À l’horizon 2025, les 15 pays de la Cedeao compteront prés de 400 millions d’habitants. Ce contexte de très forte croissance démographique s’accompagne déjà actuellement d’un développement urbain sans précédent qui risque de bouleverser les rapports villes – campagnes en particulier au niveau de la répartition spatiale des populations en faveur des villes.
Ce scénario pose des problèmes de sécurité alimentaire dans la mesure où les « urbains » sont des importateurs nets de produits alimentaires. Par ailleurs, la ville n’est pas seulement un lieu de la concentration de la demande alimentaire, elle est aussi un espace de transformations des modes de vie qui induisent des modes de consommation différenciés et de nouvelles habitudes alimentaires.
Dans ce contexte, on observe depuis une vingtaine d’années une évolution de la production alimentaire en Afrique de l’Ouest, avec notamment une grande diversification des produits présents sur les marchés. Ces filières investissent le secteur marchand et alimentent les villes en produits transformés. Ainsi, l’ancien clivage entre « filières de rente » tournées vers l’export et « filières vivrières » destinées à l’autoconsommation est aujourd’hui remis en question.
Le développement des marchés urbains est donc une opportunité pour les producteurs agricoles d’Afrique de l’Ouest car il peut servir de moteur à l’essor de leurs agricultures en créant des emplois et des revenus. Les organisations paysannes (OP) l’ont bien compris : « Pour soutenir la promotion des paysans, les OP ne doivent pas seulement prendre en considération les aspects de production mais également les aspects liés à la consommation ».
Le passage d’un marché du « tout venant » à un marché de produits transformés, diversifiés et adaptés aux exigences spécifiques de différents segments de la demande comporte de nombreux obstacles pour les petites unités de production malgré les améliorations techniques et technologiques apportées dans le domaine de la transformation pour concevoir des produits alimentaires répondant aux attentes des consommateurs :
- la faiblesse des réseaux de distribution;
- la régularité des produits sur les plans quantitatifs et qualitatifs ;
- le respect des conditions d’hygiène dans le processus de production ;
- le conditionnement et l’information du consommateur ;
- l’image des produits locaux qui restent régulièrement dévalorisés par une majorité de consommateurs par rapport à l’image des produits importés.
Tous ces éléments demandent une grande maîtrise du processus allant de l’approvisionnement en matières premières à la transformation en produits finis et à leur commercialisation. Cette maîtrise reste complexe pour de petites unités de production individuelles ou collectives qui se développent dans un environnement pas très porteur : accès réduit aux crédits d’équipement, équipements pas toujours fiables ou disponibles, infrastructures défectueuses, tracasseries administratives, etc.
Ce secteur de la transformation agro-alimentaire à fort potentiel de développement économique (emplois et revenus) et qui offre des produits alimentaires à un coût accessible, demeure largement informel (micro entreprises) et les métiers qui s’y exercent, essentiellement par des femmes, ne sont pas reconnus (il n’existe pas de statut professionnel pour ces femmes). Ce « sous statut » et l’absence de politique publique de soutien risquent de ne pas lui permettre de faire face à la concurrence des Petites et moyennes entreprises (PME) de l’agro-alimentaire qui se développent de plus en plus en Afrique de l’Ouest.
Le dossier de ce numéro de Grain de sel, consacré à la valorisation des produits locaux pour les marchés ouestafricains, montre que ce secteur est au carrefour de nombreux défis pour alimenter les villes d’Afrique de l’Ouest en ce début du XXie siècle. Mais il cherche également à démontrer que les acteurs sont porteurs d’initiatives, en espérant que leurs échanges et leurs partages soient sources d’innovations et de développement.
Le Gret et la valorisation des produits locaux
ONG de développement solidaire, le Gret fait la promotion, à travers ses projets de terrain et ses missions d’expertise, de modèles de filières agro-alimentaires favorisant la durabilité sociale, économique et environnementale de l’agriculture familiale. Par différentes actions, leur objectif est de resserrer le lien entre offre agricole et demande des marchés locaux et des villes : techniques de transformation, appui à la commercialisation des produits, développement d’études et d’actions sur le marché, organisations et concertations interprofessionnelles, développement de signes de qualité comme les Indications géographiques, etc. Bien évidement, toutes se placent dans le développement d’opportunités pour augmenter les revenus des producteurs et créer de l’emploi en milieux rural et urbain, notamment pour les femmes. Pour plus d’information : http://www.gret.org
La réalisation de ce numéro a été coordonnée par Fanny Grandval (Inter-réseaux) avec un appui important de Cécile Broutin (responsable du Pôle environnement, filières et agricultures familiales — Efa — au Gret) et de Patrick Delmas (membre d’Inter-réseaux, assistant technique Cowi au Reca Niger). Nous tenons à les en remercier !