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publié dans Ressources le 8 janvier 2009

Cadre juridique des OIP : Cas de l’AIC

René Vodounon-Djegni

CotonOrganisations interprofessionnellesBénin

Janvier 2009. – 5 p.

Introduction

Les organisations interprofessionnelles sont de création récente en Afrique. Particulièrement au Bénin, elles doivent leur existence à la Lettre de Déclaration de Politique de Développement Rural (LDPDR) du 31 mai 1991 par laquelle l’Etat a opté « pour le renforcement des actions des producteurs par le désengagement d’un certain nombre d’activités que sont la production, la commercialisation et la transformation. Il transfère ces compétences aux privés et aux organisations paysannes ».
Aussi, l’Etat béninois s’est-il engagé à favoriser « la mise en place d’instances de concertation pour améliorer la gestion des filières à l’instar du Comité Interprofessionnel du Coton ».
En l’absence d’un cadre juridique spécifique auxdites instances de concertation, les familles professionnelles de la filière coton ont pris l’initiative de mettre en place une organisation interprofessionnelle dénommée « Association Interprofessionnelle du Coton (AIC) », régie par la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association.
Ensuite, outre certaines lois applicables aux produits agricoles et aux activités du secteur agricole, plusieurs décrets ont été pris dans le cadre de l’homologation des prix de cession des intrants agricoles et du coton graine, la mise en place d’un cadre transitoire de gestion de la filière coton et la définition d’un cadre institutionnel de représentation des acteurs de la filière coton au sein de l’AIC.
Mais, l’un des traits caractéristiques d’une interprofession qu’on ne retrouve ni dans la loi 1901, ni dans ces différents décrets, c’est la possibilité d’étendre aux non signataires les effets des accords interprofessionnels. Cette extension fondée, selon les interprofessions en France, sur les principes de représentativité, de parité et d’unanimité, a pour objectif de permettre « qu’aucune profession membre de l’interprofession ne se sente lésée et que les accords conclus soient réellement respectés et mis en oeuvre ».
En outre, l’organisation interprofessionnelle doit être reconnue comme telle par la puissance publique afin de garantir l’unicité d’une interprofession par filière agricole, de réglementer la procédure d’extension des accords interprofessionnels et de contrôler la gestion des interprofessions en fonction surtout des fonds publics qu’elles sont appelées à gérer.
L’absence de ces règles dans le dispositif de l’AIC n’a pas permis à cette interprofession de jouer pleinement son rôle, celui de se consacrer au développement de la filière coton.
Aux termes des dispositions de l’article 9 de l’accord-cadre entre l’Etat et l’Interprofession de la filière coton signé le 20 décembre 2004 et homologué par décret n°2005-41 du 02 février 2005, « l’Etat reconnaît l’Interprofession du coton comme l’organisation interprofessionnelle de la filière tant qu’elle réunit des organisations représentatives des familles professionnelles et, notamment, des producteurs, des égreneurs et distributeurs d’intrants ». Mais, cet accordcadre fut rompu par décret n°2007-238 du 31 mai 200 7 portant définition et organisation du cadre de gestion transitoire de la filière coton.
Ainsi, malgré l’existence de l’AIC, l’intérêt que l’Etat continue de manifester pour la gestion de la filière coton démontre que le cadre juridique actuel de cette filière n’est pas en adéquation avec la politique agricole de l’Etat (II). Mais, cette immixtion récurrente dans la gestion de la filière coton peut aussi être du fait de la place des organisations interprofessionnelles dans la politique agricole de l’Etat après son désengagement (I).

