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publié dans Ressources le 8 novembre 2007

Entretien avec Modeste Ouedraogo de la Table Filière Lait du Burkina Faso

LaitOrganisations interprofessionnellesBurkina Faso

Inter-réseaux. – 2007. – 4 p.
L’équipe d’Inter-réseaux a profité de la venue d’une mission burkinabé en France, en octobre 2007, dans le cadre du Sommet de l’Élevage à Clermont Ferrand, pour rencontrer l’un de ses membres : Modeste Ouedraogo, le coordonnateur de la Table Filière Lait du Burkina Faso (TFL-B).
Modeste Ouedraogo nous explique l’origine de la TFL-B, ses actions et son fonctionnement, ainsi que les projets de cette organisation interprofessionnelle.

En plus de ses fonctions de coordonnateur de la TFL-B, Modeste Ouedraogo est avant tout un éleveur « moderne » de la zone péri-urbaine de Ouagadougou (25 vaches laitières de race améliorée, sur deux sites de 4 ha et 18 ha), qui a renforcé ses capacités lors de voyages en France et au Canada, et qui promeut l’élevage laitier intensif au Burkina Faso.

Grain de sel : Qu’est ce que la Table filière lait du Burkina Faso ?
Modeste Ouedraogo : Le Burkina Faso est un pays en forte urbanisation. La population agricole va en diminuant au profit des villes. L’explosion démographique y est importante, a fortiori avec le retour de nombreux Burkinabé expatriés en Côte d’Ivoire. La population à nourrir est très importante. L’enjeu alimentaire est donc crucial.
Depuis 1999, le Bukina Faso a expérimenté, dans le cadre de projets d’appui de la Coopération canadienne, la mise en place de tables filières pour 4 filières : deux filières d’importations : lait et banane, et deux filières d’exportations : karité et viande.
Le lait est un produit particulièrement sensible, avec une demande importante, une production nationale insuffisante et des importations élevées et non maîtrisées. Les données officielles d’importations de lait en poudre en baisse s’expliquent par plusieurs facteurs parmi lesquels une hausse de la production locale, mais également une hausse des importations frauduleuses aux frontières et une baisse de la consommation de produits laitiers (du fait du renchérissement du coût de la vie et de la dévaluation).
Jusqu’en 2001, le projet visait à appuyer et renforcer les capacités des individus et des organisations de producteurs et de transformateurs. Très vite il est apparu que certains problèmes identifiés ne pouvaient être résolus au niveau du seul maillon de la production ou de la transformation, mais qu’ils nécessitaient également l’implication d’autres acteurs de la filière lait et la concertation entre les différents maillons de la filière. Par exemples les thématiques de la qualité, la mise en marché et la promotion des produits laitiers locaux concernent les producteurs mais également les transformateurs et distributeurs. Ainsi, a-t-on eu en 2001 l’idée de créer des interprofessions. C’est ainsi que sont apparues les tables filières.
En 2001, deux tables filières lait sont créées : l’une à Bobo Dioulasso, l’autre à Ouagadougou. Ces deux sites ont été choisis car ils sont les principaux pôles de consommation des produits laitiers, où sont par ailleurs implantées les organisations de producteurs de lait frais les plus structurées.
Les tables filières regroupent les acteurs directs de la filière lait : producteurs, transformateurs et distributeurs, autour de l’objectif global de favoriser la croissance et la compétitivité des acteurs de la filière lait local à travers la représentation, la promotion des produits laitiers locaux (yaourts, lait frais pasteurisé et fromages), la promotion de la qualité et l’information stratégique. Conscients de l’impact de la poudre de lait importée sur l’économie de la filière locale, et parce que certains problèmes (tel que l’hygiène) affectent à la fois la chaîne du lait local et celle du lait importé, nous avons choisi d’inclure dans les tables non seulement les transformateurs de lait local et mais également ceux de lait reconstitué, avec toutefois l’objectif de promotion en premier lieu de la filière lait local.
Un plan stratégique de développement est mis en place sur trois ans : de 2001 à 2003, décliné annuellement en plans d’actions autour des enjeux et défis retenus par les membres. Au cours du temps, les actions des deux tables filières étant similaires, et avec la médiatisation et la volonté d’avoir plus de poids et de visibilité au niveau national, la fusion des deux tables filières est envisagée. La fusion s’est concrétisée le 16 septembre 2006 ; à cette occasion j’ai été élu coordonnateur national de la TBL-B. Désormais la table filière nationale a son siège à Ouagadougou.

GDS : Quelles sont les actions de la TFL-B ?
MO : Nos actions touchent directement 116 fermes laitières à Ouagadougou et 98 à Bobo Dioulasso, ainsi que 78 unités de transformation laitière. Elles se placent à plusieurs niveaux :

  • au niveau de la production : amélioration de la conduite du troupeau, par la fauche et la conservation du foin, l’ensilage, la gestion de l’exploitation, la sélection et l’amélioration génétique (clubs d’insémination artificielle, clubs d’encadrement technique).
  • au niveau de la transformation : ont été mis en place des clubs d’encadrement en hygiène et qualité du lait (CEHQL) ainsi que des formations à la transformation du lait local, à l’approche marketing et à la gestion.
  • au niveau de la distribution : à ce niveau-ci les choses ont été moins évidentes. Un projet a été monté en décembre 2006 pour la conservation et la mise en marché.
  • transversalement : réalisation de publicités sur le lait local, développement de partenariats au profit de la filière, participation des membres aux foires, forums et salons sur la promotion des produits locaux, partage d’informations stratégiques sur la filière lait.

