Les actions des membres institutionnels d’Inter-réseaux sur le thème de la valorisation des produits locaux sont nombreuses et variées. De la publication d’articles spécialisés, à la capitalisation d’expériences, en passant par la mise en oeuvre de projets de développement ou l’animation de débats, en voici un échantillon.
Projet
L’Iram et la valorisation du Jatropha pour les besoins énergétiques
Le projet vise à développer une filière courte d’huile de Jatropha en production paysanne, afin d’alimenter l’électrification et les services énergétiques ruraux, en substitution du gasoil. Le Jatropha est une plante bien connue dans la zone cotonnière du Mali sud, où elle est maintenue comme haie vive. Ses produits sont utilisés pour la fabrication du savon et pour leurs propriétés médicinales. Avec cette initiative commencée en 2008, l’huile de Jatropha est valorisée pour un usage additionnel, celui de carburant utilisable dans les groupes électrogènes et les moteurs dits Lister (procurant une force motrice, en particulier pour les équipements de transformation agricole). La construction d’une nouvelle filière nécessite de travailler de manière concomitante dans plusieurs domaines : agronomique, technique, organisationnel, institutionnel et réglementaire. Il faut ainsi mettre en place de nouveaux outils, de nouvelles pratiques et favoriser le dialogue entre les acteurs afin de sécuriser l’environnement de la filière. Ainsi le projet accompagne les producteurs pour la culture de Jatropha et la gestion collective des fonctions récolte / post-récolte ; met au point des procédés de fabrication d’huile et adapte les moteurs à son utilisation ; il participe à la définition d’une norme de qualité pour l’huile-carburant et d’un protocole de contrôle de cette qualité, en partenariat avec le Cirad et l’Anadeb. Il a installé une unité d’extraction et un laboratoire d’analyse dont il s’agit d’assurer la viabilité et l’appropriation par les opérateurs locaux. Le projet Alterre/Jatroref est mis en oeuvre dans le cercle de Koutiala au Mali en partenariat avec Geres et Amedd (financement UE, FFEM, Total Tate). Pour en savoir plus http://www.jatroref.org
Capitalisation
SNV et Socoprolait au Burkina : un appui qui porte ses fruits
appui qui porte ses fruits Cette présentation fait référence à une fiche capitalisation plus complète de la SNV.
Au Burkina Faso, la SNV développe depuis 2010 un partenariat technique avec la Société coopérative des producteurs de lait (Socoprolait), fédération d’organisations de producteurs de la province du Tuy rassemblant à ce jour 184 membres et plus de 2 000 têtes de bétail. Les axes prioritaires de l’appui technique sont l’amélioration de la production de lait, des performances de son système de collecte, de transformation et de commercialisation ainsi que de la gestion administrative et financière de l’unité de transformation basée à Houndé.
Des résultats en chiffres. Ce partenariat donne aujourd’hui des résultats plutôt satisfaisants. Les quantités de lait collectées ont augmenté de 44,5 %, passant de 24 380 litres pour les deux années 2008 et 2009 à 36 665 litres sur la période de janvier 2010 à octobre 2011. Le nombre d’adhérents à Socoprolait a également augmenté de 23 %, passant à 184 membres.
Des appuis ont été apportés pour améliorer la qualité du lait : rationalisation des circuits de collecte, formation aux bonnes pratiques d’hygiène, instauration de tests systématiques de la qualité du lait cru pour éviter les pertes (elles n’ont pas dépassé 2 % au cours de 2 dernières années). Enfin, le temps de travail des femmes a été raccourci grâce à l’amélioration du matériel utilisé.
À ce jour, Socoprolait dispose d’une meilleure organisation et les capacités de production du lait frais sont accrues. En témoigne les distributeurs plus nombreux qui viennent s’y approvisionner.
Article
Sos Faim en parle dans Défis Sud : « Les producteurs de mil aiment ce pain-là »
D’après l’article rédigé par Mohamed Gueye, Défis Sud nº104, pages 17-19.
Au Sénégal, à côté du riz, le pain est devenu un élément incontournable de l’alimentation locale. Rares sont désormais les repas qui ne sont pas accompagnés d’une baguette de pain. Face à cette demande, de nouveaux produits se développent à base de céréales locales, comme le mil et le maïs sur les étalages de Dakar. Pour enrayer la tendance à l’importation massive de blé, les organisations des boulangers et les producteurs de céréales ont cherché à offrir un produit qui pourait minimiser les importations de blé et valoriser les céréales locales. C’est ainsi qu’est née l’idée de créer le pain Doolé (terme wolof signifiant force).
