Pour cette première, nous vous proposons un entretien avec les Docteurs Kouamé Miézan et Toufic El Asmar, consultants auprès de la FAO sur le “projet d’amélioration de la production du riz en Afrique de l’Ouest en réponse à la flambée des prix alimentaires ».
Inforiz: Bonjour, Docteurs, vous êtes consultants auprès de la FAO et vous travaillez au sein du projet sur « l’amélioration de la production de riz en Afrique de l’Ouest en réponse à la flambée des prix des denrées alimentaires ». Pouvez nous en dire plus sur ce projet?
Docteur Miézan: Ce projet s’articule autour du concept de « Système de production intégrée et durable (SPID) » basé sur une optimisation de la chaîne des valeurs du riz et une exploitation optimale des synergies potentielles avec toutes les initiatives sur le développement du riz, à travers des partenariats ciblés et une meilleure utilisation des ressources. La nécessité de développer un concept particulier pour la mise en œuvre du projet vient du fait qu’il s’agit d’un projet de courte durée (28 mois !) et à budget très limité couvrant 5 pays, le Mali, la Côte d’Ivoire, la Mauritanie, le Niger et le Sénégal.
Le projet vise principalement à accroître la production rizicole à travers des appuis techniques et un renforcement des capacités des acteurs de la filière, en particulier ceux des secteurs de la production des semences et du paddy, de la transformation et de la distribution/commercialisation, tout en insistant particulièrement sur les groupes vulnérables que sont les petits producteurs, les femmes et les petites entreprises privées.
Inforiz: Une part importante du projet est consacrée aux semences, pourquoi ce choix?
Docteur Miézan: La démarche n’est pas basée sur une priorité accordée aux semences. Elle reconnaît simplement l’importance de la semence dans la chaîne des valeurs du riz et du rôle important qu’elle joue dans l’optimisation de cette chaîne. En Afrique, il est largement reconnu par tous qu’un important facteur limitant de l’accroissement des productions de denrées alimentaires (dont le riz) en Afrique est la disponibilité de semences de qualité et leur accès par le producteur. Il faut également noter que la semence constitue en elle seule une « filière ».
Inforiz: Comment le projet s’insère-t-il dans les politiques agricoles nationales des pays bénéficiaires? Notamment des mesures de soutien à court terme prises par les gouvernements suite à la crise de 2008?
Docteur Miézan: Un des effets de la crise de 2008 est l’accélération de développement de stratégies nationales de sécurité alimentaire par les différents gouvernements, lesquelles stratégies se situent dans le cadre des politiques agricoles nationales. Il se trouve que dans les pays participants au projet, le riz constitue une denrée majeure dans leurs stratégies nationales respectives de sécurité alimentaire. C’est pourquoi la mise en œuvre du projet se fait dans le cadre des stratégies nationales de sécurité nationale. En effet, bien que le projet soit régional, sa mise en œuvre est réalisée dans chaque pays bénéficiaires à travers des composantes nationales élaborées sur la base des spécificités et des priorités de chaque pays.
Inforiz: Comment comptez-vous procéder et quels sont les résultats attendus?
Docteur El Asmar: Le renforcement des capacités se fera à travers la formation, la réhabilitation/acquisition d’infrastructures et d’équipements de production (semences et paddy) et de transformation, et la mise en réseau des acteurs pour plus de durabilité.
La formation des producteurs/productrices, aussi bien pour la production de semences que pour la production de paddy se fera essentiellement par la méthode des champs écoles des producteurs (CEP), en étroite collaboration avec le projet GIPD de la FAO – Gestion intégrée de la production et des déprédateurs (là où le projet est en cours). Le projet GIPD développera éventuellement de nouveaux curricula de formation en fonction des nouvelles composantes technologiques (utilisation de semences de qualité, utilisation optimale des engrais et les opérations de récolte et post-récolte).
La réhabilitation/acquisition d’infrastructures et d’équipements concernera essentiellement entre autres, des magasins de stockage, des aires de séchage, des batteuses-vanneuses, des rizeries et du matériel d’étuvage là où cela est indispensable.
