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publié dans Ressources le 19 décembre 2011

Est-ce que la recherche agricole peut aider à nourrir le monde?

Carlos Perez del Castillo

Cette année, le plus grand partenariat mondial de recherche agricole pour le développement, le Groupe Consultatif pour la Recherche Agricole Internationale ou “CGIAR”, fête ses 40 ans. Carlos Pérez del Castillo, le Président du Consortium du CGIAR, nouvellement installé à Agropolis Montpellier, regarde le parcours de cette institution pour comprendre le rôle actuel de la recherche agricole dans la lutte contre l’insécurité alimentaire mondiale.

Le 10 Décembre, Ellen Johnson Sirleaf, Leymah Gbowee et Tawakkul Karman ont reçu le prix Nobel de la Paix 2011 pour leur lutte non violente pour les droits des femmes.

Ce prix renommé a été décerné par le passé à des personnalités reconnues comme Nelson Mandela, le Dalai Lama et Mère Teresa. Plus surprenant, ce prix a été attribué en 1970 à un agronome, Norman Borlaug.

Dans les années 1960 et 70, la population mondiale était en pleine expansion. De terribles famines ont frappé les pays en voie de développement et il y avait une crainte généralisée que l’agriculture mondiale ne pourrait produire suffisamment pour nourrir cette population croissante.

Borlaug croyait que la science pouvait résoudre la faim dans le monde. Il est à l’origine de la création de variétés de céréales hybrides naines résistantes et à très haut rendement. Même sous les bombes lors de la guerre Inde-Pakistan, il a travaillé sans relâche pour introduire ces variétés dans les pays du Sud, ce qui aurait sauvé des millions de personnes de la faim, grâce à de biens meilleures récoltes.

Borlaug a initié une révolution non violente: la “Révolution Verte”. Grâce à la recherche agricole, les plantes alimentaires importantes dans les pays du Sud sont devenues plus productives, plus résistantes aux maladies.

Le Prix Nobel de la Paix de Borlaug était la reconnaissance de l’important rôle de l’agriculture et de la sécurité alimentaire pour la prospérité et la paix dans le monde.

Continuer les efforts de la Révolution Verte, 40 ans après.

Le CGIAR est né un an après, en 1971. Une alliance stratégique et unique entre des instituts de recherche agricole pour un développement durable et des bailleurs comme la Banque Mondiale ou le FIDA, financeurs de ces travaux de recherche.

Pendant les quatre décennies de son existence, le CGIAR a prouvé qu’investir dans la recherche agricole a un impact considérable et à faible coût relatif dans la lutte contre la faim et la malnutrition.

Prenons la recherche sur le manioc. Ce tubercule représente plus d’un tiers des calories alimentaires dans des pays comme le Burundi, le Rwanda, l’Ouganda et le Congo Démocratique. A la fin des années 80, un insecte ravageur la cochenille du manioc détruisait les récoltes dans toute l’Afrique Sub-Saharienne. Le CGIAR a développé des méthodes de lutte biologique de ce ravageur, sauvant 20 millions de personnes de la faim pour un coût total de 20 millions de dollars. En d’autres termes, pour chaque dollar investi, une vie a été sauvée.

Des chercheurs du CGIAR ont aussi développé et permis d’appliquer à grande échelle en Afrique des pratiques d’agroforesterie peu chères pour régénérer les sols appauvris tropicaux en terres productives. En utilisant les ressources locales comme les roches phosphatées et en associant des arbres fixateurs d’azote avec les cultures, cela permet d’améliorer la fertilité et le pouvoir de rétention en eau du sol, augmentant les rendements et les revenus des paysans de façon remarquable. Plus de 400,000 paysans ont déjà adopté cette technique innovante dans plus de 20 pays, multipliant par quatre leurs rendements.

De l’amélioration des plantes aux méthodes d’irrigation ou de fertilisation, la recherche du CGIAR a un impact visible sur le terrain. Une évaluation de 2003 montrait que sans cette recherche les pays en voie de développement produiraient 7 à 8% moins. Soit 13 millions d’enfants sauvés de la malnutrition.

Pourquoi des gens ont toujours faim aujourd’hui?

Alors que la recherche agricole a produit de nombreuses innovations, notre monde change sans cesse. De nouveaux défis émergent, plus vite et à plus grande échelle qu’avant.

