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publié dans Autres publications le 5 mars 2013

Entretien avec Salif Olou Président de la Centrale des producteurs de céréales au Togo (CPC-Togo)

Inter-réseaux

CéréalesOrganisations interprofessionnellesTogoEntretien

Cette interview a été réalisée lors d’un voyage d’étude sur les interprofessions françaises organisé par la Fondation FARM du 17 au 19 décembre 2012 à Paris.

Inter-réseaux : Pourquoi vouloir mettre en place une organisation interprofessionnelle (OIP) sur les céréales au Togo ?
Salif Olou :
Aujourd’hui, en Afrique de l’Ouest, les céréales constituent un enjeu majeur, car elles sont la base de l’alimentation pour bon nombre de personnes. Les organisations régionales (Cedeao, UEMOA) tentent de mettre en place des stratégies appropriées afin de favoriser la sécurité alimentaire. On prône la circulation des personnes et des biens, y compris des céréales, des bassins de production vers les zones déficitaires. Mais nous, céréaliers, constatons que ces règles ne sont pas bien appliquées, ce qui crée des manques à gagner pour les producteurs. Durant 3 années, nous avons eu des excédents de céréales dans trois régions du Togo et nous avons pensé que la mise en place d’une interprofession au niveau des acteurs de la filière céréalière pouvait être une solution à ce problème.
Avec l’appui du projet ATP (Agribusiness and Trade promotion) de l’USAID, nous avons mis sur pied un comité provisoire de l’interprofession des céréales au Togo. Ce comité rassemble des familles de producteurs de céréales, des producteurs de semences, des transporteurs, des fournisseurs d’intrants et des consommateurs. Nous avons identifié les organisations d’envergure nationale où nous avons désigné des personnes déléguées de ces faitières pour faire partie du comité. A l’époque, seule la CPC, faitière nationale, était bien organisée de la base au sommet. Les transporteurs étaient relativement bien organisés, également. Mais les autres familles : les équipementiers, les fournisseurs d’intrants, les commerçants, les transformateurs, etc. n’étaient pas bien structurés ; il nous a alors été demandé d’appuyer la structuration de la base de ces familles. En 2010-2011 nous avons pu mettre sur pied des comités interprofessionnels régionaux. Dans certaines régions ces comités sont bien organisés, mais dans d’autres régions il reste encore du travail à faire, surtout au niveau des transformateurs et des commerçants.
L’interprofession est donc en train d’être mise en place, mais les maillons ne sont pas encore suffisamment rassemblés pour créer formellement notre structure. D’ici le mois de février 2013, il devrait y avoir des organisations de transformateurs et de commerçants, nous pourrons donc faire notre assemblée générale constitutive et mettre en place un comité définitif pour l’interprofession au Togo.

IR : La mise en place d’une OIP vise donc à faciliter la commercialisation des céréales ?
SO :
Oui, pour nous, la commercialisation n’est pas équitable car les producteurs ne s’y retrouvent pas. C’est cette problématique qui a fait naître l’idée d’une OIP, pour analyser la situation, mettre en place des stratégies, afin que chaque maillon puisse tirer parti équitablement de la filière.

IR : Comment réagissent les commerçants par rapport à la mise en place cette OIP ?
SO :
Au début, les commerçants craignaient que l’OIP serve à restreindre leurs marges de manœuvre, à leur imposer certains prix, etc. Mais avec le temps, nous sommes arrivés à les convaincre. Par exemple, les tracasseries routières sont subies par tous les maillons, directement ou indirectement (les commerçants et transporteurs qui les subissent directement tiennent compte des tracasseries dans le prix qu’ils payent aux producteurs). Ensemble, nous pouvons résoudre de nombreuses difficultés, par le plaidoyer et d’autres activités.

IR : Est-ce que l’Etat appuie la constitution de l’interprofession ?
SO :
C’est l’Etat qui a ouvert l’atelier de mise en place de notre comité provisoire. Nous communiquons régulièrement à l’Etat nos avancées dans la mise en place de l’interprofession. Aujourd’hui l’Etat s’intéresse aux dispositifs multi-acteurs dans les filières. Pour le moment il ne parle pas explicitement d’interprofession mais de « cadre de concertation par filière ».

IR : Qu’en est-il des autres filières céréales en dehors du maïs ?
SO :
Aujourd’hui on parle surtout de la filière maïs, au niveau du Togo. Mais nous ne voulons pas délaisser les autres céréales qui sont aussi importantes. Le riz est une filière majeure, même si nous n’avons pas encore atteint l’autosuffisance (48% du riz consommé au Togo est importé), et sa structuration mobilise beaucoup d’efforts. Le mil et le sorgho n’ont pas la même ampleur, leur consommation est en diminution. Nous souhaitons en fait mettre en place une interprofession des céréales, et non uniquement une interprofession du maïs.

IR : Existe-t-il au Togo un cadre juridique spécifique aux OIP ?
SO :
Le cadre des organisations est là, mais il n’y a pas encore de loi pour les OIP au Togo. C’est la question du financement qui est sous jacente, du mode de financement spécifique des OIP.

IR : Au niveau régional, quelles sont vos attentes, notamment au niveau du Réseau ouest africain des céréaliers (Roac) actuellement en construction ?
SO :
Aujourd’hui, les enjeux au niveau de la sous région sont de taille, dans la mesure où les productions sont réparties inégalement : on a des poches d’insécurité alimentaire alors que d’autres zones sont excédentaires et ne trouvent pas de débouchés. Par exemple, en 2008 j’avais 8 tonnes de maïs qui ont pourri, faute de pouvoir les commercialiser alors qu’au même moment dans la sous région des gens subissaient la famine.
Pour moi, le Roac pourra résoudre bon nombre de problèmes : d’abord assurer la sécurité alimentaire de la région, mais aussi permettre que les producteurs puissent tirer le maximum de revenus, grâce à une connexion entre les zones excédentaires et les zones déficitaires. La mise sur pied d’une OIP régionale me paraît un outil important.
La problématique de la commercialisation prédomine, mais il y a aussi celle de la productivité, qui n’est pas à négliger : bon nombre de nos producteurs ne connaissant pas les techniques de production modernes.

IR : Que retenez-vous de ce voyage d’études sur les interprofessions en France ?
SO :
Les expériences des OIP françaises ne sont pas forcément transposables au Togo. Il faut tenir compte des réalités et du contexte, mais nous avons été frappés par le dynamisme de ces interprofessions. Nous avons aussi l’ambition, comme le GNIS et Intercéréales, de financer la recherche, mais nous n’en sommes pas encore à ce stade. Nous devons travailler d’abord à la base, communiquer avec nos producteurs à la base sur les missions que nous donnons à notre nouvelle organisation.

Propos recueillis à Paris, en décembre 2012

Pour télécharger l’entretien (PDF, 2p):
http://www.inter-reseaux.org/IMG/pdf/Entretien_Salif_Olou_CPC.pdf

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