Moussa Para Diallo est un des leaders paysans ouest africains les plus aguerris et respectés (coauteur, avec Jean Vogel de L’Afrique qui réussit. Éd. Syros, 1996). Il est, depuis 1992, président de la Fédération des paysans du Fouta Djallon. Il nous a consacré une heure lors d’un passage à Paris (15/09/08), entretien mené avec la participation de Mamadou Kourahoye Diallo, responsable commercialisation.
Grain de sel : Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Moussa Para Diallo : Je m’appelle Moussa Para Diallo, je suis paysan producteur de pommes de terre, président de la Fédération des producteurs du Fouta Djallon (FPFD) depuis sa création, en 1992. Je suis marié et père de 4 enfants. Je suis aussi président de la Confédération nationale des OP de Guinée [cf. GDS 38 p. 7-8 « La Belle de Guinée est-elle menacée ? ».]. La FPFD rassemble 500 groupements, 24 unions et 20 000 adhérents directs avec comme objectif premier de défendre ses membres aux niveaux régional, national, sous-régional et international. Au total, ce sont 70 000 personnes qui bénéficient de ses actions, notamment l’achat des intrants en groupe pour que chacun puisse faire sa culture aisément sans trop de diffi- culté. Nous militons pour prouver que l’on peut vivre de l’agriculture dans un pays pauvre sans vouloir forcément partir ailleurs pour chercher quelque chose qu’on ne trouverait pas.
GDS : Le succès de la Fédération tient à la production principale, la pomme de terre, pourquoi ?
MPD : Il est vrai que la pomme de terre n’était pas un aliment traditionnel des Guinéens. Lorsque nous avons commencé, en 1990, nous produisions moins de 100 tonnes. Aujourd’hui, ce sont 18 000 t qui sont produites par an. La culture de la pomme de terre est une très bonne chose et c’est une culture d’avenir. Elle sert à nourrir une population, aide à avoir des revenus, des semences pour les futures récoltes. Après la récolte de la pomme de terre on peut faire du riz, du maïs, de l’arachide et autour on peut planter des fruitiers, orangers, grenadiers, citronniers, manguiers greffés, un peu de banane etc. Avec ces périmètres aménagés on peut diminuer la coupe abusive de bois pour cultiver de manière permanente, donc on cherche à préserver la nature. Il faut savoir accompagner cette réussite, stabiliser les gens dans les bas fonds, les périmètres, pour moins déboiser, construire des retenues collinaires pour bien irriguer et des magasins de stockage, et aussi faire en sorte que la culture se pérennise.
GDS : Que pensez-vous des récentes négociations des APE entre l’Union européenne (UE) et les pays ACP ?
MPD : Il serait bon qu’on ne mette pas l’économie seule au devant de la scène. Aujourd’hui, au lieu de dire « c’est les États », on dit « c’est les multinationales ». Les multinationales n’ont ni parents ni amis, elles n’ont que le profit. Je pense qu’il est grand temps, peut-être avant qu’il ne soit trop tard, de ne pas mener des négociations tous azimuts. Ne pas mettre des accords sur tous les produits mais commencer par un produit dans l’ensemble de la sousrégion ouest africaine serait peut-être une solution.
GDS : On parle beaucoup de l’impact de la hausse des prix des matières premières sur les producteurs, y avezvous gagné ?
MPD : Tout d’abord, je ne suis pas d’accord avec cette idée. Je pense qu’il n’y a pas de hausse des prix. Au contraire. Le pétrole est monté, le prix des intrants est monté, il faut forcément que le prix des produits agricoles augmente. L’engrais que j’achetais il y a un an ici en France à 300 euros la tonne je l’achète aujourd’hui à 650 €/t. Donc il y a problème. A-t-on fait le calcul pour savoir si le revenu des producteurs a réellement augmenté ? Je ne sais pas. L’an dernier la pomme de terre se vendait à plus ou moins 2 000 Francs guinéens/kg (0,28 euros), cette année c’est 2 500 FG (0,35 euros). Est-ce vraiment une augmentation ? Que l’on me prouve par les chiffres que les paysans ont gagné.
Sans commentaire…
Une image http://www.inter-reseaux.org/IMG/bmp/page4_image.bmp
Une parole
«À l’heure du bilan de santé de la politique agricole européenne, l’UE doit considérer qu’elle a d’abord vocation à assurer l’alimentation de sa population, avant de prétendre nourrir le monde. Il ne s’agit pas d’un repli égoïste mais au contraire de permettre aux autres pays d’exercer leur droit de souveraineté alimentaire et de développer partout, au Nord comme au Sud, une agriculture paysanne et durable.» Manifeste d’Annecy « Pour des politiques agricoles justes, durables et solidaires ».
Un chiffre
16,5-18,5 Mt. Estimation de la production de céréales pour les pays du Cilss pour la campagne 2008-2009 (en augmentation de 10 à 23 % comparé aux chiffres de la campagne de 2007-2008), pour des besoins céréaliers globaux de l’ordre de 14 Mt (consommation humaine). Comptant également sur des importations de blé (1 Mt) et riz (2,5 Mt).