Le développement de la filière sésame pose la question de sa promotion auprès des sénégalais, le produit n’entrant pas traditionnellement dans les habitudes de consommation. L’Ugan s’associe aux centres de formation professionnels afin de promouvoir son utilisation dans l’enseignement des métiers de la restauration.
Situation au Sénégal : Pourquoi introduire une nouvelle culture ?
Voilà plusieurs années que le sésame a attiré l’attention du gouvernement sénégalais et ce pour plusieurs raisons : ses avantages agronomiques (faible demande en intrants ; adapté à de faibles régimes pluvieux et à des sols relativement pauvres), ses avantages économiques (grande demande internationale et développement de la demande nationale) et finalement, pour le rôle qu’il peut jouer dans la sécurité alimentaire du pays notamment via la diversification des produits consommés. Son développement se justifie d’autant plus que les habitudes alimentaires sénégalaises sont fortement discutées suite aux variations de prix des denrées habituelles d’une part mais surtout suite à la multiplication des problèmes de santé recensés tant chez les adultes que chez les enfants. Ces problèmes s’expliquant principalement par une alimentation peu variée ainsi qu’une consommation excessive d’huile de faible qualité et de sucre.
C’est dans ce contexte que l’Union des groupements associés du Niombato (Ugan) s’est spécialisée dans la production et la transformation du sésame. Si le niveau de production nationale est très variable d’une année à l’autre (11 096 t sur 26 111 ha en 2009 et 6 831 t sur 17. 262 ha en 2010) , l’Ugan, elle, augmente sa production d’année en année, passant de 136,5 tonnes sur 418 ha en 2008 à 460 tonnes sur 1 192 ha en 2011.
Fiche technique
Sésame (Sesamum indicum) : plante oléagineuse de la famille des Pédaliacées.
Distribution géographique : principalement sous les tropiques et dans les zones tempérées chaudes. Besoin pluviométrique : de 250 à 800 mm pendant son cycle végétatif.
Consommation : huile, graines, farine et pâte (plats traditionnels), tourteau (consommation animale).
Qualités alimentaires : la graine renferme 20 à 22 % de protéines de qualité, 48 à 52 % de corps gras, une forte proportion de minéraux et d’oligoéléments précieux (Ca, Fe, Mg) et est riche en vitamines (B, E, F).
Production : Myanmar, Inde et Chine sont les premiers pays producteurs, suivis de l’Éthiopie et du Soudan. En Afrique de l’Ouest, le Nigéria et le Burkina Faso sont les producteurs les plus importants.
Des activités de promotion pas encore suffisantes.
Mis à part le sésame autoconsommé par les producteurs, ce produit est encore très peu intégré dans les foyers sénégalais. Pour pallier cette méconnaissance du produit et dans le cadre de l’un de ses objectifs, « inciter les consommateurs à acheter plus de produits issus des exploitations familiales à travers les chaines de marchés de l’agriculture durable », l’Ugan a participé à de nombreuses foires nationales agricoles et/ou commerciales et a mis en place depuis deux ans une « Journée du consommer sésame ». Cet événement annuel réunit des acteurs de la filière et de la région afin de présenter le produit et ses dérivés via des exposés et une séance de dégustation. Une collaboration avec l’Association des consommateurs sénégalais (Ascosen) a aussi permis l’organisation de plusieurs journées de promotion de la filière à Dakar. Ces activités furent capitalisées sous forme d’un livret et d’un DVD de recettes réunissant les différentes pratiques utilisées.
Malgré le succès de chacun de ces événements, le sésame n’a pas encore trouvé le chemin des cuisines sénégalaises, entraînant le besoin d’une nouvelle stratégie qui permettrait de mieux convaincre les femmes, responsables de l’alimentation de leurs familles, des avantages de sa consommation
Lier la transformation aux centres de formation.
C’est dans ce contexte que l’Ugan s’est rapprochée des Centres d’enseignement technique féminin (CETF). Présents dans toutes les régions du Sénégal, ce sont les centres de la région de Fatick (Fatick, Foundiougne, Gossas, Niakhar) qui ont collaboré avec l’Union. Les enjeux d’une collaboration avec des centres d’enseignement professionnel sont multiples : l’huile de sésame étant un produit plus onéreux que les huiles végétales généralement consommées (2 000 FCFA/l pour le sésame contre 1 000 FCFA/l d’huile végétale), il est essentiel de l’intégrer dans des recettes qui justifient son prix en la mettant bien en valeur : notamment pour sa saveur particulière et son avantage économique (son utilisation permet de réduire la quantité nécessaire d’huile dans la préparation de plats traditionnels ³). Un professionnalisme était aussi nécessaire pour l’utilisation des graines de sésame grillées en assaisonnement ou en décoration, pratique jusque-là inconnue des transformatrices. Les résultats attendus de ces échanges sont l’amélioration des recettes connues et l’identification de habitudes alimentaires. Le but final étant l’insertion de l’ensemble de ces nouvelles utilisations dans le programme des cours afin que les élèves et leurs foyers se familiarisent progressivement à l’utilisation du sésame. En tant que futures professionnelles de la restauration, ces jeunes filles représentent un canal essentiel pour la distribution et la promotion d’un nouveau produit comme le sésame.
