Les articles de ce Grain de sel consacré à l’agroécologie en Afrique de l’Ouest et du Centre apportent des éléments de réponse à plusieurs des questions posées en introduction. Ils en soulèvent aussi d’autres, dont les réponses — et ce qu’elles impliquent — restent à définir dans les années à venir.
L’agroécologie recouvre en Afrique de l’Ouest et du Centre une diversité de pratiques et de techniques, dont certaines, comme les parcs d’Acacia albida, se sont révélées particulièrement efficaces et ont pu être mises en œuvre à relativement grande échelle. Malgré ces succès, les contraintes restent nombreuses et difficiles à surmonter. La faible sécurisation foncière, l’accès limité au crédit et au matériel, le manque d’eau et de matière organique, la pénibilité et le temps du travail constituent des freins majeurs à une adoption plus large des pratiques agroécologiques. Plus globalement, la vision dominante du développement agricole reste inspirée par le modèle de la « Révolution verte », que ce soit au niveau des pouvoirs publics nationaux et régionaux, des programmes de recherche ou des dispositifs de conseil et de formation. Autre obstacle important à un changement d’échelle de l’agroécologie, les approches de diffusion des pratiques agroécologiques mises en oeuvre ces dernières décennies n’ont sans doute pas été les plus pertinentes, avec une faible prise en compte des réalités économiques et sociales des agriculteurs.
Plusieurs éléments témoignent toutefois d’opportunités de changement pour les années à venir. Les organisations de producteurs s’emparent de plus en plus de ce thème, mettant en place des dispositifs de formation et de sensibilisation à l’agroécologie, équipant leurs membres pour la mise en place de certaines techniques et pratiques agroécologiques, voire amorçant des campagnes de plaidoyer en faveur de l’agroécologie. Il est intéressant toutefois de constater que l’agroécologie ne recouvre pas les mêmes dimensions pour toutes ces organisations. Véritable mouvement de défense de l’agriculture paysanne et familiale face à l’agriculture industrielle pour certaines, elle semble plutôt être pour d’autres un moyen de corriger les limites de l’agriculture conventionnelle.
Autre changement important, une grande partie des acteurs du développement semble aujourd’hui consciente des limites des approches développées ces dernières années afin de promouvoir l’agroécologie en Afrique de l’Ouest et du Centre. Face à ces limites, ils tentent de mettre en oeuvre des approches plus participatives, fondées sur la concertation avec les acteurs locaux, et prenant davantage en considération les réalités économiques et sociales des milieux paysans. Dans certains cas, ce changement d’approche a conduit à tenter de lever les contraintes identifiées, en s’attaquant aux questions foncières ou en négociant des droits de vaine pâture par exemple, des questions connues pour être sensibles. La construction en partenariat avec les organisations de producteurs de nouveaux systèmes en mobilisant leurs connaissances et celles des agronomes est quant à elle restée pour le moment plus timide.
Enfin, une opportunité de changement se profile sans doute également au niveau des pouvoirs publics nationaux. Dans tous les pays d’Afrique de l’Ouest et du Centre, les réalités du changement climatique ont conduit les pouvoirs publics à une prise de conscience de la nécessité d’encourager des modes de production plus respectueux de l’environnement. Mais comment — et en particulier suivant quel modèle d’agriculture durable, écologiquement intensive, intelligente face au climat… — ces objectifs politiques vont-ils se traduire de manière opérationnelle ? Si l’agroécologie s’institutionnalise un jour, quelle définition devra-t-elle recouvrir ? La question reste largement ouverte, tant les représentations varient aujourd’hui parmi les acteurs de la région. Elle est particulièrement prégnante pour les organisations qui en ont fait un mouvement de défense de l’agriculture familiale.
Nous vous invitons à apporter vos réflexions et à poursuivre le débat autour de ces questions sur le site d’Inter-réseaux !