I. LA PLACE DES ORGANISATIONS INTERPROFESSIONNELLES DANS LA POLITIQUE AGRICOLE DE L’ETAT

Suite à la signature, en 1991, de la Lettre de Déclaration de Politique de Développement Rural (LPDR) marquant le désengagement de l’Etat d’un certain nombre de ses fonctions et l’implication du secteur privé et des organisations paysannes (OP) dans le développement agricole, le Bénin a adopté en décembre 1998, le Document de Politique de Développement Rural (DPDR).
Ce document, réajusté en juillet 2000, a pour objectif de préciser le contenu et les conditions de désengagement de l’Etat des fonctions de production, de transformation et de commercialisation des produits agricoles.
Il prévoit la définition d’un Plan stratégique opérationnel (PSO) sur la base duquel sera élaboré un Plan d’actions lequel « sera instruit … au niveau des différents départements du pays où les acteurs seront invités à préciser, dans la concertation, les stratégies sous sectorielles et à définir les actions à mettre en oeuvre et à soutenir par une loi-cadre d’orientation de l’agriculture ».
Aux termes du DPDR, outre les principaux acteurs envisagés que sont l’Etat, les Collectivités locales, les structures privées composées des Organisations Professionnelles Agricoles (OPA), des Organisations Non Gouvernementales (ONG), des Sociétés privées et les partenaires techniques et financiers, il a été prévu, au niveau des adaptations organisationnelles, que l’Etat, dans le souci de renforcer la concertation entre les différents acteurs, jouera un rôle de médiation permanent et :

  • mettra en place, aux niveaux national et départemental, un cadre de concertation entre l’Administration du Développement Rural et la représentation professionnelle agricole ;
  • instaurera, au niveau local, des cadres de concertations permanents entre les différents acteurs (Administration, OPA, ONG, autres acteurs, etc.) en vue d’une plus grande synergie et complémentarité des actions et des moyens, notamment ceux déployés pour la promotion des organisations paysannes ;
  • favorisera la mise en place d’instances de concertation pour améliorer la gestion des filières à l’instar des Comités Interprofessionnels du Coton.

Lesdites instances de concertation, comparées aux « Comités interprofessionnels du Coton » pour donner une vision du cadre institutionnel de la filière coton, n’ont jamais été mises en place, encore moins les modalités de leur création et de leur fonctionnement.
Dans le cas de l’AIC créée suivant la loi 1901 à l’initiative des organisations professionnelles, l’Etat a accompagné ses membres par l’adoption du décret portant transfert au secteur privé de la responsabilité de l’organisation des consultations pour l’approvisionnement en intrants agricoles et du décret portant suppression du monopole de la commercialisation primaire du coton graine par la SONAPRA13 au Bénin.
Ensuite, d’autres décrets ont été pris, notamment les décrets14 portant définition du cadre institutionnel de représentation des organisations professionnelles au sein de l’Interprofession de la filière coton.
Ces actes réglementaires supposent tout au moins que l’Etat n’est pas contre la gestion des filières par des organisations interprofessionnelles. Toutefois, on note que le cas de l’AIC est unique dans le secteur agricole au Bénin, étant donné qu’aucune autre interprofession n’a vu le jour ou n’est aussi organisée qu’elle. On estime que depuis l’adoption, en 1998, du Document de Politique de Développement Rural (DPDR), d’autres filières agricoles auraient pu être mises en place.
Mais, il n’existe pas, outre ces actions de facilitation de la gestion de l’Interprofession, de document exprimant l’idée d’une interprofession ou le point de vue de l’Etat sur les interprofessions. Cette absence d’intérêt au schéma interprofessionnel est certainement due au peu de place que cette forme d’organisation occupe dans le DPDR qui, pourtant, servira de fondement à l’élaboration d’un cadre juridique adéquat.

