Un des enseignements de l’expérience d’AVSF au Nord Togo en matière de champs-écoles paysan est que cette méthode de conseil agricole, certes consommatrice de temps et en ressources humaines, permet aux producteurs de rechercher par eux-mêmes les solutions à leurs problèmes et ainsi d’acquérir de nouvelles compétences.
Le champ-école est une méthode d’apprentissage mutuel par l’action : un groupe de vingt à trente paysans issus d’un même village (dont des femmes) se constitue, questionne les pratiques agricoles locales, met en place des essais de cultures et échange des expériences. En se réunissant périodiquement pour la culture d’une parcelle, les producteurs et productrices comparent les résultats des pratiques et leur bilan économique, tout en étant accompagnés par des techniciens.
Mise à disposition par un membre ou louée par le groupe, la parcelle est aussi un lieu d’accueil, de visites et d’échanges entre groupes d’agriculteurs. Les champs-écoles permettent en outre de mettre en place des essais innovants, menés grâce à l’appui d’un conseiller ou animateur extérieur, afin de mettre au point des références techniques adaptées localement.
Collecte des données – Champécole de la région des Savanes
Champs-écoles paysans : une méthode en faveur de l’agroécologie. Dans le cadre du projet « Durabilité et résilience de l’agriculture familiale dans la région des Savanes », mené par AVSF et l’ONG RAFIA, entre 2014 et 2018, et financé par le Fonds français pour l’environnement mondial, 21 champs-écoles de cultures pluviales (céréales et légumineuses), et 18 champs-écoles de maraîchage de contre-saison ont été mis en place, impliquant 350 personnes, et une douzaine de visites d’échanges entre groupes ont été organisées. Les thèmes principaux d’échange et d’expérimentation des champs-écoles maraîchers ont été la détermination de la densité optimale de plants au repiquage (tomate et oignon) ; l’utilisation de la fumure organique ; la réduction des doses d’engrais minéraux ; et l’utilisation de pesticides naturels (à base d’oignon, piment, ail, neem). Des cultures nouvelles sont également mises en place sur de petites parcelles (chou, carotte). Les essais réalisés ont permis de diminuer fortement l’utilisation d’engrais minéral en le substituant par de la fumure organique.
Les producteurs ont répliqué plusieurs apprentissages des champs-écoles, comme la culture en ligne de l’oignon (étendu au repiquage du riz par les femmes), la culture d’oignon avec le compost et l’utilisation de pesticides naturels. Les maraîchers améliorent également la conservation de l’eau grâce à l’utilisation du compost, la diminution de la taille des « cuvettes » et l’optimisation de la densité de plants. La comparaison des marges brutes des champs-écoles avec celles obtenues dans leurs parcelles a incité les producteurs à diminuer les doses d’engrais minéraux et à s’investir dans la production de compost.
Une démarche de conseil exigeante mais pertinente. Au-delà de la mise au point d’itinéraires techniques agroécologiques, les champs-écoles ont permis aux participants de développer leurs capacités à rechercher par eux-mêmes les solutions à leurs problèmes et ainsi à acquérir de nouvelles compétences pour expérimenter, innover, communiquer. Il semble ainsi que les champs-écoles peuvent contribuer à améliorer la résilience des agricultures familiales ainsi que leurs capacités d’adaptation au changement climatique.
En revanche, il apparaît que dans le cadre de cette expérience, les champs-écoles sont un dispositif demandant une forte mobilisation en ressources humaines (1 technicien pour un groupe de 20 paysans) et en temps alors qu’il touche un nombre relativement restreint d’agriculteurs.
En conclusion, cette méthode de conseil apparaît comme la plus à même de répondre à différents objectifs : émergence et validation d’innovations s’adaptant aux contraintes des producteurs, notamment socio-économiques, et dans le même temps, création de références techniques agroécologiques pour le contexte local, et appropriation de ces références par les agriculteurs.trices. In fine, un des impacts du dispositif est l’évolution des pratiques et systèmes agricoles vers des alternatives plus écologiques.
Myriam Mackiewicz (m.mackiewicz@ avsf.org) est coordinatrice nationale d’Agronomes et Vétérinaires Sans Frontières (AVSF) au Togo.
Cet article a été rédigé sur la base des documents suivants :
Bakker, Teatske. 2017. Démarches d’accompagnement pour la co-construction d’innovations paysannes. Guide méthodologique des champs-écoles de la région des savanes au Togo. AVSF ;
Bakker, Teatske. 2019. Les champs-écoles d’AVSF au Nord Togo : une démarche d’accompagnement pour la co-construction d’innovations paysannes et le conseil agricole.