« Les Sahéliens peuvent nourrir le Sahel » : réaliser cette ambition implique d’adapter l’offre à l’évolution des modes de consommation, notamment en milieu urbain. Pour y répondre, Afrique Verte International appuie les actrices de la transformation des céréales locales.
Le Burkina Faso, le Mali et le Niger sont de grands producteurs et consommateurs de céréales locales avec plus de 4 millions de tonnes par an et par pays. Cette production céréalière, essentiellement pluviale, est très variable et inégalement répartie dans le Sahel : elle est globalement excédentaire dans la zone soudanienne du sud des pays et déficitaire dans les régions septentrionales. On estime que seule une faible part de la production de céréales locales approvisionne les villes.
Des parts de marchés pour les céréales locales à reconquérir en milieu urbain.
En milieu urbain, les modes de consommation changent : les femmes sont de plus en plus amenées à travailler en dehors du foyer pour améliorer leurs revenus, et elles n’ont plus le temps de préparer les repas traditionnels à partir des céréales locales nécessitant 4 à 6 heures de préparation. Elles recherchent par conséquent des produits de qualité et prêts à cuire, et se sont donc tournées vers des produits importés plus rapides à préparer (riz, pâtes alimentaires, pain, couscous de blé…). Parallèlement la restauration hors foyer se développe.
Pour Afrique Verte, dans un contexte d’évolution des modes de consommation alimentaire en milieu urbain et d’explosion démographique des villes, la reconquête de parts de marché pour les céréales locales en milieu urbain passera par leur transformation et la commercialisation de produits semi préparés.
L’objectif est triple :
- offrir un débouché aux producteurs pour améliorer leurs revenus en réhabilitant l’image des céréales traditionnelles dans la consommation ;
- promouvoir des activités génératrices de revenus pour les transformateurs et transformatrices en fournissant aux consommateurs des produits « modernes », diversifiés, faciles et rapides à cuisiner ;
- offrir à la clientèle des produits locaux de qualité à un prix abordable, compétitifs par rapport aux produits importés.
Des actions complémentaires dans la région des Hauts Bassins au Burkina Faso. Pour satisfaire le consommateur urbain de plus en plus exigeant, les activités d’Afrique Verte International visent à accompagner les transformatrices en vue d’augmenter les quantités et la qualité des céréales transformées, ainsi que la présentation des produits finis.
Dans la région des Hauts Bassins au Burkina Faso, APROSSA et Afrique Verte International appuient une vingtaine d’unités de transformation à plusieurs niveaux : formations technique et financière, appro- visionnement en matières premières et emballages, recherche de financement, recherche d’équipements appropriés, et promotion des produits auprès des consommateurs.
Un ensemble de formations pour la professionnalisation de la transformation.
Des formations en gestion et comptabilité permettent d’améliorer la présentation et la fiabilité des pièces comptables, d’enregistrer des opérations comptables, de calculer les prix de revient et de fixer les prix de vente.
Elles sont accompagnées de formations en planification de la production, pour accroître la rentabilité des productions en maîtrisant mieux les systèmes d’approvisionnement en matières premières de qualité et la gestion des stocks par l’élaboration de plans de production.
Des formations en bonnes pratiques d’hygiène de production ont pour objectif d’apporter les connaissances théoriques et pratiques nécessaires à l’amélioration de la qualité des céréales transformées.
Des formations en spécialisation « produits » et « maîtrise de la qualité » sont destinées à satisfaire des consommateurs urbains de plus en plus exigeants : Afrique Verte International préconise ainsi de maîtriser les techniques de production et de commercialisation d’un nombre limité de produits phares afin de mieux se positionner sur le marché des produits transformés.
Aujourd’hui, les groupements féminins sont unanimes : ces formations leur ont permis d’améliorer leur connaissance de cette activité à tout point de vue. Tout d’abord en termes de qualité et de diversification des produits proposés. Traditionnellement la transformation se résumait à réduire le mil et le sorgho en farine, ou à transformer le maïs brut en brisure. Dorénavant, les recettes se sont multipliées : grumeaux de petit mil pour la bouillie ou le deguè, couscous sucré, spaghetti de petit mil, couscous de riz, semoule de maïs, fonio précuit, farine infantile, etc. font partie de la gamme proposée par de nombreuses unités de transformation (UT) au bénéfice du consommateur final.
L’information du consommateur.
