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publié dans Ressources le 14 février 2010

Entretien avec Raquel Copa de Justo, Secrétaire des archives de l’association Imperial de Talaca au Pérou

Nathalie Boquien/Raquel Copa de Justo

Leaders paysan.ne.sOrganisations de producteurs et de productricesAmérique latine

Entretien réalisé par Nathalie Boquien (Inter-réseaux – Grain de sel) avec l’aide de Natalia Espinel Correal (Fida) lors du Forum paysan organisé par le Fida à Rome, le 14 février 2010, et traduit de l’espagnol par Laetitia Montero.

Grain de sel (GDS) : Pouvez-vous vous présenter et présenter votre organisation ?
Raquel Copa de Justo (RCJ) :
J’appartiens à l’association de producteurs agricoles écologique Imperial de Talaca (district de Candarave, province de Tacna). Je suis la fondatrice de cette association et actuellement je suis la secrétaire des archives. Nous sommes un groupe de femmes qui travaillons dans la production d’origan avec le projet Sierra Sur. Avant nous ne cultivions pas l’origan, mais nous avons vu que les propositions d’assistance technique étaient intéressantes. Nous avons donc créé l’association et en 2006 nous nous sommes présentés au projet Sierra Sur. Nous étions seulement 8 membres dans l’association, nous avons vraiment commencé de zéro ! Concernant l’origan, lorsque j’étais présidente j’ai pu obtenir auprès d’organisations privés et publiques des machines. Nous avons de plus acheter un terrain où l’on peut cultiver, et nous avons aussi un local. Nous cultivons actuellement 5 hectares. Nous avons toujours des problèmes concernant la commercialisation car il nous manque un marché où vendre l’origan « prêt à consommer ». Le projet nous a permis d’acquérir des connaissances, et de mieux gérer notre production et sa vente ; nous avons pu mettre en pratique ce que nous avions appris dans les cours et les stages, et nous souhaitons vendre maintenant directement au consommateur final. C’est la seule façon pour nous de rentabiliser notre production, sinon ce sont les intermédiaires qui profitent de notre travail et il ne nous reste rien. Dans notre province, les produits andins que nous cultivons, comme la patate, le maïs ou l’origan demandent de grandes quantités d’eau. Mais nous n’irrigons pas assez. Le problème de manque d’eau est lié aux entreprises minières qui prennent possession des bassins d’où provient notre eau. Ce sont en général des transnationales, il y a aussi actuellement une entreprise péruvienne, Southern del Peru, qui a des puits sous-terrains. Nous nous en plaignons tout le temps auprès du maire et des dirigeants. Mais dans l’entreprise, ils font ce qu’ils veulent : comme ils ont de l’argent, ils peuvent acheter les grands, les ministres, les autorités, pour qu’ils leur donnent leur permis. Nous les paysans on nous écrase.

GDS : Pouvez-vous nous parler de votre parcours en tant que leader paysanne ?
RCJ :
En 2006, j’ai créé l’association et j’ai été élue présidente. Le mandat ne dure pas plus de deux ans et il est interdit par les statuts de le renouveler. Je me suis donc mise de côté. On a élu une autre dame en tant que présidente, mais mes camarades m’ont dit : “C’est vous qui connaissez ce qui concerne la documentation, vous pourriez vous occuper des archives”. Je ne savais pas trop comment il fallait faire parce que j’ai quitté tôt l’école. Mais avec le projet « Sierra Sur », j’ai appris : quand j’allais les voir pour présenter mes rapports, ils me faisaient de nombreuses corrections. C’est là que j’ai appris à gérer mes documents, à les archiver, à faire des ordres de paiements. J’ai aussi appris à me présenter en société, à me débrouiller dans les questions administratives. Mes camarades m’ont dit « vous êtes douée pour ça, c’est le poste qu’il vous faut occuper ». Je suis donc devenue secrétaire générale des archives, mais je suis restée le bras droit de la présidente. C’est moi qui ai donné un chemin, une vision à cette association, c’est moi qui l’ai rêvée. Elle peut être présidente mais elle ne peut pas être dans ma tête. Quand il y a des réunions où elle doit participer, elle me demande de l’accompagner. Elle dit que je suis la personne la plus indiquée pour défendre le projet, que c’est moi qui suis le plus informée. Parfois quand je vais en voyage et qu’elle reste, elle me dit: « ces documents sont arrivés, que dois-je faire? ». Je leur dit qu’elles doivent apprendre à se débrouiller seule, mais elles n’ont pas confiance en elles. Toute mon expérience je l’ai gagnée en surmontant des défis, depuis mon enfance. Je suis orpheline depuis l’âge de 8 ans. J’étais seule, et j’ai fait face aux défis qui se présentaient à moi les uns après les autres. Pour moi, cette association de producteurs, c’était un pari !

GDS : Financièrement, percevez-vous une prise en charge de votre organisation ?
RCJ :
Lorsque le ministère ou la municipalité m’invite à des réunions, ils m’aident financièrement. Parfois on me demande de témoigner dans des ateliers, car je connais bien le thème ou on me demande de venir parler de mon expérience, à ce moment on me donne une compensation. Cet argent je l’investis dans mon lopin de terre, pour payer un travailleur journalier et le lendemain de mon intervention je me remet à travailler ma terre. Le projet « Sierra Sur » m’a aussi aidé pendant 2 ans.

GDS : Comment vous organisez-vous entre votre famille et vos engagements dans l’organisation ?
RCJ:
Je me suis mariée mais j’ai perdu mon époux après avoir passé 15 ans avec lui. Je suis restée seule avec deux jeunes adolescents. Je me suis consacrée exclusivement à mes enfants, jusqu’à ce qu’ils soient devenus de vrais professionnels. Restée seule, je me suis dit que j’avais encore de la force pour aider les autres. Alors j’ai formé l’organisation. Mon temps était alors très occupé car j’ai pris beaucoup de responsabilités : assemblée d’usagers, assemblée d’irrigation, 21 cantines sous ma responsabilité, mon implication au sein de l’Église et dans, l’organisation, j’ai aussi été élue adjointe au maire! Le projet me prenait aussi beaucoup de temps. Mais j’ai su faire face tout en m’organisant. J’ai souvent dû travailler la nuit tombée et avoir recours à des travailleurs journaliers pour ma terre.

Cette interview est également disponible en version espagnole: cf.version PDF à télécharger ci-dessous

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