Un partenariat a été établi entre les différents acteurs de la filière : Mass Gningue, président de l’Organisation des producteurs des céréales, membre de la Fédération paysanne du Sénégal (Fongs), explique que sa structure a établi un accord avec l’Association nationale des transformateurs de céréales locales qui, à son tour, a passé des accords de performance avec les boulangers. L’objectif de départ était d’offrir aux consommateurs un pain de qualité à un coût abordable tout en valorisant la production nationale de céréales. Pour relever ce défi, les producteurs de céréales locales, les transformateurs, les boulangers, ainsi que le partenaire technique, l’Institut de technologie alimentaire (Ita), ont passé un accord de performance. Ainsi, les producteurs s’engagent, par contrat, à produire et à fournir régulièrement une quantité définie de mil et de maïs aux transformateurs. Ils collectent leur récolte, la conditionnent et la stockent dans de bonnes conditions avant de la livrer aux transformateurs. Ces derniers, pour leur part, ont la responsabilité de fournir aux boulangers la préparation spéciale, constituée d’un mélange proportionné de farine de céréale locale et de blé, qui va produire le pain Doolé. Toutes ces techniques sont maîtrisées grâce à l’expertise de l’Ita qui est chargé, dans ce partenariat, de contrôler la qualité de la matière première fournie, ainsi que la valeur nutritive des produits finis. Mass Gningue explique que la Fongs a mobilisé 500 exploitations familiales sur ce programme.
L’ambition des différents partenaires est grande, le pain composé pourrait être vendu sur l’ensemble du territoire national d’ici la fin de l’année prochaine.
Projet
Le Réseau Billital Maroobé et l’Iram ensemble pour la valorisation du lait local au Niger
Le projet accompagne les producteurs pour l’approvisionnement des laiteries de Niamey en lait cru local par un dispositif de centres de collecte multiservices, contrôlés par les éleveurs locaux. Niamey dispose d’un secteur de transformation laitière dynamique en raison d’une forte consommation locale. Elle compte trois unités de transformation laitière de type industriel et plusieurs autres unités de type semi-industriel ou artisanal (mini laiteries).
Les centres de collecte, assurant la réception, le contrôle et le stockage du lait au plus près des producteurs, permettent à la fois de limiter les coûts de transaction, de contrôler la qualité du lait et de sécuriser les débouchés par la contractualisation avec les laiteries. Ils sont également une plateforme de services aux éleveurs : échange d’informations, formations aux bonnes pratiques d’hygiène, achats groupés d’aliments du bétail etc.
Le projet Nariindu est mis en oeuvre par l’Iram, en partenariat avec Billital Maroobé, Aren, les ONG Karkara et VSF-Belgique (financement AFD, CFSI). Pour en savoir plus sur le Réseau Billital Maroobé : http://www.maroobe.org
Point de vue
Revisiter le lien entre consommateurs et paysans
Texte de Gérard Renouard, agriculteur et Président d’Agriculteurs français et développement international (Afdi)
En Afrique de l’Ouest, le doublement de la population d’ici 2030 et l’ampleur de la croissance urbaine rendent inévitable le débat sur la place des agricultures locales dans les stratégies de sécurité alimentaire. Dans ce contexte d’évolution de la demande, la valorisation de la production locale passera certainement par une relation rénovée entre les paysans et les différents maillons de la chaîne de commercialisation et de transformation.
Les débats et les réflexions menés par Afdi en 2012 autour du thème « Quel équilibre entre villes et campagnes face au défi alimentaire ? » nous apprennent à quel point les organisations paysannes (OP) ouest africaines ont d’ailleurs saisi l’importance d’adapter les processus de mise en marché aux contraintes des consommateurs, en particulier citadins. Le développement de conditionnements correspondant aux budgets des ménages ou la contractualisation avec des transformatrices urbaines en sont de parfaites illustrations.
L’enjeu est majeur : devant les potentialités offertes par la croissance des villes, la notion de « culture de rente » se transforme. La vision classique, qui voudrait que les débouchés rémunérateurs dépendent des cultures d’exportation, est bousculée par le dynamisme des marchés intérieurs. L’adaptation des politiques agricoles à ces changements sera donc déterminante pour les agricultures familiales locales. Si les États souhaitent que leurs secteurs agricoles et agro-alimentaires profitent des leviers de développement offerts par les perspectives démographiques, ils doivent en effet reconnaitre le métier des paysans et soutenir leurs initiatives.
Face aux évolutions des consommations alimentaires, les OP sont à même de prouver la contribution des agricultures familiales à la sécurité alimentaire et de l’améliorer. Elles peuvent assurer une veille continue sur les tendances des marchés et connecter les producteurs aux systèmes de transformation et de commercialisation les plus porteurs. Si cette fonction doit être reconnue par l’État, il est également du rôle de nos organisations de solidarité internationale de la mettre en avant et d’aider à sa construction. Nous croyons au rôle incontournable des OP depuis de nombreuses années, il est plus que jamais temps de le défendre et de le valoriser !
Pour en savoir plus : http://www.afdi-opa.org