Il faut avouer que si la mobilisation des producteurs et transformateurs est facile, l’implication des distributeurs dans la table filière reste légère. Ces derniers trouvent peu d’intérêt à participer aux concertations et actions collectives, car les produits laitiers ne représentent que moins de 1% du chiffre d’affaire de leurs commerces.
Ces derniers mois ont été marqués par ailleurs par des concertations et actions sur les prix. Devant l’augmentation du prix de leurs intrants (emballages, carburant, électricité, etc.) et donc la réduction de leurs marges, les transformateurs ont décidé d’augmenter les prix des produits laitiers, des augmentations sur les prix aux consommateurs au profit exclusivement des transformateurs (et pas des distributeurs). Cette décision n’a pas été facile à faire admettre aux distributeurs, mais après trois jours de blocus des transformateurs, ils ont finalement accepté. Depuis le 3 août 2007, les citadins payent donc entre 25 et 50 FCFA de plus leurs produits laitiers à Ouagadougou et Bobo-Dioulasso.
La deuxième phase de la négociation qui sera accompagnée par la table filière portera dans les prochains mois sur une répercussion de cette hausse de prix sur les producteurs. Nous sommes confiants pour envisager une hausse du prix d’achat du lait aux producteurs de 10 à 25 FCFA, surtout dans le contexte actuel de hausse du prix mondial du lait créant d’importantes marges pour la filière locale devenue plus compétitive. Aujourd’hui le lait importé coûte plus cher aux transformateurs que le lait local, donc les transformateurs devraient accepter de payer un peu plus cher le lait aux producteurs. En 2001, le sac (de 25kg) de lait en poudre importé coûtait 32 500 FCFA, il est passé à 55 000 FCFA en juillet 2007, pour atteindre 70 000 FCFA en septembre 2007 ! Finalement les rapports de force pèsent pour beaucoup dans les négociations au sein de la table filière, et grâce à l’augmentation du prix du lait importé, les producteurs se retrouvent en position favorable. Il existe actuellement une forte demande en lait frais local du fait de l’abandon de la poudre de lait par certaines unités de transformation.

GDS : Quelles sont les conditions pour être membre de la TFL-B? Comment fonctionne-t-elle ?
MO : Ce sont les organisations professionnelles des différents maillons ( roduction, transformation et distribution) qui adhérent à la TFL-B. L’organisation qui désire en faire partie, doit en faire la demande : celle-ci sera étudiée en Assemblée générale pour décision.
La table filière lait se réunit en Assemblée générale une fois par an. C’est l’instance suprême de la TFL-B, qui regroupe tous les membres. En plus de l’AG, deux autres organes existent : (i) l’Assemblée des représentants, regroupant des réprésentants de chaque maillon, à parité égale lors des prises de décisions, et orientant les actions du Comité d’animation ; (ii) le Comité d’animation composé d’un représentant de chaque maillon de la filière, donc de trois membres, avec pour mission de représenter et d’assurer l’exécution des actions de la TFL-B. Ce comité se réunit une fois par mois.
Le financement de la TBL-B se fait sur la base de projets soumis à différents partenaires. Des plans d’actions sont d’ailleurs périodiquement élaborés dans ce sens. Pour certaines activités telles que les foires, des contributions sont demandées aux membres pour leur participation. Institutionnellement, dans l’attente d’une loi sur les interprofessions encore inexistante au Burkina Faso, le positionnement de la TFL-B n’est pas encore très clair. Toutefois, elle est une initiative des opérateurs professionnels de la filière : elle est donc privée, avec une autonomie de fonctionnement et de prise de décision.
Au niveau de la Confédération paysanne du Faso, la Fédération des éleveurs du Burkina Faso (FEB) en est membre, mais nous attendons de mettre en place une corporation spécifique aux fermes laitières afin de mieux nous affirmer et oeuvrer au développement de notre profession. Nous nous sommes beaucoup battus quand il s’est agit de défendre un Tec décent au niveau de l’UEMOA, nous souhaitions qu’il soit à 20% (NDLR : Tec UEMOA fixé à 16%). Les filières agricoles de notre zone sont peu protégées. Si on ouvre encore nos marchés, comme inscrit dans les APE, c’est la mort de toute notre économie. Nous avons également mis en place un cadre de concertation sous régional des acteurs de la filière lait local en 2005.
Notre programme pour 2008 est basé en priorité sur le renforcement des capacités (techniques, financières et politiques) de la TFL-B et des organisations qui la constituent. Un comité de travail sur les interprofessions est aussi en préparation et nous espérons qu’une loi spécifique sur les interprofessions verra le jour prochainement au Burkina Faso.

Propos recueillis par Anne Perrin et Joël Teyssier à Paris le 6 octobre 2007

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