Article rédigé à partir d’une note de Patrick Delmas (Afdi AO) en ligne sur notre site : http://www.interreseaux.org/article.php3?id_article=2775, complétée par un entretien de la rédaction avec Faliry Boly, président du Sexagon, président de la Plate-forme riz.
En février 2006, les producteurs de riz du Mali se sont retrouvés à Niono, à l’invitation du Sexagon, pour la « fête du riz ». Au cours de cette rencontre, les représentants des riziculteurs se sont donné rendez-vous plus tard pour mettre en place une Plate-forme des producteurs de riz. Depuis un moment « l’approche filière » est présentée comme incontournable pour la structuration des producteurs. Au Mali, la Loi d’orientation agricole alors en préparation (adoptée en septembre 2006) prévoit une politique de promotion des filières, une concertation entre les acteurs spécifiques de ces filières et la mise en place d’interprofessions.
Dans la sous-région, le Réseau des organisations paysannes et des producteurs de l’Afrique de l’Ouest (ROPPA) se redimensionne pour répondre à cette nécessité de concertation par filière. En développant un plaidoyer sur le riz, il encourage les producteurs de riz de chaque pays membre à se réunir en plate-forme nationale ou en fédération de riziculteurs.
Faliry Boly : « À ce moment-là nous nous sommes réunis avec des membres du Roppa du Bénin, du Burkina Faso, de la Guinée, du Niger et du Sénégal. Le Roppa, avec l’Oxfam, était à l’époque très investi dans la campagne “Afrique nourricière”. Mais pour nous il était très important que nous, producteurs de riz, soyons à l’initiative d’un tel projet. »
Au Mali, les OP productrices de riz membres de l’AOPP demandent à cette organisation faîtière de préparer, organiser et piloter la démarche. Des responsables du Sexagon et de l’AOPP accompagnés des Chambres d’agriculture organisent plusieurs rencontres préparatoires dans les différentes régions afin d’expliquer les objectifs de la démarche, d’identifier les OP productrices de riz et de leur permettre d’envoyer des délégués dûment mandatés et capables d’engager leurs organisations.
En mars 2007 à Niono, des délégués des organisations de producteurs rizicoles de l’ensemble du Mali approuvent la création d’une Plate-forme nationale des riziculteurs. Ils en déterminent la vision, les missions et la charte.
À l’unanimité, les délégués présents optent pour la mise en place de structures régionales. Les assemblées pour la création des plates-formes régionales se dérouleront dans le courant de l’année 2007. Les représentants de ces plates-formes régionales se retrouvent le 19 janvier 2008 à Bamako pour créer officiellement la Plate-forme nationale des riziculteurs du Mali.
FB : « La Plate-forme regroupe 6 plates-formes régionales. La Plate-forme nationale, qui n’a pas de fonds propres, joue un rôle de coordination et de représentation nationales. »
Pourquoi les producteurs rizicoles ont-ils créé leur Plate-forme ? Comment va-t-elle fonctionner ?
L’objectif de la plate forme est d’une part d’oeuvrer pour assurer aux exploitations rizicoles un revenu décent de leur activité et d’autre part d’offrir un cadre de concertation, de promotion et de renforcement des organisations membres.
FB : « La Plate-forme dispose d’un bureau, dont j’ai été élu président, et d’un Conseil d’administration qui s’est réuni tout récemment (les 13-14 novembre 2008) à Bamako. La réunion de CA a décidé de la création de deux structures :une structure en charge de l’approvisionnement en engrais (structure de type “groupement” s’occupant de la demande et de l’offre); un comité de concertation où différentes structures sont invitées : Office des produits agricoles du Mali (Opam), ministère, Commissariat à la sécurité alimentaire, direction nationale de la Concurrence et la Réglementation, AOPP, CNOP, APCAM. »
Pourquoi ces deux structures ?
