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Ceci est un article de la publication "45 : Economies rurales : au-delà de l’agriculture…", publiée le 5 mars 2009.

Une expérience intéressante de gestion de pistes rurales par des producteurs au Laos

Bounmi Rattanatray

Activités non agricolesAsie

Des pistes en bon état facilitent le développement économique des villages et l’accès aux services sociaux en zone rurale. Malheureusement dans de nombreux pays du Sud, elles sont souvent mal entretenues. Bounmi Rattanatray nous décrit une expérience intéressante de gestion de pistes rurales au Laos.

Grain de sel : Pouvez-vous nous décrire le système d’entretien des pistes rurales mis en place ?
Bounmi Rattanatray : À la suite de la réhabilitation de plusieurs pistes dans le cadre de notre projet dans la province de Sayabouri, un travail d’animation a été mené avec les populations des villages desservis. Initialement nous avions l’idée de mettre en place un processus de mobilisations ponctuelles de toute la population en cas de besoin sur les axes préalablement réhabilités. Les villageois ont refusé. Ils préféraient pouvoir recruter des personnes de leurs villages, en tant que cantonniers en charge de l’entretien des pistes.
Ces personnes ont été formées à la surveillance de l’état des pistes et aux petites réparations (combler des nids de poules, curer des caniveaux, déboucher des buses, etc.). Un cantonnier est nécessaire par tronçon de deux kilomètres car en saison des pluies les détériorations peuvent être régulières et il faut surveiller la piste tous les jours. Ces personnes sont aussi formées pour être capables de mesurer l’ampleur des dégâts par exemple lors d’éboulements importants et de pouvoir alerter les autorités du district pour mobiliser les engins de travaux publics nécessaires. Elles sont d’ailleurs en contact régulier avec le service des communications de leur district qui peut leur donner des conseils techniques si besoin.

GDS : Qui recrute ces cantonniers ?
BR : Ils sont employés par les comités de tronçons qui sont des structures intervillageoises rassemblant des représentants de plusieurs villages voisins. Les cantonniers travaillent à temps partiel ; ce sont généralement des producteurs, dont la disponibilité est fonction du calendrier agricole. En tant que producteurs, ils sont eux-mêmes directement concernés par le maintien en bon état des pistes : si la piste est bonne, ils pourront plus facilement écouler leurs produits vers d’autres provinces du Laos ou vers la Thaïlande.
Après leur recrutement, ils sont formés par les techniciens du district avec une petite aide financière du projet.
La rémunération des cantonniers recrutés est liée à la qualité du travail fourni. En moyenne la journée de travail est payée 2,5 euros ce qui avoisine un salaire d’ouvrier agricole. Il y a des périodes de grande maintenance où les cantonniers sont employés à plein temps (après avoir réalisé les semis).

GDS : Comment ce système est-il financé ?
BR : Le projet a initialement apporté des outils et a travaillé avec les villages pour mettre en place un système de redevance collectée directement par le comité de tronçon auprès des familles. La redevance est fonction du nombre et du type de véhicule possédé par les familles (elle est au minimum de 1,20 euros par famille et par an). Ainsi, par exemple un villageois qui possède un tracteur paie plus que celui qui n’a qu’un vélo, puisque ce dernier détériorera moins la piste. Les habitants qui se trouvent dans les environs de la piste, c’est-à-dire quand leur village n’est pas sur la piste même mais qu’ils l’utilisent régulièrement, sont aussi mis à contribution. Leur cotisation est minorée de 50% par rapport aux familles habitant dans les villages situés en bordure de la piste.

GDS : Quels sont les effets de ce système ?
BR : Cette nouvelle activité permet de rendre service à la communauté en augmentant les échanges. Maintenir des pistes en bon état permet de pouvoir facilement sortir des villages les denrées agricoles, même les plus lourdes (maïs, arachide, etc.). Cela parait évident, mais il faut savoir qu’auparavant il n’était pas possible de cultiver certaines productions dans cette zone car les transporteurs ne pouvaient pas venir les prendre durant une grande partie de l’année. Les agriculteurs ne pouvaient cultiver que les produits « légers » comme le coton et quand le prix de ces matières baissait ils n’avaient pas d’alternatives. Maintenant la liste des productions possibles est plus grande, ce qui donne plus de choix aux paysans. L’effet économique pour ces villages est donc très intéressant. Les familles des cantonniers sont aussi directement bénéficiaires de cette opération.

GDS : Y a-t-il des problèmes qui subsistent ?
BR : Oui. Le premier problème est la difficulté permanente à collecter les redevances. On constate tous les ans des problèmes. Ce sont en particulier les plus riches qui renâclent, ceux qui ont un camion ou un tracteur par exemple. Il faut aussi pouvoir assurer régulièrement de nouvelles formations pour les cantonniers et les budgets sont encore insuffisants sans appui extérieur. Nous travaillons avec les comités et les services des districts pour cela.

GDS : Cette approche innovante vat- elle s’étendre à d’autres districts ou provinces du Laos ?
BR : L’État, qui n’a pas les moyens d’entretenir les pistes rurales, est très intéressé par ce système et le ministère des Communications suit notre expérience depuis le début. Cependant il semble difficile actuellement que l’État puissent enclencher de tels processus sans un financement initial extérieur car le budget national est encore faible.

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