Grain de sel : En quelques mots, quelles sont vos impressions, bonnes et moins bonnes, sur la rencontre de Nyeleni ?
Josie Riffaud : Nous avions des objectifs très précis en organisant ce forum : celui de faire un grand bond en avant, de souder des alliances avec nos partenaires organisateurs : féministes, environnementalistes , pécheurs, peuples autochtones, pastoralistes, consommateurs, ONG, et plein d’autres encore … Selon la région d’origine mais aussi selon le type d’organisation pour laquelle on a été délégué, l ‘approche, le degrés d’implication, de compréhension sont souvent très différents. Travailler tous ensemble sur sept thématiques très précises, nous y sommes parvenus grâce à au bon appui méthodologique proposé par le groupe de pilotage. Pour ma part j’ai participé au groupe de travail thématique 5 « conflits et catastrophes : quelle réponse le mouvement pour la Souveraineté alimentaire peut il apporter au niveau local et international ? ». C’était un petit groupe d’une vingtaine de personnes. Les groupes sur les politiques commerciales ou encore sur les modes de productions ont eux attiré beaucoup plus de monde. Les participants à ce groupe de travail venus du Liban, de Palestine, du Congo, de Colombie, d’Égypte, du Tchad, de Haïti … nous ont rendu compte des grandes difficultés rencontrées par leurs peuples et ont notamment, de façon unanime, dénoncé l’aide alimentaire telle qu’ils la subissent aujourd’hui. J’ai été frappée de voir combien les témoignages concordaient sur les effets « nuisibles » de l’aide alimentaire, qui peut être un réel ennemi de la souveraineté alimentaire. Le groupe a réaffirmé la nécessité de laisser aux peuples le soin de déterminer leurs besoins, et de gérer l’aide. Le plus souvent, au nom de l’œuvre humanitaire, les pays occidentaux envahissent les marchés des pays en conflits, et les déstabilisent aussi bien économiquement que culturellement. L’introduction quasi systématique de produits génétiquement modifiés s’ajoute à ces méfaits. Un délégué congolais a également souligné la responsabilité des multinationales qui mettent à profit les situations de grande crise, ainsi que les gouvernements locaux qui agissent contre l’intérêt de leur peuple. C’était un réel défi de rassembler plus de 500 personnes dans ce site au cœur de l’Afrique, loin des infrastructures habituelles. Le site construit spécifiquement a été finalisé au dernier moment. Le fait d’arriver dans un site encore en construction a eu une portée symbolique : nous n’étions pas là pour « consommer de l’altermondialisme », mais pour construire quelque chose ; contribuer à un processus.. Les alliances se sont construites dans le même temps que le site. Cela a conféré à la rencontre une dimension modeste et à la fois beaucoup de force. Un détail qui n’en est pas un, nous avons consommé tout le long des produits locaux, cuisinés sur place de façon traditionnelle par des femmes du village. Je crois que la rencontre se voulait en adéquation avec les enjeux du débat, et cela a été une réussite.
Grain de sel : Que retenez-vous de votre participation à Nyéléni ?
Josie Riffaud : En avant première, le 22 février, les femmes se sont retrouvées pour échanger. Une centaine de Malienne s’était jointe aux déléguées pour la journée rappelant le rôle essentiel des femmes dans l’alimentation mais aussi dans la préservation de la biodiversité mise à mal par l’agriculture de rente et l’agriculture productiviste. Les femmes maliennes ont demandé que leur travail soit reconnu à sa juste valeur, que des moyens de conserver les aliments tels que le lait soient à leur portée, que leur avis soit pris en considération. Souvent en première ligne des victimes de la mondialisation, elles ont souligné leur volonté de participer pleinement aux débats. La rencontre laissera la trace d’une déclaration finale sans concession et sans langue de bois. Le site web régulièrement mis à jour au fil des jours en est le témoin (NDLR : cf. http://www.nyeleni2007.org). Les délégués venus d’horizons militants et géographiques très variés ont pu échanger leurs témoignages mais aussi leurs agendas pour les mois à venir. Ils se sont engagés notamment à soutenir toutes les luttes en faveur de la Souveraineté alimentaire.
Pour revenir sur le lieu et le site de la rencontre, le village construit pour la rencontre vise à demeurer. Il sera transformé en un lieu de formation destiné aux paysans de l’Afrique de l’Ouest. C’est une belle infrastructure, des cases avec l’électricité et l’eau potable, et un auditorium disposant d’une vue superbe sur le lac de Sélingué.