Depuis 2011, l’Union des groupements pour la commercialisation des produits agricoles de la Boucle du Mouhoun (UGCPA/BM) s’est dotée d’une politique agro-environnementale ; ses premiers responsables nous précisent ici ses objectifs.
Nonyeza Bonzi est président de l’Union des groupements pour la commercialisation des produits agricoles de la Boucle du Mouhoun (UGCPA/BM).
Soumabéré Dioma est secrétaire exécutif de l’UGCPA/BM.
Les entretiens ont été réalisés par Jade Productions (réseau des Journalistes en Afrique pour le Développement), une association professionnelle de journalistes spécialisés dans la production multimédia, l’édition, la communication pour le développement et la formation.
Jade productions : L’UGCPA/BM s’est dotée d’une politique agro-environnementale en 2011, pouvez-vous nous dire de quoi il s’agit exactement ?
Soumabéré Dioma (SD) : La politique agro-environnementale est un texte de quelques pages qui donnent les grandes orientations que se donne notre organisation pour faire évoluer les pratiques agricoles de ses membres. Il s’agit d’alerter nos membres sur la nécessité de prendre conscience des liens entre nos activités agricoles et leurs impacts sur l’environnement, de changer de comportements et de trouver des idées ensemble pour mieux exploiter la terre et la protéger pour les générations futures afin qu’eux aussi gagnent leur pain là-dedans.
L’UGCPA/BM
C’est une organisation paysanne créée en 1993 et basée à Dédougou dans la région de la Boucle du Mouhoun au Burkina Faso. Elle collecte et commercialise plus de 2000 tonnes de produits agricoles (maïs, sorgho, mil, niébé, bissap) par an avec près de 2500 producteurs et productrices. L’organisation propose différents services à ses membres : commercialisation de leurs excédents céréaliers ; approvisionnement en engrais minéraux, en semences certifiées, en plants de l’arbre Faidherbia Albida et en matériel agricole ; appui à l’achat de petits ruminants ; conseil à l’exploitation familiale.
Jade productions : Comment vous est venue cette idée d’élaborer une politique agro-environnementale ?
SD : Il est certain que chaque membre a pu constater sur les champs que nous exploitons depuis notre enfance que les rendements sont en train de baisser. On a ainsi remarqué que la terre n’est plus aussi fertile et que cela est dû au comportement de l’homme visà- vis de la nature et à l’utilisation de produits phytosanitaires. C’est par rapport à ce constat chez nos membres — les changements que subit l’environnent sont liés aux hommes et à leurs activités — que nous, responsables de l’Union, avons trouvé important d’entreprendre quelque chose dans ce sens.
Nonyeza Bonzi (NB) : Le but de notre structure est de faire en sorte que ses membres puissent bien produire et vendre afin d’avoir des revenus. Mais nous nous sommes dit que pour que nous ayons le succès escompté, nous avons besoin d’une méthode de travail qui puisse permettre aux agriculteurs de rentabiliser les activités de leur exploitation agricole tout en préservant la terre. Parce que si on n’y prend pas garde, on peut cultiver une terre aujourd’hui et avoir des difficultés demain.
SD : Dans toute union il faut privilégier la concertation. En octobre 2011, on a décidé de se rencontrer pour échanger sur les enjeux agro-environnementaux de notre localité : le maintien de la fertilité, l’utilisation rationnelle des produits phytosanitaires, la promotion de l’agriculture biologique ou la récupération des sols dégradés. Ainsi, on a convoqué une Assemblée Générale sur ces questions et elle a adhéré à l’initiative. Notre Union va donc œuvrer pour que ces idées puissent se concrétiser, pour que les agriculteurs puissent travailler correctement et rentabiliser leurs efforts sans détruire la nature et que l’Union en bénéficie en ayant beaucoup de produits agricoles à commercialiser.
Jade productions : Concrètement, comment se traduit cette politique agro-environnementale pour vos membres ?
