de sécurité. La concurrence est telle que les plus avisés chargent leurs embarcations et désignent deux pays comme destinations éventuelles de débarquement. Le reste relève des opportunités qui émanent de la tendance ou de son renversement. Les importateurs ghanéens achètent les marchandises directement à bord dès lors que leur banque leur donne le feu vert et souvent par le biais d’un intermédiaire. Le nombre de critères appliqués par les marchands directement sur les bateaux (tendances en matière d’affrètement des bateaux, prix du riz sur les marchés locaux et internationaux, prix du carburant, etc.) rend le marché du riz très risqué, mais aussi très lucratif. Les droits de douane sont bas, ce qui permet aux commerçants d’importer les produits plus facilement que de soutenir la production locale.
La question des droits de douane. Depuis octobre 2013, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a adopté la structure finale de son Tarif Extérieur Commun en vue d’établir une union douanière. Ce TEC, qui viendra prendre le pas sur celui de l’Union Économique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA), comprend une cinquième bande tarifaire fixée à 35 %, en vigueur depuis janvier 2015. Beaucoup de parties prenantes espéraient que ce nouveau TEC soutienne davantage la filière du riz en l’incluant dans cette cinquième bande, étant donné qu’il est devenu le produit le plus stratégique de la région. Finalement, la structure finale du TEC de la CEDEAO place le riz dans les bandes à 5 %, 10 % et 20 % en fonction du type de riz importé, et le riz décortiqué dans la bande à 10 %, comme c’était le cas avec l’UEMOA. Le TEC est si bas que l’Afrique de l’Ouest et le Ghana se sont rapidement transformés en zone franche pour beaucoup de produits alimentaires importés, notamment le riz.
Pourtant, reposer sur les importations de riz peut mettre en péril la sécurité alimentaire et la souveraineté alimentaire. De plus, cela compromet sérieusement l’action menée par les gouvernements pour augmenter la production rizicole nationale, qui devrait être protégée contre les fluctuations des prix mondiaux et les pratiques commerciales déloyales.
Le Tarif Extérieur Commun : un double défi. Pour assurer la croissance durable de la filière du riz et atteindre les objectifs de souveraineté alimentaire définis par le Programme détaillé de développement de l’agriculture africaine (PDDAA), il est indispensable de déterminer si le niveau actuel du TEC de la CEDEAO permettra d’y parvenir et de réduire la pauvreté en Afrique de l’Ouest. Le ROPPA fait actuellement du lobbying en faveur du passage du taux de la CEDEAO à 35 %. Cependant, contrairement à leur point de vue, le TEC devrait bénéficier non seulement aux producteurs, mais également aux consommateurs. Les décideurs politiques doivent alors relever un double défi : garantir un meilleur revenu aux producteurs tout en améliorant le bien-être des consommateurs. Il est donc essentiel d’améliorer la qualité du riz local afin qu’elle égale celle du riz importé.
Evans Sackey Teye est spécialisé dans le développement agricole et travaille depuis cinq ans pour l’Organe interprofessionnel du riz du Ghana (GRIB).