Les activités rurales non agricoles se développent dans les campagnes africaines et pourraient être un tremplin pour le développement des zones rurales. Mais les contraintes sont nombreuses. Aussi, comment appuyer et accompagner ces activités pour qu’elles aient un réel effet d’entraînement sur les économies rurales ?
Les récentes crises alimentaires (flambée des prix en 2008) ont surtout frappé les populations les plus dépendantes du marché pour leur approvisionnement, notamment les ménages ruraux acheteurs nets de produits alimentaires et les ménages urbains pauvres (Ecowap). Ces crises ont donc renforcé la nécessité pour les pays africains de promouvoir des agricultures moins dépendantes des produits importés aux prix très volatils.
Pour réussir à nourrir sa population croissante, les agricultures ouest africaines connaîtront des changements importants, au niveau de leur productivité et des structures des exploitations agricoles notamment.
Cette transition vers une agriculture plus productive entraînera nécessairement une moindre absorption de la main d’oeuvre agricole dans ce secteur, voire des départs de certains de l’agriculture afin que ceux qui y restent puissent en vivre et investir. Le développement des activités non agricoles en milieu rural est une des voies pour que les millions de jeunes africains sortant partiellement ou entièrement de l’agriculture aient une activité économique viable.
Les activités familiales rurales en dehors de l’agriculture, les mouvements entre villes et campagnes permettant de compléter les revenus vont eux aussi évoluer.
Évolution de la population régionale ouest-africain: La population dans la zone Cedeao double tous les 25 ans. En 2005, elle comptait 265 millions d’habitants ; en 2020, elle devrait atteindre 355 millions d’habitants.
source : Bureau Issala – Farm
L’économie rurale africaine est en train de se diversifier.
En lien avec le caractère saisonnier de l’agriculture et des spécialisations de certaines familles, les activités rurales non agricoles ont toujours existé en Afrique de l’Ouest pour répondre à divers besoins des populations. Toutefois, depuis les années 80, ces activités s’accroissent du fait que les ruraux diversifient leurs activités pour répondre à une demande qui se complexifie.
Les activités rurales non agricoles sont aussi une nécessité pour le secteur agricole qui a besoin du développement d’activités de transformation des produits agricoles, de conseil, de transport, de professionnels pour des soins vétérinaires ou la réparation de matériels, d’approvisionnement, de structures de vente, de financement etc.
L’étroitesse du marché rural et les contraintes inhérentes au milieu rural.
La croissance de l’économie rurale non agricole ou para-agricole semble parfois assez timide. Les entreprises rurales non agricoles en Afrique subsaharienne étant composées souvent d’indépendants, ou d’un ou deux salariés, leur capacité d’absorption de la main d’oeuvre reste relativement faible (Banque mondiale). Cette difficulté à diversifier et amplifier les activités rurales non agricoles est liée à certaines réalités spécifiques au milieu rural.
En premier lieu, si ces activités ne sont pas reliées au marché urbain, elles se retrouvent « coincées » dans d’étroits marchés limitant leur performance économique. En effet, un des obstacles majeurs au développement du secteur rural non agricole est la faible demande du marché local, liée en particulier au faible pouvoir d’achat de la population rurale et à une plus faible densité de population qu’en ville. La plupart des micro-entreprises vendent localement leurs produits et ont un accès réduit aux marchés extérieurs. Dès lors, la réussite des activités non agricoles dépendra de celle des activités agricoles (et vice versa, cette interdépendance varie selon le degré de mise en marché des productions, selon les filières plus ou moins longues).
D’autres obstacles entravent également le développement du secteur rural non agricole, comme la faiblesse des infrastructures routières, le mauvais approvisionnement en énergie, le fonctionnement défaillant des institutions légales, le faible accès aux crédits, à l’éducation et à la santé, le manque d’informations sur le marché, les capacités d’investissements réduites, etc.
Ne pas investir seulement dans l’agriculture dans les zones rurales africaines.
Pour permettre au milieu rural d’absorber en partie la croissance de la main d’oeuvre en Afrique de l’Ouest, des investissements à l’échelle des zones rurales, et non pas seulement dans le secteur agricole, semblent être grandement nécessaires. La demande de main d’oeuvre rurale, tant dans l’agriculture que dans le secteur non agricole, n’augmentera pas sans une économie rurale renforcée capable de s’inclure dans l’ensemble de l’économie, à la fois locale, nationale et régionale.
Dépasser les dichotomies stériles.
