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publié dans Ressources le 10 mars 2010

Entretien avec Mamy Rajohanesa, président de l’Association pour le progrès des paysans (Fifata) à Madagascar

Fert/Mamy Rajohanesa

Leaders paysan.ne.sOrganisations de producteurs et de productricesMadagascar

Entretien réalisé par Fert en mars 2010.

Fert (F) : À Madagascar, Fifata et ses fédérations membres sont reconnues et de plus en plus sollicitées par les acteurs du développement rural au niveau national et régional. Quel regard portez-vous sur la capacité des leaders paysans à répondre à l’ensemble de ces sollicitations et assumer leur rôle de défense des intérêts de la profession et d’orientation des politiques nationales Agricole ?
Mamy Rajohanesa :
Avec 20 ans au service des paysans, Fifata est considérée aujourd’hui comme un interlocuteur reconnu des acteurs du développement agricole à Madagascar et même au-delà, auprès des organisations internationales. Tout cela grâce à la prise de responsabilité des leaders paysans et à un bon partenariat de travail avec les techniciens. Ceci nous a permis de mettre en place une bonne stratégie pour la défense des intérêts des paysans et d’apporter notre contribution à la définition des politiques agricoles nationales.

F : Quelles sont, selon vous, les compétences et qualités que doit avoir un leader paysan ?
MR :
L’un des points essentiels est de savoir lire et écrire. Il faut également avoir le sens de la communication, s’intéresser aux informations qui ont un rapport avec l’agriculture et les paysans. Et il doit aussi être capable de s’exprimer, de défendre ses idées et de négocier. Pour cela, il faut qu’il apprenne certaines langues étrangères. Il ne doit pas hésiter à se déplacer, à visiter d’autres paysans et à partager ses expériences avec eux ; il doit être ouvert. Enfin, un leader paysan doit être capable de définir les orientations de son organisation et de monter un projet en lien avec son équipe technique.

F : Fifata a-t-elle une stratégie d’identification des personnes susceptibles de constituer la relève ?
MR :
Pour Fifata, la relève se prépare depuis l’association de base et ce sont les jeunes qui sont ciblés. Ce sont les membres de la région qui se chargent de cette identification. Ceux qui sont choisis et élus les représenteront au niveau de Fifata.

F : Quels sont, selon-vous, les critères d’identification des ces personnes ?
MR :
Pour moi, ces personnes doivent être des agriculteurs, vivant de l’agriculture, de l’élevage ou de la pêche et ayant un certain niveau d’instruction. Dynamiques, engagées, militantes, elles doivent être prêtes à renforcer leur capacité par diverses formations.

F : Vous êtes vous-même président de Fifata, quel parcours de formation avez-vous suivi ?
MR :
J’ai fait deux années d’études supérieures. J’ai choisi de devenir paysan. Depuis 1994, j’ai suivi de nombreux cursus de formation destinés aux leaders paysans, ce qui m’a permis de passer par toutes les étapes : président d’une association de base, président d’une fédération régionale et depuis 4 ans président de Fifata. J’ai enchaîné plusieurs formations mais les plus importantes étaient surtout sur la conduite de réunions, la prise de décision, la communication, la gestion de conflit, les techniques de négociation, le lobbying et le plaidoyer, le montage de projet et les langues étrangères. Il s’agissait aussi de s’informer sur les politiques agricoles nationales. J’ai également participé à diverses manifestations internationales qui m’ont permis d’avoir des échanges avec des producteurs de différents horizons.

F : Que vous a apporté cette formation qui vous est aujourd’hui utile ?
MR :
Ces différentes formations m’ont permis de faire face aux différents problèmes que rencontrent quotidiennement les leaders paysans. Mais cela m’a également permis de renforcer ma capacité sur la gestion de l’association et de la faire évoluer.

F : Aujourd’hui, ces possibilités de formation sont-elles accessibles à la majorité des paysans désireux de s’engager pour la profession ?
MR :
A Madagascar, il existe plusieurs centres de formation mais ils n’arrivent pas à couvrir toute l’île. Les zones éloignées et enclavées sont handicapées par rapport aux autres car les opportunités de formation sont rares ou inexistantes.

