Une sagesse africaine nous conseille de « ne pas oublier le rêve à cause de la longueur de la nuit ». Depuis près de 20 ans, le Réseau international FAR réunit les acteurs africains de la formation agricole et rurale et alerte sur le manque crucial de formation et l’urgence à relever le défi de sa massification auprès des producteurs et productrices, majoritairement jeunes et peu alphabétisés. La Formation agricole et rurale (FAR) est singulière en ce qu’elle a un champ d’application, l’agriculture au sens large (les métiers ruraux étant très variés) et un lieu d’exercice particulier, le milieu rural. Ce dernier est traversé par des dynamiques sociales, économiques, environnementales, politiques et sécuritaires variées. La FAR est un carrefour des systèmes éducatifs qui doit tenir compte des complexités locales.
Des avancées significatives ont été réalisées, avec des projets de rénovation d’envergure de la FAR dans de nombreux pays et une prise en compte accrue par les politiques publiques des pays et par les bailleurs. Le Réseau international FAR essaie de contribuer, à différentes échelles, aux mutations en cours. Mais cela ne suffira pas pour répondre aux besoins des populations rurales et accompagner les grandes transitions auxquelles doit faire face le monde agricole et rural. L’essor de l’Afrique passera par le développement du capital humain dans les domaines spécifiques de l’agriculture, l’élevage et la pêche. Dans la tradition éducative en Afrique, on fait de l’agriculture parce qu’on a raté ailleurs. Comment rendre attractif ce secteur et l’adapter aux revendications et aux aspirations des jeunes ? Comment fait-on de l’agriculture un véritable gisement d’emplois ? Comment accompagner les producteurs et productrices dans les transitions agricoles et les risques associés (changement climatique, érosion des sols, impacts sur les ressources naturelles, limites du modèle agricole mondialisé et industriel, etc.) ?
Un certain nombre de pistes ont été explorées ces dernières années. Aujourd’hui se développent des dispositifs plus inclusifs et alignés sur la demande sociale, en réponse à des approches trop éloignées de la demande des bénéficiaires ou trop verticales. Les transformations doivent aussi porter sur la pédagogie, pour que la FAR développe des compétences méthodologiques en plus des compétences techniques. À ce titre, il faut encourager la pluridisciplinarité des équipes d’accompagnement, mais aussi une meilleure qualification des formateurs, notamment sur les enjeux de transition et de durabilité. Le Développement efficient de la FAR dépendra aussi du diptyque Formation – Insertion. En effet, dans la plupart des pays africains, il n’existe pas suffisamment d’entreprises agricoles. L’offre d’emploi dans ce cadre est donc très limitée. La FAR vise par conséquent l’auto-emploi des jeunes au terme de leur formation ou le perfectionnement des producteurs en activité. Il est donc important de coupler à la formation, l’accompagnement à l’élaboration et la mise en œuvre des projets pour donner l’opportunité aux formés de créer leur activité et la pérenniser.
C’est autour de ces différents points qu’il faut transformer la FAR d’aujourd’hui, et penser la FAR de demain ! Une FAR qui développe le capital humain nécessaire pour impulser le développement rural tout en relevant le défi de la souveraineté alimentaire, de la durabilité et de la sécurité. Fruit du partenariat entre Inter-réseaux Développement Rural et le Réseau FAR, ce numéro de Grain de sel permet d’appréhender la diversité des dispositifs de Formation agricole et rurale et vise, par la voix et l’analyse d’acteurs de terrain, d’acteurs de la recherche, du conseil ou de l’éducation, à soutenir le plaidoyer en sa faveur. La clef des champs ? Un certain nombre de défis sont à lever, et les débats présentés ici peuvent y contribuer.
En coréalisant le numéro avec un de ses membres, Inter-réseaux a souhaité renforcer la dimension collaborative de Grain de sel et mettre en valeur le travail d’animation habituellement invisibilisé. Ce processus éditorial partagé est expliqué plus en détail en page 38.