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publié dans Ressources le 10 mars 2010

Entretien avec Gariko Korotoumou, présidente de l’Union des mini-laiteries du Burkina Faso

Jade Productions/potaljama

Leaders paysan.ne.sOrganisations de producteurs et de productricesBurkina Faso

Entretien réalisé par Jade Productions au Burkina Faso en mars 2010.

Jade production(JP) : Pouvez-vous présenter votre structure ?
Gariko Korotoumou Sanogo (GKS):
L’union nationale des mini-laiteries du Burkina est un regroupement de productrices et producteurs du lait local à travers leurs structures nationales. Elle existe depuis 2007 sous le label BurkinaLait. L’objectif est de renforcer les capacités d’intervention des structures membres en matière de développement de la production et de transformation laitière. Cette organisation se veut au service des petits éleveurs. Ainsi, pour y faire partie, il faut transformer le lait local et se fournir au moins en partie auprès des petits éleveurs.

JP : Qu’est-ce qui justifie la mise en place de cette union ?
GKS :
Au Burkina Faso, le secteur de l’élevage fait face à de nombreuses contraintes. Il n’existe aucun programme ou projet destiné à soutenir spécifiquement ce secteur, malgré son importance. La filière lait est encore plus mal lotie. Les acteurs souffrent énormément de la concurrence déloyale exercée par le lait en poudre importé d’Europe. Chaque année le Burkina importe pour près de 10 milliards FCFA en produits laitiers. Alors qu’il existe un potentiel important de développement de la production laitière locale. Nous avons estimé que cela ne pouvait continuer éternellement. L’union s’est alors imposée à nous comme seule issue pour la défense de nos intérêts matériels et moraux.

JP : Quels sont vos moyens de lutte pour atteindre vos objectifs ?
GKS :
Notre principale arme demeure le plaidoyer. Au niveau national, nous essayons de démontrer aux décideurs qu’il est possible de consommer le lait local qui est bien meilleur que celui importé, pour peu que les acteurs bénéficient d’un minimum d’accompagnement dans la production et la transformation. La preuve, lors de la dernière journée nationale du paysan, nous avons fourni du lait pour la consommation quotidienne des 2000 participants. Au niveau international, nos actions se résument à la participation aux forums où nous essayons autant que faire se peut de donner de la voix. Hormis cela, nous organisons en collaboration avec certains de nos partenaires, des sessions de renforcement des capacités au profit de nos membres. Nous menons des études et enquêtes sur les performances laitières des vaches de races locales. Nous avons également réalisé une étude sur les possibilités d’amélioration de l’alimentation des animaux. Ces études visent à accroître la productivité des vaches de races locales.

JP : Qu’avez-vous pu obtenir en termes d’amélioration ?
GKS :
Il y a eu beaucoup d’améliorations. Nous sommes de plus en plus écoutés et entendus. Le ministère des ressources animales accompagne l’union à travers des formations aux techniques d’insémination notamment. Les producteurs gagnent en compétence et la production de lait local va croissant. A travers nos actions marketing, nous arrivons tant bien que mal à faire consommer notre lait. Tout cela contribue à la professionnalisation de la filière lait. Cependant des difficultés subsistent.

JP : Où est-ce que ça coince jusqu’à présent ?
GKS :
Là où ça coince toujours, c’est l’absence de politique nationale de promotion du secteur de l’élevage de façon globale et de la filière lait en particulier. Le secteur de l’élevage est noyé dans le grand secteur de l’Agriculture où sont concentrés tous les financements. Jusqu’à présent, il n’y a aucun programme adapté pour accompagner la production dans le domaine de l’élevage. Les mesures d’accompagnement de l’Etat au profit des producteurs et transformateurs de lait demeurent ponctuelles et insuffisantes.

JP : Quelles solutions préconisez-vous pour y remédier ?
GKS :
La solution, c’est l’élaboration et la mise en œuvre par l’Etat en partenariat avec les acteurs concernés, d’une politique de promotion du secteur de l’élevage. Cela suppose également l’allocation de plus de ressources au secteur à travers la conception et la mise en oeuvre de programmes et projets. Pour la filière lait, il faut de toute urgence protéger l’industrie laitière locale des importations subventionnées. Des mesures d’accompagnement doivent être prises pour développer la filière lait afin que la production locale remplace les importations. Ces mesures doivent non seulement être consistantes, mais s’inscrire dans le moyen et long terme pour permettre d’atteindre les résultats escomptés.

JP : En quoi consiste la mission de responsable à la promotion féminine dont vous avez la charge au sein de la Fédération des éleveurs du Burkina ?
GKS :
Dans le secteur de l’élevage et de la filière lait, la place de la femme est déterminante, surtout chez les éleveurs peulhs. En général, la vache n’appartient pas à la femme, mais le lait lui revient de droit. C’est à travers la vente de ce lait qu’elle arrive à supporter les charges familiales comme l’alimentation, l’éducation des enfants. Pour la femme peulh, la vente du lait n’est ni plus ni moins qu’une question de vie. En tant que responsable à la promotion féminine de la FEB, mon rôle est de travailler à valoriser le lait local à travers sa transformation et sa vente en vue d’accroître les revenus des femmes. D’où la mise en place des mini-laiteries.

