Nous utilisons des cookies pour collecter et analyser des informations sur les performances et l'utilisation du site, et pour améliorer et personnaliser le contenu. Pour en savoir plus, consultez notre politique de confidentialité.
Source de tous les maux pour les uns, paré de toutes les vertus pour les autres, le pastoralisme alimente les peurs, les fantasmes et les caricatures, mais aussi les espoirs. Deux déclics contradictoires ont replacé les enjeux pastoraux en haut de l’agenda des décideurs et des acteurs ouest-africains et internationaux.
Le premier est lié à la crise malienne, avec une profusion d’amalgames douteux entre populations du Nord-Mali, pasteurs, rebelles et terroristes. Les pasteurs seraient ainsi les sources et les victimes de l’insécurité. Le second est lié au travail de plaidoyer des organisations de pasteurs et d’éleveurs, sur les multiples atouts de la mobilité et de la multifonctionnalité pastorales, et sur le rôle stratégique de ce système d’élevage dans la valorisation et la sécurisation des vastes territoires arides et peu peuplés du Sahara et du Sahel. Ce plaidoyer a permis une véritable réhabilitation des pasteurs, encore traumatisés par les grandes sècheresses des décennies 1970 puis 1980 et qui avaient vu se disloquer le trépied sur lequel repose leur mode de vie : l’homme, l’animal et les ressources naturelles.
Dans les pays sahéliens, il y a aujourd’hui une plus nette reconnaissance des systèmes pastoraux et de la nécessité de les sécuriser dans l’intérêt général. Cette sécurisation passe encore largement par la transhumance, à l’intérieur du Sahel et vers les zones plus arrosées du Sud des pays sahéliens. Elle permet de pallier l’extrême variabilité de la production fourragère et des possibilités d’abreuvement dans les zones sèches. La pression et l’insécurité foncière sont croissantes dans ces espaces agropastoraux. Une partie du bétail franchit les frontières des pays côtiers, en saison sèche et particulièrement les années de crise fourragère, y compris pour améliorer la valorisation du bétail commercialisé sur ces marchés déficitaires. Mais à l’inverse, des troupeaux des agro-éleveurs sahéliens et côtiers rejoignent les vastes zones pastorales des confins du Sahel pour libérer les champs pendant l’hivernage.
Plusieurs pays d’accueil tournent le dos aux politiques d’accueil pastoral développées dans les années 1980-90. Ils voient désormais dans ce système mobile un archaïsme, un non sens économique et la source des conflits. C’est là que le bât blesse ! Tournant le dos aux réglementations régionales, ils veulent réduire fortement, voire interdire la circulation transfrontalière des animaux !
Qu’est-ce qui se joue en réalité, entre une vision centrée sur le « devoir historique » des pays côtiers d’accueillir les transhumants, portée par les défenseurs du pastoralisme, et une vision des pays côtiers orientée vers la recherche de l’autosuffisance nationale en protéines ?
En 2015, Inter-Réseaux (IR) tirait quelques leçons des profondes mutations des systèmes d’élevage depuis les grandes sécheresses des années 1970. Rappelant son importance économique, sociale et environnementale et son rôle majeur dans l’intégration régionale, il proposait de considérer le pastoralisme et l’agropastoralisme comme un bien commun régional et pas seulement sahélien. S’appuyant sur les perspectives des marchés des protéines animales, IR appelait l’ensemble des acteurs à construire un dialogue prospectif exigeant pour dépasser ce clivage entre le Sahel et les pays côtiers. Il se fondait sur un diagnostic simple : l’élevage des ruminants repose sur un véritable système de production et d’échanges intégré à l’échelle de Afrique de l’Ouest et du Centre, en raison des multiples interdépendances tant au niveau de la gestion des ressources naturelles que des marchés (Cf. Vers une prospective régionale sur le pastoralisme en Afrique de l’Ouest http://www.inter-reseaux.org/IMG/pdf/note_prospective_elevage_inter-reseaux_2015.pdf).
Bâtir ce dialogue impose de regarder les réalités en face. Face aux changements climatiques et pour réduire leur vulnérabilité, les pasteurs sont devenus en majorité des agropasteurs. Les agriculteurs sont aussi devenus des agro-éleveurs pour diversifier et améliorer leurs systèmes de production. Les complémentarités entre eux ont fait place à de nouvelles concurrences sur les ressources et remis en question les accords sociaux historiques.
