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Ceci est un article de la publication "45 : Economies rurales : au-delà de l’agriculture…", publiée le 5 mars 2009.

Le renforcement des filières vivrières par l’aval : le cas de la Guinée Conakry

Sébastien Subsol

RizAgroalimentaire - AgroindustrieActivités non agricolesGuinée

Est-il possible de renforcer l’agriculture et la commercialisation sans prendre en compte l’aval des filières ? Un exemple autour du riz en Guinée Conakry montre que l’économie rurale en Afrique subsaharienne compte une grande variété de métiers et d’acteurs complémentaires.

La Guinée est un pays qui produit et consomme essentiellement du riz, dans les quatre régions « naturelles » qui composent le pays : Guinée maritime, Guinée forestière, plateau du Fouta Djalon et savanes de Haute Guinée. Chaque année, la Guinée produit environ 745 000 tonnes de riz décortiqué et importe autour de 300 000 tonnes de riz blanc asiatique. Le riz apporte ainsi près de 40% des calories consommées en Guinée (consommation de près de 90 kg par an et par habitant).
Le challenge que s’est fixé le gouvernement depuis 15 ans est de réduire au maximum la dépendance aux importations, en augmentant la production mais aussi en appuyant les acteurs de l’aval des filières vivrières, constitués par un tissu de petits commerçants et de transformateurs artisanaux. Cette option a apporté des résultats tangibles et se révèle particulièrement pertinente en cette période de cours mondiaux élevés des denrées alimentaires.

Une démarche prenant en compte, au-delà de la production, l’ensemble de la filière.
Un objectif multiple. Il était question de stimuler la production grâce à l’effet d’appel généré par des commerçants et transformateurs aux capacités financières renforcées, et de construire des filières vivrières longues entre les bassins de production, parfois éloignés, comme la Guinée forestière, et les grands centres urbains de consommation. Mais au-delà de la production, il s’agissait aussi de développer l’emploi non agricole en milieu rural et de renforcer l’économie locale en créant des relations entre commerçants, artisans et institutions de microfinance.

Une stratégie non focalisée sur les producteurs. Trois projets se sont succédés et ont appuyé dans la durée quatre types d’acteurs : les meuniers ou « décortiqueurs », les collectrices de céréales opérant sur les marchés villageois des zones de production, les collectrices étuveuses des mêmes marchés, les semigrossistes opérant sur les marchés dits de regroupement et quelques marchés terminaux. Les appuis proposés combinent renforcement des capacités financières et techniques. Des crédits sur mesure ont été testés et diffusés pour ces acteurs. Ils reçoivent en outre des conseils techniques en matière de transformation des produits vivriers locaux et des conseils en gestion et marketing. Tout un pack de services est ainsi proposé à ces micro-entreprises rurales.

Une implication de multiples acteurs et fournisseurs de services. Les services apportés combinent l’action de plusieurs organismes (en favorisant les complémentarités des acteurs existants, et sans faire de substitution) : i) une cellule projet (Pnasa, puis Pasal et Dynafiv) qui coordonne l’action et anime une équipe de quarante agents de suivi locaux issus du ministère de l’Agriculture ou du SIM; ii) deux institutions fournissant du crédit et du conseil : le Crédit rural de Guinée et la Maison guinéenne de l’entrepreneur ; iii) la recherche agronomique guinéenne, qui a mis au point des matériels de transformation de produits locaux ; iv) des associations de forgerons, répliquant ces machines ; v) et enfin des associations de commerçants et de transformateurs dont les membres reçoivent ces appuis.
Ces appuis se déploient désormais dans près de 40 localités en Guinée, et touchent plus de 600 personnes, soit environ 15 à 20% des acteurs du secteur.

Une démarche qui met en relation les acteurs du marché et les banques locales. L’action dans une localité démarre par une étude du fonctionnement du marché et de ses acteurs. Le Crédit rural ou la Maison guinéenne de l’entrepreneur (en fonction des localités) est alors approché pour développer progressivement une offre de crédit, qui sera garantie par l’organisation de ces acteurs en associations de caution mutuelle. La Maison guinéenne de l’entrepreneur intervient également pour une série de formation en gestion et marketing.