JP : A votre avis, qu’est-ce qu’un bon leader ?
GKS :
Un bon leader paysan est tout d’abord un paysan. Il vit les problèmes du groupe qu’il représente et cherche avec lui les moyens de les résoudre. C’est celui qui travaille pour aider son groupe à résoudre les difficultés auxquelles il est confronté. Le mauvais leader, c’est un faux acteur. Il ignore complétement les réalités que vit son groupe. Il ne peut rien lui apporter parce qu’il ne partage pas ses préoccupations. Le bon leader vise le bien-être du plus grand nombre alors que le mauvais se préoccupe de ses intérêts égoïstes.

JP : Comment devient-on leader ?
GKS :
Je crois qu’on devient leader en vivant réellement l’action pour laquelle on s’est engagé. Je ne peux pas prétendre défendre véritablement les intérêts des transformateurs de lait local si moi-même j’ignore tout de cette activité ! Il faut que je sois du milieu, que je m’imprègne de tous les rouages du métier et que je vive également les problèmes. Le leader, c’est celui qui porte l’opinion, la position d’un groupe. Aussi est-il important qu’il comprenne cette position, qu’il puisse l’expliquer et la justifier.

JP : Qu’est-ce qui vous motive à défendre les intérêts des petits éleveurs et transformateurs de lait local ?
GKS :
Je vis de ça. C’est ma réalité, c’est mon quotidien. Si je ne défends pas mes propres intérêts, personne ne viendra le faire à ma place. Je possède une petite ferme et je transforme également le lait local. Je travaille avec cinq membres de ma famille. Je nourris plus de 20 bouches à travers la transformation du lait. C’est dire à quel point ma vie et celle de ma famille tourne autour de cette activité. Si je me bats contre la concurrence déloyale du lait en poudre subventionné par l’Europe, c’est un peu comme par instinct de survie.

JP : Quels sont vos rapports avec votre base ?
GKS :
En ce qui me concerne, je me confonds à ma base. Nous cheminons ensemble lentement mais sûrement. Avec mon niveau professionnel et mon carnet d’adresses, si je décidais d’évoluer seule, je serais très loin aujourd’hui. Mais le plus important pour moi, c’est le groupe. Nous travaillons main dans la main pour l’entretien de nos vaches. Si mes animaux sont vaccinés, ceux des autres femmes du groupement le sont également. Dans mon unité de transformation, je prends en priorité le lait des autres femmes. Nous faisons tout ensemble. Soit on progresse, soit on recule, mais toujours ensemble.

JP : Comment est-ce que vous communiquez avec la base ?
GKS :
Nous tenons régulièrement des rencontres. Nous utilisons également le téléphone pour faire circuler plus rapidement l’information entre les membres. Au besoin, nous convoquons des réunions d’urgence pour nous concerter.

JP : Qu’avez-vous apporté à votre organisation en termes de savoir et de savoir-faire ?
GKS :
Je mets les acquis au compte du groupe. Au niveau de mon groupement de base, nous avons lutté pour que chaque femme ait un lopin de terre pour la réalisation de sa ferme. Aujourd’hui chacune a au moins 1/3 d’hectare concédé par nos époux. Les femmes sont de plus en plus autonomes tant financièrement que socialement. Au niveau de l’union des mini-laiteries, tous nos membres ont bénéficié de formation sur l’hygiène et la qualité alimentaires. Cela a permis d’améliorer considérablement leurs conditions de vie et de travail. Du point de vue organisationnel, il y a également une très grande amélioration. Mais nous avons encore beaucoup de chemin à faire.

JP : Quel est le résultat dont vous êtes le plus fier au niveau de votre groupement de base ?
GKS :
Comme je l’ai dit plus haut, chez les éleveurs peuls, la femme ne possède pas la vache, mais le lait lui revient de droit. C’est la tradition. Aujourd’hui dans mon groupement, les femmes ont non seulement le lait, mais les vaches leur appartiennent. Elles peuvent vendre leur lait, elles peuvent vendre leurs vaches quand elles le souhaitent, à qui elles veulent sans avoir à rendre compte à qui que ce soit. C’est énorme. Mais beaucoup reste à faire. Aujourd’hui nous produisons en moyenne 8 litres de lait par jour et par femme. Mais la production varie selon les fermes. Il y a des femmes qui atteignent 14 à 15 litres de lait par jour alors que d’autres ont moins de huit litres. Cette disparité est liée au nombre de vaches qui varie entre 3 et 15 têtes. Mon objectif, c’est de travailler à rehausser la production à 20 litres par jour. Sur les 50 femmes, cela fera 1000 litres de lait par jour. Même si on vendait le litre à 300FCFA, cela fait un chiffre d’affaires de 300 000F CFA par jour.

JP : Peut-on vous considérer comme un modèle pour votre groupement ?
GKS :
Difficile d’y répondre. Cependant je possède l’unique ferme clôturée de mon groupement sur un demi-hectare. Je fais également partie de celles qui produisent le plus, j’ai entre 12 et 14 litres par jour. Je transforme et mon lait et le lait des autres femmes de mon groupement. Cela fait de moi sans doute un exemple pour les autres femmes.

JP : Quelle est la place de la femme dans le leadership des organisations paysannes (OP) ?
GKS :
Homme ou femme, un leader reste un leader. Autrement dit, une place de leader ne se donne pas, elle se mérite par la force des efforts de l’individu. Cela est valable aussi bien pour les OP que les partis politiques. Chacun doit se battre pour mériter sa place.

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