De nombreux « projets pastoralisme » voient le jour pour « développer le Sahel et lutter contre l’insécurité ». Mais face à la rapidité des nouvelles mutations qui se profilent, peu d’entre eux reposent sur une réelle vision commune entre États et acteurs sahéliens et côtiers du devenir des différents systèmes d’élevage, alors que la demande en protéines animales devrait doubler dans les dix prochaines années, creusant un déficit régional déjà coûteux en devises. Sans une construction patiente de cette vision partagée, nécessairement complexe en raison de ses multiples dimensions, il y a peu d’espoir de voir ces projets esquisser les bases d’une complémentarité renouvelée et d’une gestion pacifique de modes d’élevage extensifs et intensifs durables.
Ce numéro de Grain de Sel, en confrontant de multiples points de vue et connaissances, s’inscrit dans cette construction.
L’équipe éditoriale
Ce numéro est issu d’un travail collectif qui a mobilisé activement plusieurs membres d’Inter-réseaux ou partenaires proches pendant plusieurs mois. Nous tenons à remercier en particulier Roger Blein (Bureau Issala), Christian Corniaux (Cirad), Patrick Delmas (Reca Niger), François Doligez (Iram), Marie Edan (AFD), Catherine Le Côme (SNV), Anne Lheriau Cosman (Fert), Gifty Narh Guiella (Corade), Henk Nugteren, Carmen Torres (ECDPM), Gilles Vias (VSF Belgique) et Hélène Vidon (AFD) pour leur implication aux côtés de l’équipe technique d’IR tout au long de la réalisation de ce numéro.
Place au dialogue ! Source de tous les maux pour les uns, paré de toutes les vertus pour les autres, le pastoralisme alimente les peurs, les fantasmes et les caricatures, mais aussi les espoirs. Deux déclics contradictoires ont replacé les enjeux pastoraux en haut de l’agenda des décideurs et des acteurs ouest-africains et internationaux. Le premier est lié à la crise malienne, avec une profusion d’amalgames douteux entre populations du Nord-Mali, pasteurs, rebelles et terroristes. Les pasteurs seraient…
Pastoralisme, agro-éleveurs, ranching… : de quoi parle-t-on ? Principaux cheptels d’Afrique de l’Ouest et du Sahel Les données présentées ci-dessus proviennent de la note précédemment publiée par Inter-Réseaux en partenariat avec le PRAPS, intitulée « L’élevage au sahel et en Afrique de l’Ouest : 5 idées reçues à l’épreuve des faits ». Source : FAOSTAT 2017 * Les chiffres de la FAO sont basés sur des recensements anciens et des estimations de croissance du cheptel. Des études ont…
Une relecture des politiques d’élevage en Afrique de l’Ouest et du Centre souligne l’héritage d’une situation déséquilibrée pénalisant encore l’élevage pastoral et implique la nécessité de poursuivre un dialogue autour d’une vision partagée entre pays sahéliens et côtiers en faveur d’un pastoralisme porteur de dynamisme économique et contributeur à la paix. Cet article propose de retracer les grandes évolutions des politiques concernant le pastoralisme. Une marginalisation des éleveurs transhumants. L’époque coloniale se singularise par une généralisation du partage…
Les collectivités locales jouent un rôle de plus en plus important dans la gestion des ressources naturelles et dans l’encadrement du pastoralisme. Comment concrètement exercent-elles cette fonction ? Quelles difficultés rencontrent- elles ? Grain de sel : L’élevage est-il une activité importante pour la ville d’Agadez ? Rhissa Feltou : C’est une activité essentielle pour le pays et pour la population d’Agadez qui est en majorité composée d’éleveurs aujourd’hui sédentarisés dans la ville ou à sa périphérie. Ces…
Au Niger, les terres pastorales disparaissent à un rythme affolant malgré les nombreuses lois et instances censées les protéger. Outre l’avancée des terres agricoles, l’essor de grandes concessions privées est en cause. Face à cette menace, les éleveurs ont développé une défense fondée sur l’application de leurs droits. Le Niger est probablement le pays sahélien disposant du corpus juridique et du dispositif institutionnel le plus élaboré pour prémunir les pasteurs contre l’accaparement des terres pastorales. Ceci ne suffit…
La question du pastoralisme ne saurait faire l’impasse d’un sujet sur les conflits, qu’ils soient liés à la gestion partagée des ressources, ou à des considérations plus politiques. Le premier article revient sur les causes et les enjeux des conflits inhérents au pastoralisme et le second offre un regard critique sur les solutions apportées. Conflits liés au pastoralisme : vers un traitement uniquement politique des enjeux ? La gestion des conflits est au centre des attentions lorsqu’il est…