F : Fifata prévoit une action spécifique pour la formation de la relève au niveau national et régional. Quelles sont les conditions à réunir pour cela ?
MR :
Tout d’abord, nous voulons former des jeunes. En plus, comme je l’ai déjà dit plus haut, les membres adhérents des régions se chargeront de l’identification des jeunes leaders, dynamiques et d’ores et déjà engagés localement. ,Ils constitueront la relève. Fifata prévoit de développer un cursus de formation spécifique pour répondre au besoin d’assurer la relève des dirigeants et de poursuivre ainsi les activités de développement agricole avec efficacité.

F : Quel est le plan d’action de Fifata pour la mise en œuvre effective de ce cursus : étapes à franchir, échéances ?
MR :
La mise en oeuvre de ce cursus appartient, en premier lieu, aux associations de base dans les régions qui se chargent de l’identification de jeunes leaders, dynamiques, déjà engagés localement et répondant à des critères préalablement définis. La formation commence déjà au niveau des associations de base selon les besoins des membres et des dirigeants. Les organisations régionales prendront la relève plus tard avec un niveau de formation plus élevé et varié. La dimension nationale viendra en dernier.

F : Comment concevez-vous le nouveau cursus de formation à mettre en place ? Faut-il envisager des évolutions par rapport au parcours de formation que vous avez-vous-même pu suivre ?
MR :
Il est évident qu’avec les nouvelles technologies et l’évolution rapide des politiques agricoles nationales, ce nouveau cursus sera plus affiné, plus approfondi et mieux adapté aux paysans et au contexte d’aujourd’hui. Mais les formations de base resteront les mêmes, comme la conduite de réunions ou la prise de décisions. La formation en lobbying et plaidoyer sera plus intense pour influer sur les décisions politiques. Pour améliorer la portée et la pérennité des OP, il leur faut mieux maîtriser les enjeux politiques agricoles et économiques. Pour assurer un impact durable de cette action, il faut mettre en place un dispositif pérenne permettant d’assurer la mise à niveau continue des personnes formées : veille sur les actualités nécessitant un renforcement de capacités, mise en œuvre des thèmes adéquates.

F : Quels thèmes devraient être traités dans ce cursus ? Quelle forme pourrait-il prendre ?
MR :
La formation pourra être itinérante et en alternance. Les thèmes doivent toujours tourner autour de la pérennisation de l’association en associant la culture politique agricole. Il pourra s’agir d’un apprentissage alliant formations « classiques » et accompagnement dans l’action grâce à un système de « parrainage ». Selon la nature des services rendus par la structure (services non marchands ou services économiques) le cursus pourra comporter quelques variantes.

F : Quelle est aujourd’hui l’implication des femmes dans les fonctions de responsables professionnelles ? Faut-il imaginer des actions spécifiques de formation pour favoriser l’émergence de plus de femmes leaders ? _MR : Les femmes paysannes sont encore peu impliquées dans les fonctions de responsables professionnelles (moins de 30%). Des actions spécifiques de formation pourront favoriser l’émergence de plus de femmes leaders : les actions visant un meilleur accès aux moyens de production et une meilleure gestion de temps ; facilitation de l’accès aux services financiers ; appui de services juridiques consultatifs pour permettre aux femmes de défendre leur droits.

F : Fifata a mis en place 4 collèges agricoles pour former des jeunes au métier d’agriculteur, ces collèges peuvent-ils contribuer à l’émergence d’une relève ?
MR :
Aujourd’hui, en partenariat avec Fert, nous avons mis en place quatre collèges agricoles qui vont former des jeunes au métier d’agriculteur. Au fait des réalités quotidiennes du monde agricole, et ayant un degré d’instruction plus élevé de par leur formation, ces jeunes constituent un vivier de futurs leaders. C’est là même notre ambition !

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