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publié dans Ressources le 2 juillet 2009

« Les trajectoires de la Chine-Afrique »

Cairn.info

Chine-Afrique

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En novembre 2006, lorsque les autorités chinoises invitent la quasi-totalité des chefs d’État africains au sommet du Forum de la coopération sino-africain, le monde occidental se réveille. Diplomates, journalistes, experts et chercheurs découvrent l’intensification tous azimuts des liens entre l’Afrique et la Chine. Focalisés sur les relations d’État à État, ils interprètent la croissance systématique des indicateurs macroéconomiques comme étant le fruit d’une « stratégie africaine » délibérément suivie par le pouvoir de Pékin. Des phénomènes très divers comme la croissance des échanges commerciaux, l’intensification des relations diplomatiques sino-africaines ou le développement de Chinatowns dans les centres-villes africains seraient orchestrés par le pouvoir central chinois : comme un seul homme, la Chine toute entière foncerait sur l’Afrique et viendrait phagocyter son territoire et ses ressources. Selon cette thèse qui fait aujourd’hui autorité, le dragon chinois ne fait pas de quartier face à la pauvre autruche africaine. Réveillés de leur sommeil, les analystes font état d’une chaîne de causalité implacable : Pékin aurait lancé la Chine sur une trajectoire de croissance consommatrice de ressources naturelles. Conscient du manque de ressources énergétiques et du manque de terre, ce même Pékin aurait élaboré une stratégie construite sur l’exportation de sa main-d’œuvre et de produits manufacturés d’un côté, et l’importation de pétrole, de minerais et de grumes de l’autre. Alors, la Chine toute entière aurait obéi à cet ordre pour faire de l’Afrique « la dernière province de l’Empire du Milieu ». « Pékin est de retour en Afrique » (Valérie Niquet, 2006) et le mouvement ne ferait que commencer : car l’ogre monolithique récurrent des articles « Chine-Afrique » ne sait se rassasier et certains auteurs se demandent si la Chine n’est pas en train d’imposer un « nouveau pacte colonial à l’Afrique » (Keet, 2007). Un péril jaune serait même prêt à submerger l’Afrique, facteur de frictions sur un pré carré des anciennes puissances occidentales : en un claquement de doigt, les autorités chinoises pourraient mobiliser des millions de Chinois sur le continent africain. Dans cette perspective géopolitique, qui ne conçoit le monde que par la grille de lecture des États-nations, l’Afrique devient théâtre du « Grand Jeu du XXIe siècle » et représente l’enjeu de conquête des grandes puissances motivées par le contrôle des ressources naturelles, notamment du pétrole.
Ce dossier propose une lecture différente des relations tissées entre la Chine et l’Afrique, décalée de l’approche géopolitique et géostratégique qui domine les écrits des années 2000. Nous proposons d’analyser la nature des liens rangés sous le terme générique de Chine-Afrique, sans pour autant nier le pouvoir concentré à Pékin – et non le pouvoir de Pékin, sans ignorer que le gouvernement central chinois élabore effectivement une stratégie et sans contester la réalité macroéconomique. Ceci nous amène à voir que l’intensification des relations entre la Chine et l’Afrique n’est pas le fruit d’une seule rationalité imposée par Pékin mais bien le résultat de plusieurs rationalités qui convergent et se renforcent sans pour autant se confondre. Le sentiment de l’existence d’un pouvoir central surpuissant capable de mobiliser toute la Chine vers l’Afrique est une construction rhétorique appuyée sur les annonces officielles.
Ce dossier veut ainsi sortir de l’amalgame fait entre les peuples chinois, les bibelots made in China, les entreprises chinoises, les vendeurs de nems de Bamako et le bureau de Hu Jintao. Certes, la Chine est partout, mais comme ce dossier le montre, les autorités centrales chinoises n’ont pas le « monopole de la Chine ». Analyser le mouvement chinois vers l’Afrique consiste alors à identifier et à analyser la pluralité des acteurs, à saisir leurs rationalités et les mécanismes qui les mobilisent. Pour cela, nous avons choisi d’aborder le sujet depuis la Chine et depuis l’Afrique, de mobiliser des auteurs qui proposent à la fois des enquêtes de terrain et des analyses macroéconomiques et de privilégier une approche historique pour relativiser les mouvements à l’œuvre construits sur le temps long. Ceci permet de saisir la pluralité des Chines ; car derrière les sociétés pétrolières chinoises ou les petits entrepreneurs chinois des faubourgs de Dakar, se cachent des réalités économiques, sociales très variables, des territoires d’origines également très diverses. Derrière le terme générique de « Chine » se trouvent plusieurs réalités chinoises, mais aussi des acteurs et des intérêts qui agissent depuis la Chine sans être pour autant chinois. « L’Afrique » cache aussi une pluralité de réalités : selon les pays, leurs ressources et leur histoire politique et économique, les relations Chine-Afrique connaissent d’importantes variations.

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