L’Afrique subsaharienne est très peu émettrice de gaz à effet de serre. Pourtant le continent africain vient d’être désigné comme « le plus vulnérable aux effets prévus du changement climatique ». Ce constat, établi par le Giec [1] , signale l’urgence de la lutte contre le changement climatique en Afrique. Aider le continent à mieux s’adapter en prévision des changements climatiques à venir ? Des choix politiques s’imposent.
Conséquences du changement climatique sur les écosystèmes naturels ou cultivés, les économies, les sociétés… au niveau mondial. Il ne fait plus de doute que la terre va subir d’importants changements climatiques dans un futur relativement proche. Si, dans la deuxième moitié du xx¨ siècle, les températures moyennes ont augmenté de 0,5°C (contre une augmentation de 0,7°C sur l’ensemble du xx¨ s.), il est prévisible qu’elles augmenteront de 2 à 6°C d’ici la fin du xxi¨ siècle. Ce réchauffement aura de multiples impacts, tant sur la végétation (production agricole et biodiversité) que sur la santé humaine et animale. La communauté internationale s’est réellement mobilisée au début des années 90, avec la signature de la convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques [2] . Depuis lors, des travaux scientifiques reconnus ont établi que le changement était principalement d’ordre anthropique (dû à l’intervention humaine), et la lutte contre le réchauffement a été mise à l’ordre du jour. Limiter les émissions de gaz à effet de serre (GES) est un des moyens principaux pour ralentir le réchauffement climatique. Mais quand bien même les émissions de gaz à effet de serre cesseraient aujourd’hui, la température ne cesserait d’augmenter d’un coup. Dans le même temps, si des mesures ne sont pas prises rapidement à l’échelle mondiale, le réchauffement pourra avoir des conséquences désastreuses. Ainsi, les stratégies de réduction d’émission de GES auront des impacts faibles à court terme, mais déterminants à plus long terme. La politique climatique européenne vise ainsi une limitation du réchauffement climatique mondial à 2°C d’ici à la fin du xxi¨ siècle.
L’un des impacts les plus préoccupants des changements climatiques est la raréfaction de l’eau. Mais les impacts du réchauffement climatique sur l’agriculture peuvent être tant directs qu’indirects et tant locaux que globaux. On peut ainsi s’attendre à une redistribution de la production agricole au niveau mondial, les avantages comparés des régions changeant en fonction des « nouvelles » conditions naturelles. En outre, la valorisation de la biomasse à des fins énergétiques (biocarburants, biomatériaux) va peser sur les marchés agricoles et la production agricole mondiale. On peut estimer que les équilibres des marchés mondiaux vont être modifiés.
D’autres impacts moins directs sont d’ores et déjà constatés, avec l’apparition de « réfugiés climatiques ». Une étude publiée par les Nations unies C prévoit que 50 millions de personnes pourraient devenir des « réfugiés climatiques » d’ici à 2010.
Impacts du changement spécifiques au contexte africain. Tous les pays ne sont pas égaux devant le changement climatique, le continent africain est ainsi très vulnérable du fait de la pauvreté, a fortiori du fait de la prédominance du secteur primaire dans ces pays…
D’ici à 2020, 75 à 250 millions de personnes seront exposées à des difficultés croissantes d’alimentation en eau en Afrique. La production agricole, dont celle pour l’alimentation, sera sévèrement compromise dans de nombreux pays. La pêche sera affectée le long des côtes et dans les lacs. Dans certains pays, les récoltes de l’agriculture pluviale pourraient diminuer de 50 % sur cette période. Les surfaces disponibles pour l’agriculture vont diminuer aux marges des zones arides et semi-arides. Le rapport du Giec est alarmant. Il avance également que « les impacts du changement climatique s’abattront de façon disproportionnée sur les pays en voie de développement et sur les populations pauvres de tous les pays, ce qui renforcera les inégalités en termes de santé, d’accès à une alimentation et à une eau saine ainsi qu’à d’autres ressources ».
L’Afrique, d’ores et déjà victime de calamités naturelles (sécheresse, inondations, désertification) qui accroissent la vulnérabilité liée à des changements climatiques, est aussi la partie du monde la moins bien équipée en matière de prévisions météorologiques et d’observation des variations du climat.
Il est urgent d’agir. Des moyens ont-il été donnés à l’Afrique pour atteindre ces objectifs de réduction d’émission de gaz à effet de serre et d’adaptations ? Un « fonds d’adaptation » a été créé. Il est financé dans le Protocole de Kyoto [2] , et a financé des études d’impacts sur les besoins d’adaptation des pays en développement. Mais cela peut sembler faible au regard des besoins identifiés. Le véritable enjeu est plutôt de savoir comment on fait rentrer la perspective d’adaptation aux changements climatiques au coeur des stratégies de développement. Et cet enjeu est commun aux pays en développement, aux pays émergents et aux bailleurs de fonds.
En Afrique même, certaines communautés ont développé des stratégies pour faire face au changement climatique. Mais ces initiatives sont pour la plupart limitées à des échelles restreintes. Des investissements visant à mieux les divulguer sont nécessaires.
Aujourd’hui on prépare l’après Kyoto (après 2012). Les pays devraient renforcer leurs engagements. Sur le plan politique, les États-Unis pourraient se montrer plus coopératifs. Dans le même temps, et avec toutes les précautions d’usage, les discours officiels sur la question climatique de la Chine ou de l’Inde ont sensiblement évolué. Contrairement à Kyoto, les politiques à venir pourraient différencier les pays en développement des pays émergents. En effet l’Afrique a participé aux rencontres internationales sur le changement climatique aux côtés des pays émergents, en tant que membre du G77. Or la grande majorité des pays africains n’a pas le même niveau de développement (donc d’émission de GES et de capacités d’adaptation aux changements) que ces derniers… Comment comparer dans ces domaines des pays comme la Chine, le Brésil, l’Inde au Mali ou au Niger ? Un système plus fragmenté avec des objectifs réalistes, fondés sur la capacité d’agir des pays, mais moins globaux pourrait être mis en place.
Vers de nouvelles politiques de développement. Pour Hubert Kieken de l’Iddri, il existe des « coalitions d’intérêts » entre climat et développement qu’il est nécessaire d’accroître. Plus que jamais il importe de trouver des convergences entre objectifs de développement et développement durable (énergies renouvelables, etc.). L’Inde vient de se doter d’un code de la construction qui vise, entre autres, à améliorer l’efficacité énergétique des constructions et réduire non seulement le coût d’utilisation des bâtiments, mais également la facture énergétique nationale. L’Afrique du Sud étudie des logements sociaux faiblement consommateurs d’énergie pour simultanément : satisfaire ses besoins de développement, répondre aux enjeux de pauvreté et réorienter sa croissance dans le sens du développement durable.
Plus généralement, la hausse des prix des hydrocarbures a eu des impacts plus forts sur les pays en développement qu’au Nord. Des stratégies mettant en avant l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables peuvent avoir des effets très positifs sur la croissance de ces pays.
En France les tensions sur la ressource en eau qui existent actuellement sont notamment liées aux activités économiques qui induisent de fortes demandes en eau pendant les périodes estivales (cultures irriguées). La situation est comparable pour les pays du Sud. Si l’on décide de développer une agriculture sur l’exportation de tomates ou d’oranges, il faudra beaucoup d’eau… Il est donc nécessaire de mettre en place des stratégies de développement adaptées, qui prennent en compte le facteur « climat ».