Pour aider les producteurs, ne pas focaliser les appuis seulement sur eux.
Des crédits court et moyen terme aux acteurs de l’aval de la production. Les types de crédits développés représentent une véritable innovation financière. Ils sont adaptés au cycle d’activité des commerçants et des transformateurs. On distingue deux types de crédits.
D’abord, les crédits commerciaux, d’une durée de 8 à 10 mois. Ceux-ci proposent un fonds de roulement additionnel. Ce fonds permet d’acheter et de mettre en marché des produits dont l’objet s’est progressivement étoffé : riz local au début, mais désormais également arachide, huile de palme, fonio, maïs… Le montant de ces crédits varie entre 500 000 francs guinéens (FG) et 4 millions de FG. Il touche les collecteurs, collectrices étuveuses, semi-grossistes. Ce montant est investi en moyenne une dizaine de fois par le commerçant (souvent une commerçante) durant la campagne de commercialisation qui s’étend d’octobre à juin. Son taux d’intérêt mensuel de 3% est élevé, mais est supportable si une rotation importante du fond est opérée. Cela empêche toute stratégie de spéculation sur un stock. Des tonnages importants de produits vivriers sont ainsi mis en marché.

Des crédits de plus long terme, sur deux ans, ont également été mis au point et distribués. Ceux-ci permettent l’acquisition de matériels de transformation. Leur objet est varié : décortiqueur à riz, moulin à maïs, presse à huile, machine à étuver le paddy. Leur avantage principal est de proposer des mensualités sans remboursement du capital durant la période de basse activité, de juin à septembre. Ce calage sur le cycle d’activité des artisans est à la base du succès de ces crédits. Par ailleurs, l’emprunteur achète un « package » : le montant du crédit inclut, outre le coût du matériel, celui du transport, de l’aménagement du local (dalle de béton et châssis au sol permettant de coupler machine et moteur), et d’une formation de départ à l’entretien. Le montant varie de 250 000 FG pour une machine à étuver à 2 500 000 FG pour un décortiqueur à riz. Par ailleurs, les crédits ont fait connaître ces matériels dans certaines localités et des centaines d’exemplaires ont été achetés « cash », notamment des décortiqueurs.

Le développement avec la recherche de nouveaux équipements pour les étuveuses. Il faut souligner l’appui original qu’ont reçu les femmes pratiquant l’activité de collecte et d’étuvage. Ce segment est essentiel dans la filière rizicole guinéenne car la majorité du riz local consommé en Guinée est étuvé. Ce passage à la vapeur précède le décorticage du riz paddy et donne au riz des qualités organoleptiques prisées du consommateur guinéen. L’opération d’étuvage enrichit le grain en protéines et oligoéléments notamment. Par ailleurs le riz étuvé présente un taux de brisures très faible au décorticage : des rendements en riz net de 75 à 80% sont obtenus (au lieu de 65% avec du paddy non étuvé). La diffusion de machines originales, basées sur le principe du couscoussier et l’adjonction d’un foyer amélioré, ont permis d’améliorer drastiquement la productivité du travail, le confort des opératrices (moins de brûlures) et la qualité du riz, par rapport au système associant fût métallique simple et foyer « trois pierres » traditionnel. La recherche agronomique guinéenne a joué un grand rôle dans le développement et la diffusion de ces équipements. Elle travaille désormais sur d’autres produits : décortiqueur à fonio, malaxeur à noix de palme…

Au bilan, un volume de riz commercialisé accru et la création d’emplois ruraux variés.
La combinaison de ces appuis et de ceux investis dans la production a permis de booster la filière rizicole locale en Guinée. On estime que 120 000 tonnes de riz local sont désormais mises en marché contre 30 à 50 000 il y a dix ans. Le parc de décortiqueurs est passé de 200 à 1 000 unités sur le territoire, créant de l’emploi en milieu rural. Les revenus des commerçantes de produits locaux ont augmenté, grâce à une offre individuelle de crédit « fond de roulement » qui augmente chaque année. Des relations durables ont été nouées entre ces acteurs, des services de l’État (la recherche) et des prestataires de services en milieu rural, avec en première ligne les institutions de micro-finance. Enfin, les rencontres périodiques organisées entre des OP des bassins de production et les acteurs de l’aval ont jeté les prémisses d’organisations interprofessionnelles sur cette filière riz.


Le commerce de détail et les services dominent l’emploi salarié non agricole en zone rurale
Le commerce de détail et les services fournissent 60 à 75% des emplois salariés non agricoles dans les régions rurales. Une différence est à noter entre ces deux secteurs : alors que le commerce de détail est principalement composé d’indépendants, l’emploi dans le secteur des services est majoritairement salarié. D’après le graphique, l’emploi dans le secteur manufacturier reste minime mais il a tendance à s’accroître dès lors que les activités rurales se développent et que les liens entre milieu rural et milieu urbain se renforcent.
Source : Rapport de la Banque mondiale 2008. Chapitre 9. p.252

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