Entretien avec Severine Carmem Macedo, coordinatrice des jeunes agriculteurs de la Fetraf
Grain de sel : Qu’est-ce que la fédération des travailleurs de l’agriculture familiale (Fetraf) ? Pourquoi une branche « jeunes » au sein de la Fetraf ?
Severine Carmem Macedo : La Fetraf est un syndicat regroupant agriculteurs et agricultrices ruraux de14 États du Brésil. Créée en tant que fédération en 2005, la Fetraf est fondée sur une histoire de plus de 25 ans, elle représente 750000 paysans brésiliens. Notre objectif est de promouvoir les agricultures familiales et pour cela le choix d’organisations économiques et d’alternatives concrètes durables économiquement et socialement. Au Brésil, l’agro-industrie domine l’agriculture. Nous visons ainsi à chercher une plus grande autonomie vis-à-vis de l’industrie pour les agriculteurs familiaux. Concrètement, nos actions visent à créer les instruments nécessaires pour l’intégration en associations, coopératives, etc. des agriculteurs familiaux. Nous tentons aussi de les aider à mieux participer à l’élaboration des politiques publiques. Discuter, mobiliser les gens afin de lutter pour l’accès à l’éducation et l’accès à la terre est un autre de nos axes de travail. Je suis coordinatrice de la branche « Jeunes » de la Fetraf. Il existe une branche jeune car selon nous, cette catégorie de population mérite une intervention spécifique, et des attentions spéciales. Si l’agriculture familiale est déjà une branche « faible » de l’agriculture brésilienne, les jeunes, au même titre que les femmes, représentent une branche encore plus vulnérable au sein de cette population.
GDS : Présentez-nous votre projet au sein du Mercosur ³, pourquoi un regroupement entre pays ?
SCM : Nous avons mis en place un programme regroupant 3 collectifs de jeunes agriculteurs familiaux, du Brésil, d’Argentine et d’Uruguay au sein de la Commission de l’agriculture familiale du Mercosur. À terme, nous souhaitons êtres rejoints par les jeunes ruraux des autres pays du Mercosur. Ce projet est né d’un constat : nous partageons des difficultés communes entre jeunes agriculteurs familiaux des pays du Mercosur. Au-delà des différences et des particularités propres à chacun des pays, nous rencontrons des problèmes du fait du manque de ressources générées par l’agriculture familiale, du manque de formation. Nous nous sommes donc regroupés afin d’identifier des besoins communs, pour mettre en place des initiatives d’appui collectives, qui renforcent chacun d’entre nous.
Le collectif de jeunes agriculteurs familiaux a mis en place un projet de formation et d’éducation non formelle. Il s’agit d’un projet de renforcement des capacités des jeunes leaders comme agents de développement du monde rural. Un programme de formation de formateurs a été mis en place, action concrète issue du projet qui, dans un premier temps, permettra la formation de 30 formateurs. Outre l’éducation, nous avons deux thèmes de travail principaux : l’accès à la terre et les politiques publiques pour la création de revenus.
GDS : Quels sont les avantages et inconvénients de l’intégration régionale pour les jeunes agriculteurs des pays du Mercosur ?
SCM : Notre préoccupation est de parvenir à inclure la défense de l’agriculture familiale dans les politiques d’unification des marchés liées à l’intégration régionale. Pour nous, libéralisation signifie davantage de risques pour ce mode d’agriculture, aussi doit-on mettre en place des ponts communs entre pays du Mercosur. Nous attirons l’attention des gouvernements sur les risques liés à cette intégration : Quel développement veut-on ? Souhaite-ton « ouvrir pour ouvrir » ? Le risque est que les inégalités grandissent dans cette démarche si rien n’est fait pour les plus faibles. Nous avons à faire à un processus très difficile, car l’intégration n’est pas seulement commerciale. D’autres aspects entrent en ligne de compte, relatifs aux droits de l’homme, aux questions sociales, environnementales, etc. Sur tous ces aspects, la mobilisation des jeunes en tant que telle n’est reconnue que depuis peu de temps, avec l’entrée dans la commission agriculture familiale du Mercosur. Le fait est qu’une mobilisation des trois pays n’est pas aisée. Ne serait-ce que du fait des différentes acceptions du concept de « jeune » selon les pays. Au Brésil, sont considérés comme jeunes agriculteurs les personnes de 16 à 28 ans. En Uruguay, il n’y a pas de différenciation statistique des populations selon l’âge autre que 0-16 ans et 16-60 ans. Pour autant, d’un pays à l’autre, on rencontre des problématiques très semblables, et dans tous les cas, les jeunes ont besoin d’une plus grande visibilité.