La demande alimentaire mondiale croît de manière effrénée, au rythme de 80 millions de bouches en plus à nourrir par an. Les prix agricoles sont à un pic historique, et cette inflation alimentaire qui frappe plus durement les plus pauvres est source de conflits sociaux. L’Organisation de l’Agriculture et de l’Alimentation des Nations Unies estime que nous devons doubler la production à l’horizon 2050 dans les pays du Sud pour répondre à cette croissance démographique. Ce n’est pas une tâche facile, puisqu’avec le changement climatique, les pressions énormes sur les terres arables, l’eau et les autres ressources naturelles, développer une agriculture durable et en préservant l’environnement sera une équation encore plus ardue qu’aujourd’hui.

Préserver les acquis est aussi un défi. Le manioc par exemple fait face à un nouveau virus, la Maladie de la Striure Brune du Manioc qui affecte entre 15 et 40% de la production dans la région des Grands Lacs. Des millions de familles dépendent du manioc et il est urgent de développer de nouvelles variétés résistantes à cette maladie. Ce qu’efforcent de faire les experts d’agriculture tropicale du CGIAR et leurs homologues locaux.

Le monde actuel n’est pas seulement en situation de crise alimentaire, mais les gouvernements sont confrontés à une crise économique majeure. Pendant que le G20 promettait cette année de mettre l’agriculture en haut de son agenda, le sommet de Novembre à Cannes s’est focalisé sur la crise financière de l’euro zone.

Pourtant, notre crise actuelle ne va pas partir sans un engagement fort et persistent d’investir en agriculture et dans la recherche agricole. La faim ne va pas partir sans une volonté politique et sociétale pour avoir une alimentation saine et à prix abordable pour tous ; et suffisamment rémunératrice pour les paysans.

La majorité des producteurs agricoles du Sud sont des petits paysans avec moins d’un hectare de terre. Ils sont aussi ceux qui souffrent le plus de l’insécurité alimentaire. Ils ont besoin de devenir plus productifs tout en étant capables de résister aux accidents climatiques fréquents.

Une recherche agricole qui se focalise sur les besoins de ces petits producteurs va donc jouer un rôle crucial dans les années à venir. Le CGIAR et ses partenaires doivent, plus que jamais, trouver des solutions pour une agriculture plus performante et durable pour atteindre la sécurité alimentaire.

Le futur de notre recherche agricole

Borlaug a dit un jour “L’alimentation est un droit moral pour tous ceux qui sont nés sur terre”. La population mondiale vient juste d’atteindre les 7 milliards de personnes mais malheureusement un milliard de personnes vont toujours au lit chaque jour affamés. Le CGIAR est là pour poursuivre le travail initié par Borlaug et s’assurer que l’agriculture puisse produire suffisamment et équitablement pour les générations à venir tout en préservant notre environnement.

Une réforme stratégique récente du CGIAR va permettre dans les années à venir une recherche mieux coordonnée, plus efficace et orientée vers des objectifs d’impact sur le terrain.

Mais la recherche agricole ne peut nourrir le monde à elle seule. Tous les acteurs du secteur agricole et alimentaire doivent travailler en partenariat pour que le droit à l’alimentation soit une réalité pour tous: gouvernements locaux, société civile, le secteur privé et les paysans.

En travaillant de manière collaborative avec des partenaires internationaux, le CGIAR vient de lancer 15 programmes internationaux de recherche (CRP ou Programmes de Recherche du CGIAR) qui mettent les petits producteurs du Sud et l’environnement au centre de la recherche. L’objectif est de développer et disséminer des innovations, de meilleures pratiques et connaissances à des millions de paysans des pays en voie de développement, en prenant en compte les aspects cruciaux du genre et du changement climatique.

De cette façon la recherche agricole va aider à résoudre les défis alimentaires des prochaines décennies. Et contribuer à un monde moins affamé et en paix. Dans l’esprit du Prix Nobel de la Paix de 1970.

Carlos Pérez del Castillo est le président du Consortium du CGIAR. Le CGIAR est un partenariat mondial entre des organisations engagées dans la recherche agricole pour un développement durable et les bailleurs, incluant gouvernements, fondations privées et organisations internationales et régionales. La recherche du CGIAR vise à réduire la pauvreté et la faim, à améliorer la santé humaine et la nutrition, et à renforcer la préservation des écosystèmes. Cette recherche est menée par 15 instituts, membres du Consortium des Centres de Recherche Agricole Internationale en étroite collaboration avec des centaines de partenaires, incluant les instituts de recherche nationaux et régionaux, les organisations de société civile, universités et le secteur privé.
http://www.cgiar.org http://www.consortium.cgiar.org

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