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Ceci est un article de la publication "49 : Agriculture et aléas climatiques : du terrain aux politiques", publiée le 31 mars 2010.

L’invité de Grain de sel : Jean-Louis Ratsimbazafy

Jean-Louis Ratsimbazafy

Organisations de producteurs et de productricesChangement climatiqueService agricoleMadagascar

Jean-Louis Ratsimbazafy est président du Réseau syndical des organisations agricoles (Soa) à Madagascar.

Grain de sel : Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Jean-Louis Ratsimbazafy : Je suis issu d’une famille paysanne des hautes terres de Madagascar. J’ai commencé par être enseignant, puis j’ai eu envie de revenir à la terre en espérant mieux réussir que mes parents. J’ai émigré en 1958 à l’est de Madagascar et c’est là-bas que j’ai commencé mon exploitation en faisant du maraîchage, des cultures d’arbres fruitiers (litchis) et de l’apiculture. Dès 1985, j’ai participé au lancement d’un groupe de réflexion sur le maraîchage dont je suis devenu l’animateur. Je me suis ensuite engagé dans le mouvement associatif paysan en devenant président d’une petite association, et j’ai évolué. Aujourd’hui, je suis président d’une organisation faîtière nationale, le Réseau Soa.

GDS : Qu’est-ce que le Réseau Soa et quelles sont ses activités ?
JLR : À l’origine du Réseau Soa il y a un groupe de leaders paysans, formés ensemble à l’université paysanne en 2002. Ils étaient tous dans des organisations partenaires d’Afdi, et ils souhaitaient avoir un cadre de concertation au niveau national. Il existait déjà des structures faîtières, mais elles ne correspondaient pas à leurs attentes. Le Réseau Soa se voulait nouveau ! C’est une plateforme d’échange d’expériences entre OP, mais aussi un lieu d’information, et surtout de défense des paysans. Le réseau Soa a été créé officiellement en 2003. Aujourd’hui, son premier rôle est de renforcer ses OP membres, à travers la formation et les échanges. Le partage des expériences est quelque chose de très important pour nous, afin que chacun puisse s’inspirer du travail des autres ! Un autre grand chantier est celui de la relève des leaders. Sur ce sujet, nous travaillons par exemple avec les Maisons familiales rurales, et les collèges agricoles de Fifata. Nous intervenons aussi dans le domaine syndical, et aujourd’hui nous avons réussi à acquérir la reconnaissance de l’État. Nos propositions portent sur la politique agricole et en particulier sur la mise en place des Centres de service agricole (CSA) et des Fonds régionaux de développement agricole (FRDA). Nous participons aussi à la redynamisation des Tranoben’ny tantsaha (TT, les Chambres d’agriculture malgaches). Nous nous sommes par ailleurs positionnés par rapport à la crise politique actuelle : nous sommes membres du Comité de la société civile, au sein duquel nous prônons la concertation entre forces politiques.

GDS : Quelles sont les autres organisations faîtières à Madagascar ?
JLR : Nous avons 5 organisations paysannes faîtières à Madagascar : le Réseau Soa, Fekritama, Fifata, la Coalition paysanne de Madagascar (CPM) et Koloharena. La Fekritama est la plus ancienne : ce mouvement a débuté dans les années 65, initié par les Missions catholiques d’Antsirabe, d’Antananarivo et de Fianarantsoa. L’objectif était de former les jeunes agriculteurs qui souhaitaient s’installer, à travers des centres d’apprentissage et de promotion rurale, des fermes-écoles, etc. La fédération a été créée en 1988. On peut considérer que c’est le premier vrai mouvement paysan à Madagascar. Ils sont présents maintenant sur les hautes terres, et dans les régions de Tamatave et Mahajanga. En 1989 s’est formée l’organisation Fifata, avec l’appui de l’ONG française Fert, dans le district d’Antsirabe. Puis la CPM a été créée en 2001. C’est une plateforme qui regroupe des confédérations, des fédérations et des unions d’organisations paysannes. Aujourd’hui, Fekritama en est membre mais pas Fifata ni le Réseau Soa. Et la dernière de ces organisations est Koloharena, qui a été fondée en tant que fédération en 2002 mais dont la structuration a commencé dans les années 90, avec l’appui de l’USAID. Leur objectif est d’améliorer les revenus des paysans à travers la création de coopératives, mais elles ne fonctionnent pas toutes très bien.

GDS : Vous avez parlé aussi des Chambres d’agriculture…
JLR : Les Chambres d’agriculture (TT) ont été créées en 2002, avec l’appui de l’État, mais elles n’ont jamais vraiment fonctionné. Le système était assez mal conçu, mal compris par les producteurs, et il y avait un manque de financement important. Il y a actuellement un programme de redynamisation des TT, financé par le Fida. Des réunions mensuelles sont organisées depuis novembre 2009 entre les 5 OP faîtières et les élus de la TT nationale pour réfléchir entre autres sur les rôles de la TT, mais nous n’avons pas tous la même vision, et tout reste encore à définir ! Pour Soa, la TT ne doit pas avoir un rôle syndical. L’État ne peut en effet pas nous dire à nous, paysans, « voilà, je vous donne un couteau, quand vous serez mal à l’aise, vous pourrez me le planter dans la poitrine… » ! C’est donc un rôle que la TT ne peut pas loyalement mener, l’État ne pourra pas l’accepter.

GDS : Aujourd’hui, comment ces structures travaillent-elles ensemble ?
JLR : Déjà, nous essayons de partager au mieux les informations entre nous, d’expliquer ce que nous faisons. C’est assez nouveau, et au début, nous n’échangions pas comme cela avec les autres OP faîtières. Aujourd’hui, nous nous sommes répartis les rôles. Fifata est responsabilisé sur le thème du foncier. Au niveau du Réseau Soa, on nous a confié les relations avec l’État. Donc quand le ministère organise une réunion, ou s’il y a des idées fortes à proposer à l’État, c’est Soa qui s’en charge. Concernant Koloharena, ils sont plus sur les aspects techniques et environnementaux. Et pour ce qui est de Fekritama et de la CPM, elles sont responsables des activités touchant aux TT. Ensuite, chacun fait des rapports pour ses OP membres et pour les autres OP faîtières. Nous partageons les informations et maintenant, cela marche plutôt bien.

GDS : Comment voyez-vous l’avenir du mouvement paysan à Madagascar ?
JLR : Depuis 2008, il y a de plus en plus de demandes de concertations émanant des OP faîtières. Selon les situations, ou les nouvelles que l’un ou l’autre apprend, nous provoquons des réunions, et je trouve que c’est une très bonne chose. Je crois donc que nous allons vers plus de collaboration !

Le Réseau Soa est un syndicat paysan national qui comprend actuellement onze organisations paysannes (OP) régionales réparties dans tout le pays. Il regroupe des OP intervenant sur différentes filières (vivrières et de rente).
Le réseau Soa est l’une des cinq OP faîtières de Madagascar. Les autres sont : Fifata (Association pour le progrès des paysans), Fekritama (Fédération chrétienne des paysans malgaches), CPM (Coalition paysanne de Madagascar) et Koloharena.

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