Les modes de faire et les démarches de ces acteurs diffèrent en fonction notamment de : Qui demande la vidéo ? Qui la finance ? Qui décide de son contenu ? Qui fait les prises de vues) ? Qui visionne l’ensemble des scènes filmées et donc décide quels extraits privilégier lors du montage et du mixage ? Comment la vidéo est utilisée, par et pour quel(s) public(s) ? Inter-réseaux favorise la mise en réseau d’acteurs utilisant la vidéo. Nous partageons ici quelques extraits de discussions et de documents disponibles par ailleurs en ligne.
Les images à la Fongs : un capital actif ! Nadjirou Sall, Daouda Diagne, Fongs Action paysanne Sénégal (sgfongs@yahoo.fr).
À la Fongs, nous avons vu ces dernières années l’évolution très rapide des nouvelles technologies. Nous nous sommes questionnés sur les possibilités de s’en saisir, et la volonté forte de recourir aux images nous a amenés à travailler à deux niveaux.
D’abord, que ce soit sur le plan institutionnel ou de nos activités mêmes, nous essayons d’enregistrer le maximum d’événements pour communiquer et partager ce que nous faisons. Ainsi, une banque d’informations a été constituée depuis 2001. Pour nous c’est important. Cela favorise la production collective de savoirs paysans, l’expression paysanne : c’est une mémoire. Mais nous essayons aussi de valoriser ce qui a déjà été fait avant, depuis 30 ans. Nous avons mené là tout un travail pour rassembler et classer ces supports visuels. Ces images constituent une richesse.
Maintenant, le grenier commence à être bien rempli. L’important c’est de pouvoir utiliser et digérer tout ce capital. Car au niveau de la Fongs, la vidéo n’est pas une fin en soi. Concrètement, les vidéos sont utilisées par nos animateurs pour faciliter les échanges paysans, la formation et la mobilisation des membres en interne. La mobilisation sociale, c’est une force. Et ça ne se résume pas sur du papier. Des images, c’est plus parlant ! Les vidéos sont pour cela des outils importants. Elles portent aussi le combat, nos voix et visions à l’extérieur.
Un intérêt fort des vidéos est qu’il n’y a pas besoin de savoir lire ou écrire en français pour partager les informations. Sur certains sujets, au lieu de passer des heures à expliquer, quelques images suffisent. Nous avons des vidéos qui en 2-3 minutes montrent ce qu’est la Fongs, qui est membre, comment on se mobilise, comment on se fait entendre dans notre pays. Nous avons aussi des images pour travailler avec nos membres montrant comment nous gérons nos exploitations familiales, la diversification, l’intensification, la transformation, la commercialisation ; comment nous travaillons pour créer un marché ou sur le financement décentralisé… les thèmes sont très variés.
La vidéo, un outil qui fait débat ! Loïc Colin (loicolin@yahoo.fr), Vincent Petit (vtitep@yahoo.fr), agronomes, docteurs en Sociologie de la Communication et du Développement.
Dans une dynamique d’échange d’expériences en réseau, nous avons réalisé un montage de 5 minutes intégrant le film intitulé « Vidéos pour le développement, ou, Vidéo tout court ? ». Ce montage est issu d’un diagnostic participatif en vidéo mené en zone Office du Niger avec des paysans maliens. Il vise à montrer le type de produit obtenu par cette approche, ainsi que les réactions locales, et surtout celles des paysans ayant participé à cette démarche. Ces derniers soulignent la facilité d’accès au contenu du diagnostic, et donc un meilleur contrôle. Ils se sentent valorisés :
« La projection de la vidéo a permis d’encourager les gens à s’exprimer lors de la réunion. On y a également appris beaucoup de choses. […] Sans ces vidéos on n’aurait jamais eu de telles informations. Beaucoup d’entre nous partent pour les réunions mais ne comprennent pas ce qui se passe. Cette fois-ci, quand on a vu les vidéos, tout le monde savait ensuite de quoi on devait parler. »
« Ils viennent chez nous et nous tenons des réunions. Ou ils nous convoquent, ensuite on parle et ils écrivent. Mais si ce que tu dis n’est pas de leur avis, ils ne l’écriront pas. Jamais. Plusieurs personnes participent à ces réunions, mais ce que tu dis on le transforme en français. Avec la vidéo on te voit et on t’entend, on ne peut pas transformer tes paroles ».
