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Ceci est un article de la publication "54-56 : Les céréales au coeur de la souveraineté alimentaire en Afrique l’Ouest", publiée le 15 décembre 2011.

Pour des dispositifs publics adaptés aux stratégies des pasteurs

Réseau Billital Maroobé (RBM)

PastoralismeCéréalesAfrique de l’Ouest

En 2009/2010, les pays sahéliens ont connu une crise pastorale profonde qui a fait l’objet d’une réponse tardive et mal ciblée de la part des dispositifs publics de prévention et de gestion des crises en place. Retour sur cette expérience et recommandations aux décideurs.

La crise pastorale de 2009/2010, par son ampleur géographique du Tchad au Mali, en passant par le Niger et le Burkina Faso, et par le déficit accru de pâturage qui l’a caractérisée, a rappelé une nouvelle fois l’utilité des dispositifs publics de prévention et de gestion des crises. Le regard des pasteurs met en évidence que, si le diagnostic a bien été fait à temps, l’action a une fois de plus vu le jour avec retard, et a rencontré des difficultés de ciblage. Au final, les éleveurs retiennent un grand décalage entre les appuis décidés et les besoins des éleveurs qui ne sont pas suffisamment pris en compte dans les dispositifs publics de réponse. Face à ces constats, les organisations de pasteurs s’interrogent sur l’amélioration des politiques de prévention, et plus globalement sur les moyens de rapprocher les dispositifs publics et les stratégies des pasteurs.

Une étude sur la perception par les éleveurs de la crise et des dispositifs publics mis en place pour y répondre. Cette étude réalisée par le Réseau Billital Maroobé dans quatre pays sahéliens (Niger, Tchad, Mali et Burkina Faso) a permis de formuler des propositions d’actions visant à mieux articuler les niveaux d’intervention local, national et sous-régional d’une part et de distinguer les enjeux conjoncturels et structurels d’autre part. Il y est également souligné la nécessité d’accorder un rôle plus important aux associations d’éleveurs dans les dispositifs publics. Plus spécifiquement, il s’agit de réussir à mieux intégrer le risque de crise pastorale dans les politiques de développement rural et dans les dispositifs publics de prévention, en intervenant dans trois registres d’action complémentaires : (1) le soutien renforcé et mieux ciblé aux ménages de pasteurs vulnérables en période de crise ; (2) l’amélioration des dispositifs d’intervention pour permettre une prise de décision plus rapide et mieux ciblée lors des crises pastorales de la part des États et des partenaires techniques et financiers; (3) les actions structurelles indispensables pour une meilleure adaptation des systèmes pastoraux aux différents risques (climatiques, économiques et politiques).

Un soutien renforcé et mieux ciblé aux ménages de pasteurs. L’effet des crises successives sur les trajectoires familiales des pasteurs montre comment la perte massive et brutale des animaux peut exclure plus ou moins définitivement des familles du système pastoral. En dépit des mécanismes de solidarité endogènes très actifs, en particulier à travers les prêts de bétail, des familles se voient tout de même économiquement et socialement marginalisées. Il est à ce stade important de préciser que le passage à l’agropastoralisme, parfois imaginé comme une évolution souhaitable, n’offre pas une alternative valable dans un contexte foncier de plus en plus saturé. La perte de la mobilité s’accompagne aussi d’un isolement social très éprouvant pour les familles de pasteurs culturellement organisées pour gérer les déplacements des familles et des troupeaux.

Depuis 1984, et lors des dernières crises comme celles 2005 et 2009, de nombreuses actions de soutien aux pasteurs ont été expérimentées au Sahel par des associations, des ONG, des projets et l’État. On citera l’achat des animaux et leur transformation en viande séchée (souvent qualifiée abusivement d’opérations de « déstockage »). Il s’agit aussi d’actions de mise à disposition de céréales et de distributions de vivres. Enfin, le soutien à la reconstitution des troupeaux constitue une mesure très appréciée des pasteurs pour revenir à une économie pastorale. Les opérations d’urgence tentent régulièrement de mobiliser des stocks d’aliments du bétail en période de crise.
Cependant, on a pu constater que les interventions étatiques en cas de crise sont généralement lourdes à organiser, couvrent mal les besoins et aboutissent, comme on a pu le voir en 2009, à une mise à disposition trop tardive des aides pour endiguer les pertes de bétail. C’est le cas particulièrement pour la mise à disposition d’aliments de bétails. Pourtant, la demande est forte quand ces denrées sont disponibles sur les marchés à bétail de l’intérieur.
De plus même s’il existe une diversité d’expériences intéressantes et pertinentes, elles sont malheureusement trop peu capitalisées. De ce fait, elles ne sont pas valorisées pour nourrir une stratégie d’intervention qui doit anticiper la déclaration des nouvelles crises. En témoigne l’incessant réapprovisionnement des banques céréalières collectives et des banques d’aliments de bétail à chaque campagne, alors que les pasteurs développent des stratégies d’approvisionnement en céréales efficaces et articulées sur de vastes espaces commerciaux transfrontaliers.

