Edwige Botoni est experte en gestion des ressources naturelles, chargée du suivi des conventions environnementales au Comité permanent inter États de lutte contre la sécheresse dans le Sahel (Cilss, http://www.cilss.bf).
En 2009, le Cilss a publié un rapport intitulé « la transformation silencieuse de l’environnement et des systèmes de production au Sahel : Impacts des investissements publics et privés dans la gestion des ressources naturelles » : http://www.cilss.bf/ spip.php?article58
Grain de sel : Vous venez de publier un rapport intitulé « La transformation silencieuse de l’environnement et des systèmes de production au Sahel ». Quel est son objectif ?
Edwige Botoni : Le Cilss avait déjà, en 1989, co-publié avec la GTZ un document intitulé « Le Sahel en lutte contre la désertification : leçons d’expérience », mais rien n’était paru depuis. La Communauté Internationale, qui avait beaucoup soutenu le Sahel dans la lutte contre la désertification dans les années 70/80, s’y intéresse de moins en moins, persuadée que la dégradation continue malgré les investissements réalisés. Les États-Unis se sont d’ailleurs retirés il y a deux ans de la gestion des ressources naturelles dans leur programme d’aide régional en Afrique de l’Ouest.
Le Cilss a donc voulu communiquer sur les expériences réussies en matière de lutte contre la désertification, pour éclairer l’opinion publique et convaincre les partenaires de continuer à soutenir la gestion des ressources naturelles et le secteur rural.
GDS : Quels sont les résultats de ce rapport ?
EB : Il ressort que tous les investissements dans la lutte contre la désertification ont eu des effets agronomiques positifs. Grâce aux techniques mises en oeuvre par les populations, les rendements agricoles ont augmenté de 10 à 100%. La sécurité alimentaire a été améliorée, et les ménages ruraux sont moins vulnérables.
On observe également un reverdissement à travers tout le Sahel, notamment au Niger où plus de 5 millions d’hectares de terres ont pu être récupérés. Dans certaines parties du Sahel, il y a aujourd’hui 20 fois plus d’arbres qu’il y a trente ans !
Les taux de rentabilité des investissements dans la gestion des ressources naturelles sont par ailleurs très élevés (31 à 82% selon la technique utilisée).
Ces résultats contredisent l’image véhiculée dans l’opinion, selon laquelle le Sahel se dégrade malgré des investissements colossaux : il faut en fait distinguer l’échelle régionale, où le phénomène de la dégradation se poursuit malheureusement, du niveau local, où la tendance s’est inversée partout où il y a eu des investissements dans la lutte contre la désertification.
GDS : Les agriculteurs du Sahel se sont-il déjà adaptés au changement climatique ?
EB : Face à la variabilité climatique du Sahel, les agriculteurs ont développé de nombreuses techniques endogènes. Des méthodes (demi-lunes, zaï, cordons pierreux, etc.) permettant de réduire la vitesse de ruissellement de l’eau, et donc d’améliorer son infiltration dans le sol, leur permettent d’optimiser des quantités d’eau même minimes, et de produire, même en année déficitaire. Pour s’adapter à la réduction de la saison des pluies, les paysans ont également délaissé les variétés tardives pour des variétés à cycle court. Mais ils ont besoin d’être soutenus dans ces actions, notamment à travers un renforcement des capacités. Il faut les aider à démultiplier leurs actions : c’est là l’un des défis du Cilss.
GDS : Quel programme à venir pour le Cilss, concernant la gestion des ressources naturelles ?
EB : Dans les semaines à venir, l’équipe du Cilss va se rendre à la Conférence des Parties sur la désertification, à une grande manifestation de plaidoyer organisée par Oxfam aux États-Unis, et à la Conférence des Parties sur les changements climatiques, où elle pourra expliquer les actions mises en œuvre au Sahel pour s’adapter au changement climatique et convaincre que l’adaptation du Sahel au changement climatique passe obligatoirement par l’appui à la gestion durable des terres.