Les populations pastorales ont été largement exclues des dispositifs d’éducation et de formation, ce qui a contribué à leur marginalisation socio-économique et alimente les conflits intercommunautaires. Le Programme régional d’éducation et de formation des populations pastorales (Prepp) mis en oeuvre par l’Apess s’attaque à ces enjeux.
Grain de Sel : Pouvez-vous expliquer en quoi consiste le programme d’éducation et de formation des populations pastorales en zones transfrontalières (Prepp) ?
Apess : Le Prepp est l’aboutissement d’une réflexion lancée en 2010, entre les organisations pastorales d’Afrique de l’Ouest et du Centre et la Coopération suisse (DDC) autour des problématiques de l’éducation et de la formation des communautés pastorales. Du fait de leur mode de vie, celles-ci ont été exclues des systèmes éducatifs classiques. Leur taux de scolarisation et d’alphabétisation est faible. Il fallait trouver une offre alternative adaptée au contexte de la mobilité de ces éleveurs. Le programme couvre à ce jour cinq zones transfrontalières (Burkina-Bénin- Togo ; Mali-Burkina ; Bénin-Niger, Mali-Mauritanie et Niger-Tchad).
GDS : Pourquoi cibler les zones transfrontalières ?
Apess : Le Prepp s’attaque à plusieurs problèmes, y compris celui des conflits intercommunautaires entre agriculteurs et éleveurs. Nous pensons que si les communautés pastorales ont accès à l’éducation, elles seront mieux intégrées à la vie sociale, économique et politique de leur pays, et il y aura moins de conflits. Et on le constate ! De l’avis des bénéficiaires, le Prepp contribue à renforcer la cohésion sociale et à apaiser le climat dans les zones de transit et d’accueil des transhumants. La réduction des conflits constitue l’objectif global de la deuxième phase du Prepp (2017-2021).
GDS : Concrètement comment fonctionne le Prepp ?
Apess : Le Prepp a trois grandes composantes : éducation et formation, coopération transfrontalière et plaidoyer. Il propose une offre d’éducation de base adaptée à la mobilité et aux besoins spécifiques des éleveurs et pasteurs. Lors de la première phase (2014- 2016), les formations ciblaient les personnes âgées de 15 ans et plus. 125 centres ont été ouverts dans les cinq zones transfrontalières. Près de 8 200 apprenants sont passés par ces centres, dont plus de 40 % de femmes. Pour ce qui est de la formation professionnelle, une sélection est faite parmi les apprenants issus des centres d’éducation de base. Pour y accéder l’apprenant doit être alphabétisé. 67 espaces de formation ont été ouverts au cours de la première phase et près de 1 700 éleveurs ont été formés autour de quatre métiers : vulgarisateur en santé et production animale, médiateur social, entrepreneur en milieu pastoral et facilitateur endogène. Cinq comités transfrontaliers ont aussi été mis en place, rassemblant les maires, les services techniques de l’État et les organisations d’éleveurs de part et d’autre des frontières des pays. Leur objectif est la gestion et la prévention des conflits, grâce à une gestion concertée des ressources naturelles ; mais aussi l’intégration de l’éducation et de la formation dans les politiques locales. Enfin, l’objectif du Prepp est que les États et les institutions sous régionales prennent des résolutions fermes en faveur de l’intégration de l’éducation dans les politiques sectorielles. Des conventions ont été signées (Mali, Burkina, Bénin) ou sont en cours de signature (Togo) entre les acteurs du Prepp et les États pour l’accompagnement matériel et financier du programme.
GDS : Quels seront les défis de la seconde phase ?
Apess : Un des défis est de toucher certains éleveurs difficilement accessibles par des approches pédagogiques classiques, comme les jeunes bergers. On a décidé de recourir aux technologies de l’information et de la communication à travers l’alphabétisation par téléphone portable ou les radios communautaires. On a aussi estimé qu’il fallait prendre en compte les enfants de moins de 15 ans. Pour ce qui est de la formation professionnelle, les objectifs seront de réaliser des formations accélérées qualifiantes, d’accompagner l’insertion socioéconomique des éleveurs formés et de réaliser la formation continue des acteurs. Lors de la précédente phase, les offres de formation professionnelles ne permettaient pas de couvrir la gamme diversifiée des besoins des différents apprenants (femmes, jeunes, adultes). Enfin, il s’agira de poursuivre l’établissement de conventions entre le Prepp, les États et les institutions sous régionales et veiller à l’application effective de ces accords. Une des difficultés est liée à la mobilité des principaux responsables des comités transfrontaliers (maires, préfets, agents des services déconcentrés) qui se traduit par une absence de mémoire institutionnelle, ce qui ne permet pas d’assurer une continuité dans l’action de ces comités. La faiblesse du budget des collectivités risque aussi d’entrainer l’allocation de ressources insignifiantes pour la prise en charge de l’éducation et de la formation dans les plans locaux de développement. Pour ces raisons, nous devons mener un suivi très rigoureux des engagements pris à tous les niveaux.
Boubakar Barry (barry.boubakary@gmail.com) est chargé de programme Éducation et coordonnateur du Programme régional d’éducation et de formation des populations pastorales (Prepp) au sein de l’Association pour la promotion de l’élevage au Sahel et en Savane (Apess).
Pour en savoir plus : « Le Prepp : Bilan, perspectives et stratégie de pérennisation de l’éducation et la formation des communautés pastorales », Apess, DDC, octobre 2016.