Des actions d’amélioration des dispositifs d’interventions. Tout l’enjeu est ici de réussir à rapprocher les systèmes d’observation des pasteurs avec ceux des dispositifs publics d’intervention pour accroître la rapidité et la pertinence des prises de décision. La crise de 2009 montre que la connaissance insuffisante du monde pastoral par les acteurs clefs du dispositif d’intervention conduit à une inertie dans les réponses et entretient de nombreux préjugés. La question des mécanismes et des critères de ciblage en zone pastorale reste également posée, surtout lorsque les volumes d’appui disponibles sont limités. Un travail important reste à faire pour rapprocher les dispositifs de prévention et de gestion des crises des organisations d’éleveurs pour le recueil d’informations, la prise de décision et le ciblage des interventions. À cet effet, les pistes à explorer portent sur : (i) l’élaboration de lignes directrices sur le pastoralisme à l’échelle de la sous région qui devront faire l’objet de discussions entre les acteurs concernés avant d’être intégrées dans la charte révisée de prévention et de gestion des crises alimentaires ; (ii) l’amélioration de la cohérence et de la coordination des interventions ; et (iii) la mise en place d’un fonds sous-régional de solidarité permettant de mener des actions rapides en période de crise.

Des interventions structurelles permettant de renforcer l’adaptation des systèmes pastoraux mobiles et de limiter les pertes en période de crise. Seules de telles interventions dans la durée permettront aux éleveurs de reconstruire leur économie pastorale au sortir des crises et de se préparer à en affronter de nouvelles. Il s’agit en particulier de : (i) sécuriser l’accès aux ressources pastorales en lien avec leur variabilité géographique ; (ii) réhabiliter des infrastructures pastorales (puits pastoraux publics, balisage des aires de pâturage et des axes de transhumance en zone agricole et agro-pastorale). Plusieurs expériences ont été mises en oeuvre au Tchad et au Niger ; elles permettent de tirer de nombreux enseignements et solutions qui associent sécurisation foncière – aménagement pastoral à l’échelle intercommunale et hydraulique pastorale. Le Niger et le Mali se sont par ailleurs dotés récemment d’une stratégie nationale d’hydraulique pastorale permettant une meilleure coordination des interventions dans ce domaine.
Il s’agit également de renforcer la connaissance et le respect des droits à la mobilité et aux ressources partagées par les organisations d’éleveurs, les acteurs institutionnels et les acteurs de la société civile. Plusieurs pays comme le Niger, le Mali et la Mauritanie se sont dotés de législations foncières, environnementales et hydrauliques qui reconnaissent les spécificités des modes d’exploitation des ressources pastorales et de la mobilité des hommes et de leurs troupeaux. L’enjeu est d’accompagner les acteurs institutionnels dans l’application de ces réglementations.
C’est là un travail important qui incombe plus spécifiquement aux organisations d’éleveurs, mais qui justifie le soutien à l’expérimentation de systèmes d’assistance juridique pour endiguer les attitudes répréhensibles de certains élus et administrateurs. Les autres activités importantes concernent : (i) la mise en oeuvre opérationnelle des recommandations du forum de Gogounou sur la transhumance transfrontalière ; (ii) la création d’un observatoire sur la transhumance ; et (iii) la poursuite de l’initiative du RBM portant sur la mise en cohérence des législations régissant la transhumance dans les pays de la sous région.

Les résolutions de Gogounou
Le Forum régional sur la transhumance transfrontalière de Gogounou (Bénin, 14-16 avril 2010) a regroupé des participants provenant du Bénin, du Burkina Faso, du Niger, du Nigeria et du Togo. Au sortir du forum, les participants considèrent que la transhumance transfrontalière comporte des avantages certains et ils jugent nécessaire de mettre en oeuvre des actions. Les pays participants au forum de Gogounou conviennent de :

  • Mettre en application effective la décision A/DEC.5/10/98 relative à la réglementation de la transhumance entre les États membres de la Cedeao ;
  • Élargir à l’ensemble des pays concernés (Bénin, Burkina Faso, Mali, Niger, Nigeria et Togo) le Cadre de concertation existant et le rendre fonctionnel ;
  • Renforcer et encourager les rencontres de proximité dans le cadre de la gestion de la transhumance transfrontalière ;
  • Concevoir une charte sous–régionale de gestion des parcours prenant en compte les portes d’entrée, les couloirs de passage, les zones de pâturage, les postes vétérinaires, les points d’eau pastoraux, etc. ;
  • Conduire dans les pays de l’espace Cedeao un exercice de capitalisation, d’actualisation, de traduction et de vulgarisation des textes relatifs à la transhumance afin de les mettre à la portée des acteurs les plus concernés ;
  • Instituer, avec l’appui des partenaires techniques et financiers des caravanes de sensibilisation et de popularisation des textes sur la transhumance transfrontalière ;
  • Insérer des lignes dans les budgets nationaux pour assurer le financement pérenne du Cadre de concertation ;
  • Assurer l’organisation de ce type de concertation à l’échelle sous-régionale en s’appuyant sur les institutions d’intégration;
  • Adopter un schéma d’opérationnalisation d’une transhumance transfrontalière et du transit de bétail qui respecte l’environnement et ses ressources, tout en apportant une plus–value dans le respect des principes d’un partenariat « gagnant–gagnant ».

Pour plus d’information, consultez le rapport général du Forum : http://www.inter-reseaux.org/IMG/pdf_Rapport_forum_VF05052010VF.pdf

Cet article est extrait du numéro spécial Agridape d’octobre 2011 intitulé « Les éleveurs du Sahel face à la crise pastorale de 2009». Ce numéro a été publié suite à l’étude réalisée par le Réseau Billital Maroobé dans quatre pays sahéliens (Niger, Tchad, Mali et Burkina Faso) sur la perception de la crise de 2009/2010par les éleveurs, ainsi que sur la performance des dispositifs publics.

Retrouvez l’intégralité du numéro Agridape sur le site du Réseau Billital Maroobe : (www.maroobe.org/IMG/pdf/ Numero_Special_AGRIDAPE_ final.pdf) Lien brisé (vérifié le 01/11/2023)
Et bientôt sur le site de IED Afrique : http://www.iedafrique.org/AGRIDAPE.html

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