Pliage de fataya au sésame sous l’oeil avisé d’une enseignante du CETF
Au cours d’un atelier de 3 jours (première étape de la collaboration), six femmes transformatrices/restauratrices de l’Ugan et six enseignants en restauration professionnelle purent dans un premier temps échanger sur la plante, son cycle et les techniques de récolte et de transformation ; les enseignements étaient dispensés par les productrices, avec démonstration à l’appui. Ils (elles) ont ensuite identifié de nouvelles recettes réalisables tant en milieu rural qu’urbain, par la prise en compte de critères pratiques : l’utilisation d’ingrédients disponibles dans les villages et l’emploi limité de matériels de cuisine spécialisés (moulins ou friteuses électriques, etc.). Ces préparations permirent aux enseignants de découvrir un nouvel ingrédient (première utilisation du sésame pour la plupart) et aux productrices de découvrir de nouvelles utilisations du sésame. Au menu : salades et quiches garnies de graines grillées, tajines et poulets dorés (nouvellement dénommé « poulet à la Fatickoise») et de multiples gâteaux à base de farine de sésame. Pour clôturer l’activité, certains acteurs clés du développement de la zone (le responsable de la chambre de commerce, des membres des chambres consulaires, etc.) furent invités à une dégustation afin qu’ils soient mis au courant de la collaboration et qu’ils s’engagent à leur tour dans le soutien et la mise en place de programmes de développement technique et agricole.
Bilan de l’expérience
Si le bilan semble très positif au niveau de l’atteinte des objectifs définis (cf. le DVD et les livrets de capitalisation des activités), il reste à suivre de près la véritable intégration du sésame dans les programmes de cours des CETF et le développement de sa consommation dans les familles (évolution de la place du sésame sur les marchés et sur la carte des restaurants par exemple).
Il est à noter que les transformatrices ont tout de même eu recours aux fours pour la préparation des pâtisseries, or elles n’en sont pas toutes équipées dans les villages. Cependant ces nouvelles recettes constituent des pistes à explorer avec les femmes pour diversifier leurs revenus : en particulier via la mise en place d’un groupement d’intérêt économique (GIE) de restauratrices spécialisées dans la préparation de plats et produits à base de sésame.
Au final, on retient qu’un produit comme le sésame, malgré tous ses avantages, doit faire l’objet d’une véritable analyse de mise sur le marché et s’inscrire dans une stratégie commerciale adaptée aux demandes des consommateurs. De fait, le développement de la filière fait face à de nombreuses questions : mieux vaut-il inscrire le sésame dans les habitudes alimentaires en ayant recours aux recettes traditionnelles ou en visant l’innovation alimentaire ? Comment le vendre et à qui ? Dans les supérettes et réseaux reconnus ou dans les boutiques de proximité ? L’huile de sésame, reconnue comme produit de luxe, est-elle vraiment le levier à actionner ? Diversification, substitution, changement d’habitudes alimentaires, voilà les stratégies qu’il reste à analyser et c’est en confrontant les producteurs et les professionnels de la restauration et de la consommation que des pistes pourront être identifiées.
- Caroline Amrom est chargée d’appui aux programmes Fonio et Sésame au sein de l’équipe du bureau Afrique de l’Ouest de Veco (Vredeseilanden). Vredeseilanden est une ONG flamande qui s’intéresse aux filières agricoles en favorisant et facilitant des initiatives de commercialisation identifiées et définies par les agriculteurs.
- L’Union des groupements associés du Niombato (Ugan) est une organisation de producteurs/rices qui développe depuis 2007, et en collaboration avec Veco, un programme en faveur des producteurs de sésame de la région de Fatick (Sénégal).
- Les Centres d’enseignement technique féminin offrent une formation professionnelle et qualifiante aux jeunes femmes (entre autres agroalimentaire et restauration) afin d’assurer leur insertion économique et sociale. Si vous souhaitez recevoir des documents, mentionnés dans l’article, merci de prendre contact avec le bureau régional de Veco à Dakar (veco@vecosenegal.sn).