Face à la concurrence des agriculteurs et des pasteurs pour les ressources sur un même espace, les unités pastorales ont été envisagées comme une stratégie communautaire de gestion de ces ressources pastorales. L’élevage mobile est le mieux adapté aux conditions écologiques des zones arides et semi-arides au Sénégal, en particulier dans la zone sylvopastorale du Ferlo. Il fait toutefois face à de nombreuses contraintes. Les ressources naturelles se dégradent du fait de la baisse de la pluviométrie, du…
La multiplication des minilaiteries au Sahel Depuis les années 1990, les minilaiteries se sont multipliées dans les pays sahéliens. Souvent de petite taille (avec une production inférieure à 100 litres/jour), elles s’approvisionnent en priorité auprès des éleveurs dans un rayon de quelques dizaines de kilomètres. Il existe aujourd’hui plusieurs centaines de minilaiteries au Sahel, mais les volumes collectés demeurent modestes (1 à 2 % de la production laitière régionale). Elles collectent généralement 50 à 250 litres/j. Ces minilaiteries…
La forte hausse de la demande en produits laitiers en Afrique de l’Ouest a conduit à des importations croissantes de lait en poudre. Les initiatives visant à accroître la collecte de lait local se développent mais restent limitées. Plusieurs options peuvent toutefois être poursuivies pour soutenir les filières locales. Dans un contexte de forte hausse de la demande ouest-africaine en produits laitiers, quels sont les enjeux pour la région ? Quelle sera la place de la production locale…
Existe-t-il un modèle de transformation et de collecte du lait dominant en l’Afrique de l’Ouest et du Sahel ? Comment se positionnent les minilaiteries face aux multinationales? Sont-ce des réponses suffisantes face à la demande croissante ? Cet entretien revient notamment sur l’expérience de l’entreprise Tiviski, en Mauritanie. Grain de sel : Quels sont les différents modèles de transformation du lait en Afrique de l’Ouest ? Nancy Abeiderrahmane : La région est vaste mais dans l’ensemble le lait…
Quand il s’agit du pastoralisme, les questions commerciales sont rarement étudiées. La mise en marché, le rapport aux filières de production, le rôle des intermédiaires, sont autant d’aspects souvent minorés voire jugés subalternes. Cet entretien vise à aborder les nombreux défis de la commercialisation du bétail dans son ensemble. Grain de Sel : Quelle est la place du bétail dans le commerce régional ? Bio Goura Soulé : Les données relatives au commerce régional sont sujettes à caution….
L’élevage mobile ayant une importance majeure en Afrique de l’Ouest, s’assurer de la bonne santé des cheptels revêt une dimension stratégique certaine. Or les services vétérinaires actuels sont inégalement répartis, de qualité variable et souvent coûteux. Le service vétérinaire privé de proximité vise à y remédier. Dans de nombreux pays africains, l’élevage contribue significativement à la richesse nationale et à la sécurité alimentaire et économique des ménages. Il mérite donc de bénéficier de services d’appui adéquats permettant de…
Le pastoralisme est un système d’élevage extensif. Contrairement à une idée largement répandue, il est productif. Cette productivité repose sur l’élevage de larges troupeaux sur de vastes espaces : la mobilité permet de tirer profit de ressources souvent gratuites qui varient en quantité et en qualité d’un lieu à l’autre au cours de l’année. Des études des années 1980 montrent que la productivité à l’hectare des systèmes mobiles est même supérieure à celle du ranching aux États-Unis ou…
Face aux spécificités de la vulnérabilité pastorale, humaine et animale, des outils et des solutions ont été pensés et instaurés pour accroitre la résilience des acteurs. Quels sont-ils et quel bilan en tirer ? Grain de Sel : La vulnérabilité des populations pastorales est-elle similaire à celle des agriculteurs ? Abdoul Aziz Ag Alwaly : Non les pasteurs sahéliens sont sujets à une vulnérabilité qui se distingue de celle des agriculteurs. Cette vulnérabilité est déterminée par une diversité…