NB : Tout le travail de notre politique agro-environnementale repose d’abord sur la sensibilisation. Avec la fondation Farm, les membres ont reçu des formations, sous la forme de visites d’échanges, sur le conditionnement de la fumure organique pendant la saison hivernale et sur les fosses fumières. Il y a eu également des subventions partielles (à hauteur de 75 %) pour les producteurs pour l’acquisition de charrettes pour transporter la fumure organique : chaque année, nous mettons sur pied une stratégie qui nous permet de choisir des agriculteurs auxquels nous attribuerons une aide dans l’acquisition de ce matériel. Ces critères visent à cibler des producteurs livrant des quantités relativement faibles de céréales à l’OP, afin de permettre à des petits et moyens producteurs d’avoir accès à du matériel, et non à des producteurs déjà bien équipés. Il est évident que tout le monde ne peut recevoir cette aide le même jour. Mais pour que les activités marchent, il est important d’aider les agriculteurs et agricultrices à comprendre les enjeux environnementaux et de leur permettre de mettre en œuvre ce qu’ils auront appris lors des formations. Cela facilitera l’adhésion des autres agriculteurs à ces bonnes pratiques (utilisation de fumure organique, plantation d’arbres, etc.) et répandre ces connaissances un peu partout. Nous travaillons aussi avec l’African Conservation Tillage Network (ACT Afrique de l’Ouest) avec qui nous faisons un travail sur l’agriculture de conservation. Nous avons également reçu un appui technique et financier de l’Union des producteurs agricoles – Développement international (UPA-DI) du Québec qui a permis d’aider 550 personnes à planter des Faidherbia albida, des arbres qui permettent de régénérer les sols dégradés. Qui parle d’animaux, parle de fumier. C’est ainsi que 1 200 producteurs et productrices ont aussi été dotés en petits ruminants afin qu’ils puissent produire de la fumure organique à partir de leurs excréments. Nous avons reçu un appui au niveau des biodigesteurs qui lorsqu’on y met des excréments d’animaux produisent du gaz qui est utilisé pour la production d’électricité. Ce n’est plus le carburant ou une batterie qui produit l’électricité ! C’est seulement le fumier qui produit l’électricité.
La politique agroenvironnementale de l’UGCPA/BM
- Objectif : amener les membres actuels et futurs de l’UGCPA/BM à adopter des pratiques agricoles qui permettent d’accroitre de façon durable la production agricole et à améliorer de façon substantielle et équitable leur revenu ;
- Activités : promotion de pratiques de gestion de la fertilité des sols (fumure organique, culture de légumineuses, jachère améliorée et rotation/ association de cultures, paillage, engrais verts), de pratiques de récupération des terres dégradées (cordons pierreux, plantation d’espèces végétales fixant l’azote), d’une utilisation maîtrisée des produits phytosanitaire et de l’agriculture biologique ;
- Moyens : développement de l’éducation environnementale (actions d’information, de sensibilisation et de formation, voyages d’échange, journées promotionnelles) et mesures incitatives (facilitation d’accès des producteurs à du matériel de production via le crédit et/ou une subvention, primes pour les producteurs et productrices adoptant des pratiques exemplaires).
Jade productions : Collaborez-vous avec d’autres acteurs pour améliorer les pratiques agricoles des agriculteurs et comment faites-vous pour financer toutes ces activités ?
SD : La terre et ses rendements n’appartiennent pas à une seule personne. On peut cultiver quelque chose à Dédougou qui pourra se retrouver à Dori pour être consommée. Donc il faut travailler avec d’autres acteurs du domaine. On organise beaucoup de rencontres avec les agents de l’environnement par rapport à la plantation des arbres qui fertilisent le sol. Nous avons mis en place une pépinière que, eux-mêmes, viennent visiter de temps en temps. En tout cas, il y a une franche collaboration entre nous. Pour ce qui concerne l’élevage on a travaillé avec les agents de l’élevage sur le biodigesteur et la formation des femmes sur les techniques de l’élevage. Pour y arriver il faut mettre les idées ensemble et disposer des moyens nécessaires. Comme cela a été dit avant, des partenaires techniques et financiers appuient l’Union sur la base de critères objectifs incluant la participation financière des membres à financer l’acquisition de matériel. Nous réfléchissions aujourd’hui à la mise en place d’un fonds de garantie qui soit dédié aux actions liées à notre politique agro-environnementale. Et l’Union s’engage à trouver d’autres partenaires pour continuer à la soutenir dans cette initiative. Jade productions : Quelles sont les difficultés que vous rencontrez dans la mise en oeuvre de votre politique ?
SD : Les difficultés, c’est que les gens ne comprennent pas le problème de la même manière. Les problèmes environnementaux diffèrent aussi d’une commune à une province et d’une province à région. Il faut un travail d’éducation et de conscientisation sur l’environnement pour que les gens comprennent que ce qui arrive de pire ailleurs peut arriver chez nous.
NB : Maintenant, en ce qui concerne les membres de l’Union, ce travail mérite l’investissement de tous ! Parce que nous sommes la première organisation paysanne au Burkina Faso à faire un tel travail.
Des agriculteurs de l’UGCPA/BM lors de la diffusion du film sur la politique agroenvironnementale de l’Union en août 2014 (© Jade Productions)