Les expériences des ménages ruraux mentionnées dans ce dossier nous ont permis de voir que les stratégies économiques et sociales, collectives et individuelles, dépassent les limites spatiales : les milieux urbain et rural ne s’opposent pas et ne sont pas hermétiques l’un à l’autre ; les limites sectorielles n’ont pas plus de sens car les secteurs agricoles et non agricoles interagissent ; et, le découpage entre l’économie formelle et l’économie informelle n’est pas des plus pertinents non plus.
Rendre les campagnes attirantes : le rôle crucial des collectivités locales.
En Afrique, les zones rurales et leurs habitants sont souvent relégués au second plan par les décideurs et par l’opinion publique. Il est nécessaire de corriger cet élément si on veut le développement d’une économie rurale s’appuyant sur une population active de plus en plus jeune.
Les collectivités locales, récemment mises en place lors de la décentralisation de nombreux États d’Afrique de l’Ouest, sont un levier à activer pour revaloriser le milieu rural. Elles peuvent participer au ré-équilibrage territorial via de multiples actions : renforcement du lien rural- urbain (exemple : développement de villes secondaires), intermédiation entre le pouvoir central et les opérateurs de l’économie réelle, développement d’un climat de promotion d’activités et d’investissement propice, sécurisation du foncier, investissement dans les routes, l’électricité et d’autres infrastructures, notamment de marché.
Les acteurs déjà en place, et en particulier ceux qui sont organisés (comme les organisations de producteurs) sont des forces vives à valoriser pour aider les collectivités locales à relever ces défis.
L’agriculture ne suffit pas à absorber les nouveaux travailleurs ruraux : L’écart entre la population rurale et la population active agricole s’accroît. Note : Du fait de l’ indisponibilité de données sur la population active rurale, la croissance de la popualtion rurale est utilisée comme approximation de la croissance de la population active rurale.
Source : Fao
Des enjeux multiples.
L’avenir des activités rurales non agricoles se trouve au coeur de nombreux enjeux. En premier lieu, il s’agit d’approfondir leur rôle croissant dans le devenir des membres des familles agricoles et/ou rurales. On retrouve alors l’enjeu de la formation et de l’éducation, facteurs essentiels afin de convertir la main d’oeuvre non qualifiée en main d’oeuvre qualifiée. Ensuite, ces activités sont un facteur majeur pour faciliter les échanges et donc les synergies entre ville et campagne. Enfin, elles permettent de lutter contre la pauvreté en fournissant emplois et revenus et constituent un levier du développement local.
Il est donc important de suivre comment ces enjeux sont pris en compte par les acteurs concernés et dans le cadre des politiques publiques censées favoriser les complémentarités et convergences entre développement agricole, rural et urbain.
Évolution de l’approche de la politique rurale en Chine de 1978 à nos jours:
En 1978, la politique chinoise procède à une grande réforme en zone rurale caractérisée par l’arrêt du système de commune populaire et l’ouverture d’une nouvelle politique rurale davantage tournée vers le marché et vers un système de production agricole axé sur la « responsabilité des ménages ». Dès lors, les campagnes chinoises se modifient. L’agriculture essentiellement céréalière se tourne vers des productions plus commerciales. La Chine développe aussi les entreprises rurales afin d’absorber l’excédent de main d’oeuvre rurale et de limiter l’engorgement des villes. Leur nombre passe ainsi de 1,5 million en 1978 à 23 millions en 2006, et 119 millions de nouveaux emplois sont créés.
Cette croissance transforme l’économie rurale. Ces entreprises couvrant presque tous les secteurs économiques (transformation des produits agricoles, construction, extraction des minerais, manufacture, transport…) ont enregistré de bons résultats économiques (même si assez inégaux selon les régions) au début des années 90 et ont contribué à transformer structurellement l’économie rurale chinoise. Toutefois, depuis l’ouverture croissante de la Chine au commerce extérieur à partir des années 90, ces entreprises rurales font face à la concurrence étrangère : entre 1995 et 2001, le nombre d’employés des entreprises d’État a été réduit de 40% (46 millions de personnes), et celui des employés des entreprises participatives en zone urbaine de 60% (18,6 millions de personnes). Environ 34 millions d’ouvriers ont été officiellement licenciés. Coûts de fonctionnement en hausse et concurrence des sociétés étrangères pèsent de plus en plus sur ces entreprises, qui furent le moteur de l’économie locale dans les années 80. Aujourd’hui, le taux de chômage en Chine est autour de 30%.
Source : D. Guerro. Chine, OMC et mondialisation. 2006, OCDE. Examens des politiques rurales en Chine. 2009.