Finalement le caractère original de cette démarche vidéo permet parfois un regain d’intérêt dans des zones surpâturées par les travaux de recherche et d’appui au développement. Si la vidéo présente des atouts indéniables, nous pointons cependant le rôle prépondérant des intervenants vidéo, issus ou non du système d’acteurs local. Nous plaidons notamment pour qu’ils ne soient pas que des techniciens audiovisuels, mais bien conscients des enjeux de développement et disposant d’une bonne compréhension des sujets traités.
De quelles démarches de réalisation et de production vidéo parle-t-on ? Souleymane Ouattara, Dir. Jade productions, Burkina Faso (jadeproductions@fasonet.bf).
Directeur d’une agence de presse privée et engagé depuis plus de 20 ans dans la production d’articles de presse, photos, vidéos, émissions radio et télévision, et depuis 5 ans dans la formation de futurs journalistes, je pense faire du journalisme autrement.
Quand nous utilisons l’outil vidéo avec des agriculteurs, nous travaillons certes sur des genres journalistiques, mais l’approche participative que nous utilisons est aux antipodes de ce que ferait un reporter professionnel, qui pratique un exercice solitaire.
Nous procédons d’abord au repérage des innovations sur le terrain. C’est l’étape nécessaire pour comprendre en amont « en quoi consiste notre sujet ? ». Cela implique un travail avec des personnes et organismes d’appui connaissant l’innovation : OP, ONG, organisation. Il faut également aller sur le terrain, rencontrer les gens, comprendre leurs problématiques.
Ensuite, c’est la phase d’approfondissement de la réflexion et mise en évidence des éléments explicatifs. Elle peut se faire par une rencontre de cadrage entre OP, consultant, réalisateur, ONG d’appui. Il peut y avoir l’examen d’études réalisées par le consultant. Cela fait, nous pouvons alors passer à la production à proprement parler, c’est-à-dire au tournage et à la post production pour aboutir à la finalisation de la vidéo.
Cela paraît évident… et pourtant ! Combien de vidéos commandées puis finalisées avant même qu’ait été pris le temps de comprendre les situations et acteurs locaux ? On peut se demander si le résultat est alors « une vidéo pour le développement » ou « une vidéo tout court » ? Je n’oublie jamais qui je suis, essayant ne pas perdre de vue des valeurs comme l’équilibre dans le jugement, l’honnêteté (l’objectivité, j’y renonce). Dans un monde où la communication s’insère partout, garder le cap est un combat de tous les instants.
Échange d’expériences en réseau ! Anne Lothoré (anne.lothore@inter-reseaux.org).
Le Groupe de travail d’Inter-réseaux sur la commercialisation des produits agricoles a utilisé la vidéo, articulée avec d’autres outils, dans des démarches d’échanges et de réflexions collectives. Les résultats ont été très encourageants, comme l’avait alors remarqué Patrick Delmas (Afdi Afrique de l’Ouest) : « Il n’y a pas photo, les vidéos sur les expériences locales de commercialisation ont apporté un plus indéniable et permis une plus grande et meilleure participation des producteurs et productrices comme des responsables et animateurs d’OP. Les premiers participent davantage car c’est plus visuel et concret. Pour les seconds, cela les change des ateliers ou formations auxquels ils participent de nombreuses fois dans l’année ».
Et vous, comment utilisez-vous la vidéo ? Quelles sont vos expériences ? Comme les usages des vidéos peuvent grandement varier selon les contextes et les démarches des utilisateurs, les coûts et résultats associés sont aussi très variables… Cela vaut donc la peine de communiquer sur vos pratiques… Partagez votre expérience sur la liste de discussion videoOP@interreseaux.org