Dégradation de la végétation des parcours, forte intensité d’émission de gaz à effet de serre…: l’élevage pastoral au Sahel est souvent accusé de nuire à l’environnement et de contribuer au réchauffement climatique. Une approche plus systémique d’un territoire pastoral indique pourtant des interactions bien moins néfastes entre les animaux et leur milieu. Les ruminants contribuent aux émissions de gaz à effet de serre (GES) mais peu d’études ont quantifié et analysé de façon systémique l’impact des ruminants élevés…
Dans la note de lecture du livre de Diana K. Davis intitulé The Arid Lands. History, Power, Knowledge, rédigée par Tor A. Benjaminsen, l’auteur propose une lecture historique de l’instrumentalisation notamment politique de la question de la désertification des terres pastorales. Beaucoup de choses ont été écrites sur les problèmes liés au concept de désertification et à la manière dont le discours sur la désertification est devenu aussi répandu, malgré l’absence de fondements scientifiques. Si les racines coloniales…
La mobilité des troupeaux et des éleveurs n’est pas que transfrontalière. Des déplacements quotidiens de quelques kilomètres permettent d’exploiter les pâturages de proximité. Au Sénégal par exemple, les transhumances sont surtout internes. Les voies empruntées par les éleveurs et leurs troupeaux sont dynamiques. Elles évoluent en fonction des opportunités (présence de points d’eau, état des pâturages, liens sociaux) et des contraintes (insécurité civile, crise sanitaire). Certains déplacements sont réguliers, d’autres sont exceptionnels. Au cours des dernières années, les…
Une enquête a été menée auprès de 386 familles d’éleveurs mobiles au Sahel pendant la transhumance 2014- 15. À l’encontre de nombreuses idées reçues, elle montre que l’élevage mobile contribue de façon essentielle à l’économie des zones d’accueil. Cette enquête révèle à quel point les transhumances sont devenues difficiles et risquées. Si les circuits de la transhumance ou les conflits qu’elle engendre sont documentés, l’information sur l’apport de l’élevage mobile aux économies locales et à la filière bétail…
Dans son documentaire « Le sentier du berger », Gidéon Vink a suivi plusieurs familles peules pratiquant un élevage pastoral. Dans cet entretien il interroge le devenir des pasteurs alors que leur mode de production semble en crise, voire, en disparition. Grain de Sel : Le documentaire commence par évoquer la sainte trinité du pasteur « la vache, la femme et le peul », la vache est en premier. Comment expliquez- vous cette importance de l’animal ? Gidéon…
Cela fait plusieurs décennies qu’un fondamentalisme religieux se développe dans la région de l’Afrique de l’Ouest et du Sahel, notamment auprès des jeunes. Dans quelle mesure les jeunes pasteurs sont-ils la population la plus touchée ? Quelles sont les conséquences du radicalisme sur le futur du pastoralisme et quelles solutions envisager ? Grain de Sel : Y a-t-il une crise du pastoralisme en Afrique de l’Ouest qui conduit les jeunes à se radicaliser ? Mirjam de Bruijn :…
Les populations pastorales ont été largement exclues des dispositifs d’éducation et de formation, ce qui a contribué à leur marginalisation socio-économique et alimente les conflits intercommunautaires. Le Programme régional d’éducation et de formation des populations pastorales (Prepp) mis en oeuvre par l’Apess s’attaque à ces enjeux. Grain de Sel : Pouvez-vous expliquer en quoi consiste le programme d’éducation et de formation des populations pastorales en zones transfrontalières (Prepp) ? Apess : Le Prepp est l’aboutissement d’une réflexion lancée…
Pression sur les ressources naturelles, explosion démographique, hausse de la demande en produits animaux, aggravation des conflits : le pastoralisme en Afrique de l’Ouest est confronté à de nombreux enjeux. À travers le regard croisé de différents acteurs, cet entretien interroge la viabilité du pastoralisme sur le long terme. Grain de sel : Le pastoralisme sera-t-il en mesure de répondre à une hausse continue de la demande des produits issus de l’élevage ? Christian Berger (Banque mondiale) :…
Un cycle d’échange et de réflexions sur le pastoralisme Ce numéro de Grain de sel s’inscrit dans le cadre d’un cycle de réflexions et d’échanges animé par Inter-réseaux et qui a impliqué plusieurs membres et partenaires. Il restitue un certain nombre d’éléments de ces réflexions. Nous vous invitons à retrouver sur le site d’Inter-réseaux d’autres produits de ce cycle thématique consacré au pastoralisme. D’autres publications en particulier ont été réalisées par Inter-Réseaux. Il s’agit de la note en…