Au cours de l’année 2008, APROSSA a diffusé 1 000 affiches dans des points de vente de produits alimentaires et des spots TV et radio en langues locales. De plus, un site internet commercial de promotion des céréales transformées a été développé au profit des UT membres du Réseau national des transformatrices de céréales du Faso (RTCF).
Afrique Verte et le RTCF organisent également des déjeuners de presse à l’intention des médias nationaux et des autorités administratives. Les transformatrices y présentent une gamme variée de produits tout en démontrant comment les produits transformés localement peuvent contribuer efficacement à freiner la dépendance des consommateurs burkinabé aux produits importés.
Depuis quelques années, des efforts sont fournis pour faciliter la participation des UT aux manifestations commerciales. En 2008, lors de la Semaine Nationale de la Culture (SNC) à Bobo Dioulasso en mars et du Salon International de l’Artisanat de Ouagadougou (SIAO) en novembre, de nombreuses transformatrices de la région des Hauts Bassins ont pu : (i) sensibiliser le public sur les valeurs naturelles, nutritives et pratiques des produits transformés, (ii) promouvoir les produits locaux transformés à travers la diffusion des spots, l’organisation des séances de dégustation, l’exposition de nombreux produits à base de céréales, (iii) favoriser les contacts commerciaux entre UT et d’autres opérateurs nationaux, et (iv) améliorer leur chiffre d’affaire par la vente directe de produits aux consommateurs. Ces participations aux foires commerciales relayées par des campagnes publicitaires leur permettent de rassurer les consommateurs et d’expliquer les intérêts de leurs produits en levant les préjugés sur la qualité (respect des normes d’hygiènes, conservation, date de péremption…).
Enfin, les transformatrices sont invitées à participer aux bourses céréalières organisées par Afrique Verte avec un double objectif : faire connaître et vendre leurs produits transformés, et s’approvisionner en céréales brutes auprès des producteurs ruraux à qui elles offrent de nouveaux débouchés.
En 2008, lors de ces manifestations (SNC, SIAO, foire de la Cedeao…), l’ensemble des 20 UT de la région des Hauts Bassins a vendu un total de plus de 6 000 kg de céréales transformées pour un montant de 4 800 000 FCFA (soit 7 680 euros). Au total avec une gamme de 16 produits transformés commercialisés, le chiffre d’affaire 2008 de l’ensemble du réseau s’élève plus de 27 000 000 FCFA (environ 41 220 euros), soit une augmentation notable par rapport à l’année précédente.
Selon les dernières analyses de marché, il semble que l’effet cumulé de l’amélioration de la gamme de produits et de l’information du public sur les produits transformés ait déclenché une insertion progressive des céréales transformées dans les habitudes alimentaires de certains consommateurs sahéliens.
De nécessaires mesures au niveau politique.
Si Afrique Verte a réussi à démontrer à une petite échelle qu’il était possible de gagner des parts de marchés par la transformation de céréales locales, son impact restera limité tant qu’il n’y aura pas de relais, d’appui et d’accompagnement à un niveau politique.
La majorité des transformatrices fait part de points de blocage persistants, les empêchant de vivre intégralement de cette activité. L’accès à un type de crédit adapté aux activités de transformation (taux d’intérêt, échéanciers) fait défaut. Les transformatrices demandent également la défiscalisation des équipements et un accès facilité aux laboratoires d’analyses. Les emballages de qualité et aux normes pour l’agroalimentaire sont difficiles à trouver. Il existe des problèmes d’étiquetage des produits. Les infrastructures de stockage et de conservation sont limitées. Les unités de transformation demeurent artisanales et peu « professionnelles ». Des mesures politiques accompagnées par les institutions de financement et les bailleurs permettraient un véritable changement d’échelle, renforçant ainsi sécurité et souveraineté alimentaire au Sahel.
Plaidoyer d’Afrique Verte International présenté au Réseau de prévention des crises alimentaires en novembre 2008
Afin de soutenir les entreprises locales, les structures de financement doivent revoir leurs conditionnalités afin de faciliter l’accès du crédit ; les États sahéliens doivent défiscaliser certains équipements spécifiques nécessaires à l’amélioration de la transformation agroalimentaire ; les tarifs des laboratoires nationaux doivent baisser afin de garantir la sécurité des consommateurs ; des emballages répondant aux normes agroalimentaires sont indispensables ; la création d’infrastructures de stockage et de conservation est prépondérante. Afin de résoudre ces points de blocage de manière homogène, nous attendons des bailleurs de fonds qu’ils octroient des financements multi pays pour répondre à cette problématique sous régionale.