L’ ÉLOIGNEMENT de l’école du domicile, absence de centres de formation professionnelle, disparités culturelles, programmes inadaptés aux réalités, etc. : les jeunes ruraux marocains n’ont pas, loin de là, un accès facile à l’éducation. C’est dans ce contexte, après plusieurs années de coopération entre les Maisons familiales rurales (MFR) de France, celles du Maroc, le ministère français des Affaires étrangères et le ministère marocain de l’Agriculture, que les Maisons familiales rurales du Maroc commencent à s’organiser.
La formation, une nécessité impérative. Les élèves accueillis sont majoritairement des jeunes gens, filles ou garçons âgés de 15 à 20 ans et qui, pour la plupart, ont arrêté leur scolarité durant le collège. Pour répondre à cette problématique, les Maisons familiales rurales marocaines ont fait le choix, pour l’instant, de proposer un cycle de formation organisé sur trois ans. Ce cycle se base sur les besoins locaux de l’agriculture (élevage laitier, cuniculture, arboriculture, maraîchage, mécanique), il comprend : – une première année de formation qui favorise la motivation et l’acquisition des savoirs fondamentaux ; – une deuxième année de formation par apprentissage qui vise l’acquisition de compétences professionnelles. Cette deuxième année est sanctionnée par un Certificat d’aptitudes professionnelles (CAP) ou un Certificat de spécialisation professionnelle (CSP) de l’Enseignement agricole. L’évaluation et la délivrance du diplôme se font ensuite sous la responsabilité d’un établissement d’enseignement agricole public ; – une troisième année de formation est orientée vers l’insertion professionnelle, le projet personnel, la création ou la reprise d’entreprise.
Pour ces trois années, le rythme de l’alternance est normalement de trois semaines de formation dans le milieu socioprofessionnel et d’une semaine de formation à la MFR par mois, soit en moyenne 27semaines en entreprise et 9 semaines de formation par an à la MFR. Le temps de formation à la Maison familiale se déroule en internat afin de favoriser la vie de groupe, l’apprentissage de la vie en société, l’éducation globale.
Ce cycle de formation est ambitieux car, jusqu’en 2005, seule la deuxième année de formation pouvait être financée dans le cadre de l’apprentissage par le secrétariat d’État à la Formation professionnelle.
Une institutionnalisation progressive mais indispensable. Depuis plusieurs années, l’Union nationale marocaine des associations des MFR (UNAMFR) a essayé de sensibiliser les ministères et l’administration marocaine à l’action des Maisons familiales sur le terrain. Des fonctionnaires sont venus en France découvrir l’organisation pédagogique et structurelle des Maisons familiales. En septembre dernier, le secrétaire d’État au Développement rural est venu visiter celles d’Aquitaine. Forte de tout ce travail préparatoire, l’UNAMFR a proposé un cadre de partenariat au ministère de l’Agriculture, au secrétariat d’État à la Formation professionnelle et au secrétariat d’État à l’Alphabétisation et à l’Éducation non formelle. Il s’agissait de soutenir les Maisons familiales rurales dans leurs actions en faveur de l’éducation, de la formation et de l’insertion des jeunes filles ou garçons du milieu rural.
Au cours d’un Conseil gouvernemental en septembre 2006, le Premier ministre marocain, Driss Jettou, a donné des directives en vue de la promotion du mouvement des MFR et pour en faire un véritable levier pour une meilleure formation et insertion des jeunes ruraux dans la vie active. Une convention a été signée en décembre 2006 dans ce sens avec les trois ministères concernés et l’UNAMFR. Elle permet, pour les trois prochaines années, d’apporter un véritable soutien financier : 2000 ¹ dirhams par élève inscrit en première année, 3500 ² dirhams par apprenti inscrit en deuxième année de formation. Ces subventions sont versées à l’UNAMFR qui les redistribue aux associations en contrepartie de la présence effective des élèves en formation.
Seule la troisième année demeure pour l’instant sans financement. Les MFR complètent leur budget par des ressources propres : participation des familles, des professionnels, etc.
Des évolutions intéressantes mais beaucoup reste à faire. En 2002, les responsables associatifs ont fait le choix de l’unité en créant l’Union nationale des associations des maisons familiales rurales qui représente le mouvement. Grâce aux financements mobilisés avec le ministère français des Affaires étrangères et à l’acceptation par le ministère de l’Agriculture du Maroc de compléter le budget ainsi dégagé, l’Union nationale des MFR marocaines a pu concrètement s’organiser en se dotant d’un siège social à Témara (près de Rabat).
Depuis un an, l’évolution des Maisons familiales rurales marocaines est importante : le nombre d’associations augmente. Malgré les difficultés de quelques-unes, la plupart d’entre elles maintiennent le cap et d’autres voient le jour. L’Union nationale prend progressivement sa place dans son rôle d’interlocuteur entre les associations et l’administration. Pour les trois années qui viennent, elle dispose des moyens financiers nécessaires pour remplir son rôle, de même que d’un soutien progressif de l’État marocain.
Les MFR ont des administrateurs qui s’investissent dans leurs fonctions de responsables associatifs. Les parents sont progressivement associés au fonctionnement des établissements.
La coopération avec la France, et en particulier avec la Fédération régionale des Maisons familiales rurales d’Aquitaine- Limousin, permet des échanges fructueux et enrichissants. Malgré ces atouts, le mouvement a cependant encore besoin, à court terme, de renforcer les pratiques associatives et professionnaliser les conduites pédagogiques. Il doit aussi embaucher des formateurs qui resteront au sein des Maisons familiales. Enfin, il lui faut améliorer l’accompagnement de proximité de chaque association adhérente.
L’arrivée des Maisons familiales rurales dans le paysage éducatif et le développement rural marocain est aujourd’hui une réalité pleine et entière. Cette phase d’installation devra être poursuivie, si le mouvement en fait le choix, par un travail plus approfondi avec l’État marocain au sujet de la reconnaissance réglementaire des Maisons familiales rurales et de leur insertion dans un cadre législatif précis, ce qui n’est pas encore le cas.