Les appuis techniques porteront essentiellement sur l’acquisition et la mise à disposition à crédit des intrants (engrais et semences) pour la constitution des fonds de roulement au remboursement, la production de semences (prébases, bases et certifiées), la consolidation ou la formulation de politique semencière nationale, la production de paddy, la transformation et la commercialisation/distribution.
Inforiz: Quelles actions sont menées par le projet ?
Docteur El Asmar: Les principes directeurs de la mise en place du projet sont principalement:
1. Promotion de la participation des femmes à la mise en œuvre du projet, en particulier en riziculture pluviale et en riziculture de bas-fonds où les femmes assurent déjà une partie importante de la gestion des exploitations et pour lesquelles elles ont une expérience avérée
2. Préférence accordée à l’approche participative avec les acteurs principaux du développement rizicole, en particulier les bénéficiaires potentiels du projet
3. Priorité accordée aux pratiques et technologies déjà connues et dont l’efficacité a été démontrée dans chacun des pays
4. Les zones du projet doivent être bien ciblées et caractérisés, et en nombres très raisonnables pour assurer une grande efficacité dans la mise en œuvre du projet et garantir son succès
5. Le projet doit s’appuyer sur les systèmes de production et cibler des interventions pouvant déboucher sur des impacts significatifs à court terme (durée du projet)
Donc les activités seront:
- Assistance technique au Système national de recherche et de vulgarisation agricole, aux ONG, aux organisations paysannes et aux acteurs du secteur privé pour la production de semences de prébase, de semences de base et de semences certifiées pour les trois principales écologies de riz dans les cinq pays cibles et aussi dans le domaine des technologies post-récolte et de la commercialisation. Il s’agira notamment de mettre en place ou de renforcer des associations nationales de semences, en rapport avec les systèmes d’information sur le commerce des semences, de renforcer les capacités des pays à travers une politique semencière et une réforme de la législation ou une mise en œuvre et une formation sur les pratiques et procédures de contrôle de la qualité des semences, de renforcer des capacités des instituts nationaux de recherche et des entreprises semencières privées sélectionnées pour produire des semences de bases et de semences sélectionnés, en mettant en rapport les producteurs de semences avec les producteurs de riz, et les fournisseurs d’autres intrants
- Assistance technique aux organisations gouvernementales, organisations paysannes, au secteur privé et aux ONG pour se procurer et distribuer des engrais minéraux pour les trois écologies de riz (pluviale, bas-fonds et irrigué)
- Promouvoir entrepreneuriat privé dans la région, par l’identification des meilleurs producteurs de semences de base et de semences certifiées dans ces pays et faciliter la création de liens d’affaires entre eux par la création ou le renforcement de l’Association Nationale de Semenciers
- Le choix (caractérisations) des sites du projet dans les 5 pays participants se fera sur la base des critères suivants : de l’accessibilité du site; Les écologies rizicoles prioritaires du pays ; Le cadre organisationnel et opérationnel existant des producteurs (coopératives, OP, etc.) ; La disponibilité de technologies adaptables au site ; La présence d’un projet GIPD dans le site (dans les pays où se trouve déjà un projet GIPD [[Gestion Intégrée de la Production et des Déprédateurs des cultures – Projet de la FAO]], la priorité sera accordée aux sites utilisés par GIPD) ; Le nombre d’appuis projets dont bénéficie déjà le site (priorité sera accordée aux sites ne bénéficiant pas de ces appuis).
- Le programme GIPD intègre déjà dès le début du projet les aspects de qualité et d’approvisionnement en semences au niveau des pays avancés en la matière, tels que le Mali, le Sénégal et dans les nouveaux pays GIPD tels que la Mauritanie, le Niger et la Cote d’Ivoire.