II. LA NECESSITE D’UN CADRE JURIDIQUE EN ADEQUATION AVEC LA POLITIQUE AGRICOLE DE L’ETAT

La politique de l’Etat, relativement à ce que le DPDR a appelé « adaptations organisationnelles », est d’être un acteur non négligeable dans la gestion des activités agricoles.
Cela se lit aisément à travers les expressions : « rôle de médiation permanent », « mettra en place … un cadre de concertation entre l’Administration et la représentation professionnelle agricole », « instaurera … des cadres de concertations permanents entre les différents acteurs », et « favorisera la mise en place d’instances de concertations… ».
L’Etat s’est ainsi engagé à mettre en place un cadre juridique favorable à la création et au fonctionnement des organisations interprofessionnelles. Mais, ce dispositif n’a jamais été mis en place ; ce qui a amené l’AIC à choisir un statut associatif.
Ce statut n’a pas permis de régler les questions de reconnaissance et d’extension des accords interprofessionnels, malgré l’accord-cadre entre l’Etat et l’Interprofession de la filière et les décrets définissant la représentativité des acteurs au sein de ladite Interprofession. Au contraire, le cadre juridique s’est compliqué avec l’innovation intervenue dans la constitution d’une association15 loi 1901 : aucune organisation professionnelle ne peut être membre de l’AIC tant que sa représentativité n’ait été définie par décret.
Bien qu’une association loi 1901 soit d’initiative privée et fondée sur l’autonomie de la volonté, le statut de membre de l’AIC est désormais défini par voie réglementaire. Dans ces conditions, l’abrogation des décrets définissant le cadre de représentativité des organisations professionnelles au sein de l’AIC, comme ce fut le cas de bien d’autres décrets dont celui portant homologation de l’accord-cadre entre l’Etat et l’AIC, n’entraînerait-elle pas la dissolution de cette association ?
Aucun de ces textes n’est susceptible de sécuriser, ni d’attirer les investissements privés dans le secteur agricole : le DPDR demeure un document de politique aux contours encore imprécis sur les interprofessions ; les décrets définissant le cadre institutionnel de représentation des organisations professionnelles au sein de l’AIC ne sont pas en adéquation avec le principe constitutionnel de la liberté d’association, de sorte que leur abrogation emporterait ipso facto la dissolution de l’AIC ; en ce qui concerne l’accord-cadre, il devrait être possible aux contractants de contrôler, entre autres, les conditions de sa mise en oeuvre et de sa résiliation. Ce qui n’est pas encore le cas. Ces différents actes ne s’inscrivent pas dans une réflexion cohérente en vue de doter la filière d’un cadre juridique adéquat.
Comme disait le philosophe Sénèque, « il n’y a pas de vent favorable pour celui qui ne sait où il va ». Le DPDR constitue le cadre de référence générale pour le développement du secteur agricole au Bénin. Et, dans la stratégie de sa mise en oeuvre, il a été prévu l’élaboration d’un plan stratégique puis d’un plan d’actions à soutenir par une loi cadre d’orientation de l’agriculture. Si ces différentes étapes ont pu être franchies, conformément au DPDR, il y a, tout de même, à craindre que la dernière étape relative à la loi d’orientation agricole, ne fasse pas cas des organisations interprofessionnelles.
Or, une approche comparative de la question permet de noter que la France, outre l’adoption d’une loi d’orientation agricole, dispose d’une loi spécifique, celle du 10 juillet 1975 relative à l’organisation interprofessionnelle agricole.
En Afrique, le cadre de développement de l’agriculture, au Sénégal, est régi par la loi d’orientation agro-sylvo-pastorale du 04 juin 2004 ; au Mali, le gouvernement a promulgué une loi d’orientation agricole du 14 décembre 2005. Ces différentes lois ont consacré la responsabilité des organisations interprofessionnelles agricoles dans la gestion et le développement des filières agricoles.

Conclusion

En tout état de cause, on ne peut concevoir, dans le secteur agricole, de cadre juridique des organisations interprofessionnelles en l’absence d’une politique d’orientation agricole. La politique agricole du Bénin consiste, entre autres, à faire la promotion des filières et à faciliter la mise en place des instances de concertation. Mais, la loi 1901 ne résout pas les principales préoccupations d’une organisation interprofessionnelle. Elle donnerait même lieu à la prédominance d’une organisation professionnelle sur une autre à défaut de contrôles, entre autres, des principes de parité, de représentativité et d’unanimité.
Toutefois, d’autres dispositions légales peuvent venir combler les vides qu’elle a laissés. Il en est ainsi de la reconnaissance de l’AIC comme interprofession de la filière coton désormais consacrée avec la signature d’un nouvel Accord-cadre du 07 janvier 2009. Bien qu’il s’agisse d’une avancée remarquable dans la mise en place d’un cadre juridique pour régir les activités cotonnières, les esprits avisés seraient davantage rassurés si ce document avait été pris dans le cadre d’une loi soit d’orientation agricole, soit d’une loi sur les interprofessions agricoles

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