Au Ghana, le processus d’urbanisation et la commercialisation des terres progressent à un rythme soutenu, aux dépens du développement agricole. Cette tendance exige de procéder à une planification adéquate de l’utilisation des terres, qui relève aujourd’hui des autorités traditionnelles et des gouvernements locaux.
La population du Ghana augmente de 2,2 % chaque année et devrait atteindre le seuil des 40 millions d’ici 2035. En 2019, près de 56,1 % des Ghanéens vivaient en ville. L’urbanisation affecte grandement les espaces agricoles. Autrefois, un étranger pouvait facilement acquérir des terres rurales afin de les cultiver. Aujourd’hui, elles sont difficiles d’accès, du fait de l’urbanisation, de la commercialisation, de l’industrialisation, du développement des infrastructures et de la mauvaise planification de l’utilisation des terres par les gouvernements locaux et les autorités chargées de l’aménagement du territoire. Les villes proches d’Accra, comme Kasoa (région du Centre), Aburi (région Orientale) ou Dodowa (Grand Accra), connaissent une urbanisation rapide et perdent en surface agricole. Il est donc nécessaire de planifier l’utilisation des terres judicieusement afin de répondre aux besoins en logements et en sécurité alimentaire.
Les terres agricoles sous pression. Non seulement l’urbanisation, alimentée par la demande croissante en logements, mais aussi l’industrialisation menacent les terres agricoles. Le projet “One District One Factory” (1D1F), lancé en 2017 dans le cadre du programme d’industrialisation pour garantir la présence d’au moins une usine dans chaque district afin d’y créer de l’emploi, requiert de l’espace pour la construction d’infrastructures et compromet les terres agricoles. Il est donc essentiel que l’industrialisation et le développement agricole soient intégrés : les usines agro-alimentaires devraient servir à la fois à la production alimentaire et aux activités industrielles, comme le veut la politique “Planting for Food and Jobs”.
Un défi pour les gouvernements locaux. Planifier l’utilisation des terres consiste à établir des communautés saines pour assurer le développement socio-économique efficace d’une région. Il s’agit donc de définir des politiques et des activités qui garantissent une utilisation plus économique des terres afin d’assurer un développement durable. Les demandes en terres à différentes fins (agriculture, industrie, pâturage, foresterie, tourisme, immobilier, loisirs, etc.) sont considérables et exigent un aménagement du territoire efficace. Le Ghana compte 260 assemblées de district, mais leurs pouvoirs, ressources et fonctions sont essentiellement centralisés. Le régime foncier ghanéen est complexe. Près de 80 % des terres sont gérées par les autorités coutumières, qui décident à qui les attribuer sans tenir compte de l’utilisation visée. Ces assemblées sont reconnues comme étant en charge de l’aménagement au niveau local par la Local Governance Act, 2016 (loi 936) et la Land Use and Spatial Planning Act, 2016 (loi 925) et doivent s’occuper de l’élaboration des plans de développement et du zonage des districts afin de prévoir l’utilisation des terres et d’identifier les zones propices à l’agriculture, la foresterie, l’industrie et la commercialisation. Elles n’ont cependant ni le pouvoir, ni la volonté politique d’approuver et réguler l’utilisation des terres au niveau local. Au vu de la pression croissante, le gouvernement local doit imaginer et planifier le développement territorial du pays.
Pour une planification de l’utilisation des terres judicieuse. La commercialisation abusive des terres au profit de l’urbanisation et de l’industrie affectera le développement agricole rural et la sécurité alimentaire, mais aussi les ressources naturelles et l’écosystème (déforestation, perte de biodiversité). Beaucoup de terres perdront de leur valeur si le gouvernement local et l’autorité chargée de l’aménagement du territoire n’en contrôlent pas la vente et l’utilisation. Il faut donc que les autorités traditionnelles et le gouvernement local coopèrent pour l’attribution des terres : les responsables et les propriétaires ne devraient pas vendre leurs terres sans tenir compte du plan d’aménagement établi par le gouvernement local. La planification de l’utilisation des terres doit intégrer le fait que certaines zones ne sont pas propices à l’agriculture et les réserver au logement, aux infrastructures, au transport ou aux usines. L’agriculture doit être prise en compte : le processus d’urbanisation ne pouvant être inversé, le gouvernement local doit assigner des terres à l’activité agricole urbaine. Si celle-ci venait à disparaître, il sera impossible d’assurer la sécurité alimentaire et d’éradiquer la faim d’ici 2030.
Felix Amakye est professeur à l’Institute of Local Government Studies du Ghana.
Nicholas Awortwi dirige l’Institute of Local Government Studies du Ghana.