FB : « Tout d’abord il faut dire que nous ne souhaitons pas que la plate-forme soit impliquée en tant que telle dans l’approvisionnement en engrais, même si elle a prévu de travailler pour une meilleure information de ses organisations membres sur les prix, les marchés, et autres informations nécessaires pour faciliter les approvisionnements. On a vu de nombreuses OP trébucher sur des questions impliquant la gestion de l’argent des intrants.
Pour ce qui concerne le comité de concertation, il répond à un besoin très important en matière d’information. Lors de la mise en place de la plate-forme régionale de Tombouctou, nous avons constaté que les producteurs avaient encore des stocks. De même, l’organisation paysanne Faso Jigi disposait de stocks conséquents tandis qu’au même moment, le gouvernement craignant la pénurie faisait en sorte que les importations de riz soient facilitées. Le problème actuel au Mali est que les producteurs ne disposent ni des moyens d’évaluer avec fiabilité et régularité leurs stocks, ni de la capacité à communiquer ces données. Ainsi, si la direction nationale de la Concurrence et de la Réglementation dispose d’estimations précises des stocks en riz au niveau des commerçants, des douanes et des ports, elle n’a aucune information sur les stocks dont disposent les producteurs, qui sont pourtant énormes ! Nous souhaitons aider les paysans à mieux connaître leurs stocks pour mieux les communiquer au gouvernement et ainsi être défendus. L’objectif est d’éviter les mesures de baisses de droits de douanes visant à faire rentrer le riz importé à bas prix pour des raisons de sécurité alimentaire.
Nous allons donc mettre en place des formations à la collecte d’information sur les stocks, avec l’appui de la direction nationale de la Concurrence. »
Progressivement, la Plate-forme nationale des riziculteurs ambitionne de devenir un interlocuteur reconnu et impliqué dans les processus de définition des politiques de développement du monde rural en général et de la riziculture en particulier, aux plans national, sous-régional et international.
FB : « Tous les ministères concernés étaient présents lors de la création de la Plate-forme, et la présidence a été représentée. »
Rechercher comment avoir un marché plus stable.
Les producteurs souhaitent avoir des prix rémunérateurs et dans le même temps, les consommateurs souhaitent avoir des prix relativement bas pour permettre un accès à une alimentation de base pour tous.
Ainsi une équation à plusieurs variables doit être résolue au niveau national. Il s’agit de (i) permettre aux riziculteurs maliens d’obtenir un prix rémunérateur pour leur travail ; (ii) accompagner le développement de la riziculture malienne pour répondre durablement à l’augmentation de la demande nationale ; (iii) garantir un prix abordable pour les consommateurs ; (iv) assurer une politique de sécurité alimentaire à travers la constitution de stocks.
En somme, il s’agit d’amortir les fluctuations du marché dans l’intérêt tant des producteurs que des consommateurs. Une gestion concertée du marché entre les producteurs, les agents intervenant dans la commercialisation, l’État et les importateurs pourrait permettre d’atteindre cet objectif d’intérêt national de stabilisation générale du prix du riz au Mali.
Depuis plusieurs années, le Mali connaît une « bataille de chiffre » aussi bien sur les productions que sur les rendements, les importations sans parler des coûts de production des riziculteurs. Il ne sera pas possible de définir les politiques nécessaires pour une meilleure stabilisation du marché sans données fiables.
Pour ce faire, la Plate-forme des riziculteurs entend disposer d’une information précise et vérifiable sur la production ; d’une estimation fine de la demande nationale avec un éclairage sur les rapports de substitution dans la consommation entre les différentes céréales ; de leviers clairement identifiés pour gérer en connaissance de cause une politique d’importation ou de stockage. L’identification de ces leviers et une meilleure connaissance de leur fonctionnement devraient permettre de proposer et négocier avec l’État et les autres acteurs de la filière une meilleure gestion du marché en proposant des outils appropriés. On suivra donc les avancées de cette nouvelle plate-forme avec la plus grande attention.