Outre qu’il devrait capitaliser sur le savoir-faire traditionnel des producteurs dans le domaine rizicole, le projet devra également prendre en compte les acquis (technologies agricoles, expérience scientifique, technique et pédagogique) engrangés par les systèmes nationaux et internationaux de recherche et de développement agricole, et aussi les projets antérieurs ou en cours de la FAO (ex. GIPD). Ceci dans le but de minimiser les coûts de transaction, les temps de latence et d’optimiser la valorisation des connaissances et technologies éprouvées disponibles dans le but d’atteindre rapidement les objectifs visés par le projet.
Inforiz: Le projet repose en partie sur une amélioration de la qualité du riz: comment cette question est-elle perçue par les acheteurs et le consommateurs ?
Docteur Miézan: Du riz de qualité basée sur les critères de préférence des consommateurs rend le commerce du riz local plus rentable et compétitif avec le riz importé. D’autre part, un commerce dynamique et efficace du riz local peut constituer la locomotive du développement de la production rizicole de manière durable. Ce concept est bien partagé et apprécié par les acheteurs et les consommateurs, dans la mesure où chacun y trouve son compte. D’ailleurs chacun des acteurs de la chaîne y compris les producteurs semenciers, les producteurs de paddy, les transformateurs (riziers), les commerçants/distributeurs et les consommateurs y trouve son compte à la fin
Inforiz:: La qualité seule est-elle suffisante pour concurrencer le riz importé ?
Docteur Miézan: En plus de la qualité, il faut que le riz produit localement ait un prix abordable sur le marché. Cela passe aussi par une réduction des coûts de production du riz par les riziculteurs et une amélioration significative de la productivité.
Inforiz:: Le projet prévoit aussi la mise en œuvre d’un système d’information pour la commercialisation, pouvez-vous nous en dire plus?
Docteur El Asmar: En ce qui concerne le système d’information pour la commercialisation, le projet prévoit l’installation d’un système pilote qui devra capitaliser les systèmes pré-existants dans les pays. Dans ce cadre la Côte d’Ivoire a été choisi comme site pilote grâce à l’expérience du système le Cyber-Semences qui servira comme plate-forme de lancement d’un SIM plus efficace et durable.
Inforiz: Quels sont vos principaux partenaires/bénéficiaires?
Docteur El Asmar: Au niveau de chaque pays, les bénéficiaires directs sont les petits producteurs/productrices (avec une attention particulière à l’aspect genre), les structures nationales de recherche et de développement agricole et les ONG. Par delà les petits producteurs (notamment ceux organisés en coopératives ou autres OP), ce sont toutes les catégories de la séquence production, transformation, commercialisation et consommation, de même que les associations professionnelles et interprofessionnelles, et les ONG concernées par le développement du riz dans les différents pays participants qui devraient bénéficier à terme des retombées économiques et sociales du projet.
Ainsi, la mise en œuvre du projet impliquera les Gouvernements, les systèmes nationaux de vulgarisation et de recherche agricole, les ONG locales et internationales, les acteurs du secteur privé, AfricaRice, les organisations communautaires et autres groupes concernés.
Inforiz: Où se situe l’avancement du projet dans les différents pays ?
Docteur Miézan: Officiellement le projet au niveau régional a débuté en Septembre 2010 et (Niger 30 Novembre 2010; Mauritanie 10 Février 2011; Sénégal 23 Février 2011; Mali 23 Avril 2011) En ce qui concerne la Côte d’Ivoire le lancement des activités du projet a été officialisé le 4 Aout 2011. Étant donné le démarrage assez tardif du projet dans les différents pays participants, l’état d’avancement peut être résumé dans les points suivants: – Organisation des ateliers nationaux de lancement du projet – Mise en place des équipes de terrain dans les pays – Développement de partenariats productifs – Peaufinement des activités des composantes nationales du projet – Choix et caractérisation des sites du projet – Choix des organisations paysannes – Formations diverses pour renforcement des capacités des acteurs – Mise en place des campagnes agricoles – Mise à jour des documents sur l’état des lieux de la riziculture dans les pays du projet
Pour de plus amples informations, se reporter au site du projet:
http://www.fao.org/ag/spid