Suite aux émeutes de la faim de 2008, le Comité français pour la solidarité internationale (CFSI) et la Fondation de France se sont associés pour lancer, en 2009, un programme de renforcement de l’agriculture familiale en Afrique subsaharienne, recentré depuis 2010 sur l’Afrique de l’Ouest. Présentation de cette initiative.
Grain de Sel : Quels sont les appuis que le programme « Promotion de l’agriculture familiale en Afrique de l’Ouest »apporte aux acteurs du développement rural ?
Jean-Baptiste Cavalier : D’une part, ce programme a pour objet d’appuyer financièrement des projets visant à améliorer et sécuriser la production, la transformation, la conservation et la commercialisation de produits agricoles et en assurer l’accès aux consommateurs urbains pauvres par des actions concrètes innovantes. D’autre part, nous cherchons à faciliter le partage entre acteurs locaux, nationaux et internationaux, des connaissances acquises à travers les actions concrètes soutenues dans le cadre du programme et en tirer des enseignements globaux. Cela est conduit au travers d’une démarche de capitalisation concentrée autour de la thématique « Nourrir les villes par la production familiale locale ». Il s’agit de voir comment l’agriculture familiale peut répondre à une demande croissante des marchés urbains, et comment elle peut être compétitive par rapport aux importations.
GDS : Comment est mise en oeuvre la composante « capitalisation » du programme ?
JBC : Le processus de capitalisation vise à appuyer un plaidoyer en faveur de l’agriculture familiale et de la souveraineté alimentaire. Il s’agit, plus précisément, de montrer qu’une agriculture familiale africaine viable et durable (notamment d’un point de vue environnemental) est en mesure de nourrir les villes d’Afrique de l’Ouest, tout en permettant aux paysans de vivre dignement de leur activité. Pour cela, elle doit d’une part répondre à la demande croissante des marchés urbains (en termes de volumes, mais aussi en termes de qualité et de réponse aux attentes des consommateurs) ; et d’autre part reconquérir des parts de marché au détriment des importations.
Le processus de capitalisation se veut participatif. Ce sont les acteurs de terrain qui construisent la démarche, qui identifient les hypothèses et qui alimentent les réflexions. Pour permettre la participation du plus grand nombre, nous avons mis en oeuvre plusieurs « outils » : des ateliers qui réunissent les acteurs pendant plusieurs jours pour échanger, des entretiens individuels pour approfondir chaque projet, un groupe de discussion sur internet qui permet à tous ceux qui le souhaitent d’apporter leur contribution sur telle ou telle hypothèse de travail. Des stages en binômes d’étudiants français et africains sont également prévus dans les années à venir pour creuser telle ou telle innovation, afin de connaître sa validité, sa réplicabilité, etc.
GDS : Quels sont les problèmes majeurs rencontrés par les acteurs pour valoriser leurs produits sur les marchés urbains ?
JBC : Grâce aux différents outils mis en place, nous pouvons résumer à ce stade de la démarche les principales difficultés mises en avant par les acteurs de terrain en plusieurs catégories :
- La difficulté à répondre à une demande clairement identifiée : il est compliqué de connaître les attentes des consommateurs, peu d’études existent dans ce domaine.
- L’accès à du matériel adapté : les équipements de transformation sont souvent importés et nécessitent donc des investissements plus importants. Cela pose aussi la question de la maîtrise technique et de l’entretien de ces équipements. Le problème se pose également sur les emballages qui doivent souvent être importés.
- La mauvaise image des produits locaux qui crée une résistance chez les transformateurs et les consommateurs.
- L’implication des paysans à tous les niveaux de la filière (production, transformation voire commercialisation) qui pose la question de leurs capacités à mener de front toutes ces activités, mais aussi de leurs compétences dans ces domaines. Les alliances avec des entreprises privées peuvent apporter des solutions, mais se pose alors la question du rapport de force.
- L’accès aux moyens financiers pour investir : trop souvent, les besoins ne sont pas suffisants pour avoir accès aux banques classiques et trop importants pour intéresser la microfinance…
GDS : Quel est le niveau de mobilisation des OP dans le processus de capitalisation et quelles perspectives envisagez- vous ?
JBC : Ces premiers résultats ne sont qu’un début de la démarche. Les OP soutenues dans le cadre de ce programme ont été impliquées le plus tôt possible dans le processus de capitalisation et leur participation active (discussion internet, ateliers de capitalisation organisés à Dakar en 2010, et à Lomé en 2011) nous permet de répondre à leurs attentes et à leurs besoins. Car tous ces résultats leur sont destinés en priorité, afin de les appuyer dans leurs actions de plaidoyer en faveur d’une agriculture familiale. Cela nous permet aussi de rester connectés à leur réalité, ce qui n’est pas toujours évident, même en étant présents « sur le terrain ».
L’enjeu aujourd’hui est d’impliquer dans le processus de capitalisation d’autres OP qui ne sont pas soutenues dans le cadre du programme. C’est l’un des objectifs des mois à venir.
Le programme de renforcement de l’agriculture familiale en Afrique de l’Ouest vise à promouvoir des initiatives locales de renforcement de l’accès à l’alimentation par une agriculture familiale africaine viable et durable, et en partager les acquis à des échelles plus vastes. Pour plus d’informations : (www.cfsi.asso.fr/ programme/promotionl’agriculturefamilial) Lien brisé (vérifié le 21/11/2023) Les fiches de capitalisation du programme seront disponibles progressivement sur http://www.alimenterre.org