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publié dans Ressources le 21 juillet 2010

Prévenir les crises alimentaires au Sahel : des indicateurs basés sur les prix de marché

AFD

Crise alimentaireSécurité alimentaire et nutritionnelle

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L’objectif principal de cette étude est de participer au renforcement des dispositifs nationaux et régionaux de prévention des crises alimentaires au Sahel, à partir de l’exploitation des données de prix collectées par les Systèmes d’information sur les marchés (SIM). Plus précisément, il s’agit de définir des indicateurs d’alerte basés sur les prix de marché, destinés à compléter les indicateurs existants. Actuellement, les indicateurs existants sont essentiellement basés sur la prévision et le suivi des récoltes, et reposent sur l’exploitation de données parcellaires souvent peu fiables (production, commerce, stocks, etc.) ou dont le traitement peut être relativement complexe et long (données météorologiques). A contrario, l’avantage d’indicateurs basés sur les données de prix des SIM est de s’appuyer sur l’exploitation d’une information disponible sur une longue période et d’un large échantillon de produits et de marchés, à fréquence élevée (mensuelle voire hebdomadaire), facilement et rapidement mobilisable, relativement fiable et ne nécessitant pas d’importantes capacités de traitement. La démarche suivie consiste, d’abord, à identifier et caractériser les marchés retenus pour la construction des indicateurs d’alerte, puis à tenter de cerner les relations entre ces marchés et d’identifier les marchés susceptibles de jouer un rôle directeur au niveau national et régional. Il s’agit ensuite de caractériser le comportement des prix sur la longue période et au cours de l’année en fonction de l’état des disponibilités. Enfin, des indicateurs d’alerte peuvent être construits pour les marchés identifiés à travers l’analyse spatiale et en exploitant la dimension temporelle des fluctuations de prix.

La première partie de l’étude présente rapidement les principales caractéristiques des SIM des trois pays de l’échantillon (Burkina Faso, Mali et Niger) et des marchés couverts par l’étude. Parmi l’ensemble des marchés suivis par les SIM, un nombre restreint de marchés ont été sélectionnés, en fonction de la qualité de l’information disponible, de leur situation géographique (marché frontalier, marché d’une zone vulnérable, etc.) et de leur importance en termes d’offre et de demande. Au total, l5 marchés du mil et 12 marchés du maïs ont été retenus pour le Niger, 12 marchés du mil et 5 marchés du maïs pour le Burkina Faso et, pour le Mali, 17 marchés du mil et 7 marchés du maïs.
La deuxième partie est consacrée à l’analyse de la dispersion spatiale des prix parmi les marchés de l’échantillon, et de l’intégration de ces marchés. La comparaison des niveaux de prix entre les marchés conforte un certain nombre d’hypothèses sur le caractère déficitaire ou excédentaire des marchés et sur le sens des courants d’échange au sein de la zone d’étude. Ainsi, les prix du mil et du maïs sont, sur la deuxième moitié de la période d’étude (2000-2008) significativement plus élevés au Niger que dans les deux autres pays. Ce phénomène, dû à une augmentation plus rapide de la demande nette de ces céréales dans ce pays qu’au Burkina Faso et au Mali, entraîne une plus grande vulnérabilité des populations nigériennes à l’insécurité alimentaire. Il en résulte également une plus grande dépendance du Niger vis-à-vis des importations en provenance notamment du Mali et du Burkina Faso. Par ailleurs, la grande dispersion des prix au sein d’une même région administrative conforte l’intérêt d’une approche décentralisée, ce que permet le suivi des prix céréaliers sur les marchés régionaux. L’analyse de l’intégration des marchés, conduite à partir d’une modélisation VAR (modèle vectoriel autorégressif) des prix des marchés de l’échantillon, permet d’identifier un petit nombre de marchés « leaders » au niveau national et régional. L’information apportée par les prix sur ces marchés peut être exploitée pour prévoir les prix futurs sur les autres marchés. Parmi ces marchés leaders, Maradi et Gaya jouent un rôle particulièrement important au niveau national et régional. L’analyse fait aussi ressortir l’existence de marchés isolés des courants d’échange et d’information, et généralement situés dans des régions excentrées et vulnérables.
La troisième partie porte sur l’analyse des fluctuations de prix sur la période (1990-2008) et durant l’année. Il s’agit de mettre en évidence les points communs, ou les différences, entre les crises subies par les trois pays et de caractériser, marché par marché, le cycle saisonnier des prix. Cette partie met en évidence une forte corrélation des chocs de prix entre les trois pays surtout à partir de 1998, et entre les marchés du mil et du maïs – bien que ce dernier soit un produit échangé internationalement. L’analyse des fluctuations saisonnières des prix met en évidence des décalages dans les cycles saisonniers des prix, qui peuvent être exploités pour la prévention des crises. Cette analyse confirme notamment le rôle leader des marchés de Gaya et de Maradi, dont les prix sont en avance d’un à trois mois par rapport à ceux d’autres marchés, du fait de l’arrivée précoce des nouvelles récoltes sur ces marchés.
Enfin, la quatrième et dernière partie propose deux types d’indicateurs d’alerte basés uniquement sur les prix céréaliers : un indicateur basé sur l’écart entre le prix courant et sa valeur tendancielle calculée sur la longue période, et des indicateurs basés sur des modèles de prévision des prix. L’indicateur d’alerte privilégié repose sur le suivi de l’écart de prix par rapport à sa tendance en début de campagne, pour les marchés des régions vulnérables mais aussi pour les marchés identifiés comme leaders. Les calculs montrent que les crises sont généralement précédées d’une phase de prix élevés (supérieurs à leur tendance), de sorte que l’alerte peut être donnée quelques mois à l’avance. La pertinence de cet indicateur pour prévenir les crises apparaît particulièrement forte pour les marchés du mil au Niger et au Mali. S’il est bien sûr impossible de prévoir à l’avance le niveau des prix futurs, les exercices de simulation conduits à partir de modèles dynamiques simples montrent que des prévisions établies 12 mois à l’avance peuvent apporter une information complémentaire utile pour la prévention des crises.
D’une façon générale, il ressort de l’ensemble des calculs effectués que l’information apportée par les prix en début de campagne est particulièrement importante : elle renseigne sur l’état des disponibilités futures du produit et peut permettre d’anticiper des situations de crise durant la période de soudure1. Ce résultat est conforme aux prédictions des modèles d’équilibre de marché avec stockage (Azam et Bonjean, 1995 ; Deaton et Laroque, 1992 ; Ravallion, 1985). Dans ces modèles, le prix courant, le prix futur anticipé et les stocks se déterminent simultanément et le prix d’équilibre de marché varie seulement avec l’arrivée de nouvelles informations sur l’état de l’offre et de la demande du produit. Sur les marchés étudiés, les principaux ajustements de prix ont lieu en début de campagne, ce qui tend à montrer que l’information qui joue un rôle crucial dans la formation des prix est celle apportée par les quantités livrées sur les marchés en début de campagne. Les outils utilisés dans cette étude ne permettent pas de détecter plus tôt dans la campagne, par exemple durant la saison des pluies, des mouvements de prix qui puissent apporter une information pertinente sur l’état des disponibilités futures.
Les indicateurs proposés peuvent être calculés simplement et ainsi s’insérer aisément dans les dispositifs existants. Toutefois, ils ont vocation à intégrer un dispositif d’alerte régional du fait à la fois de l’interdépendance des marchés céréaliers de la région et des économies d’échelle réalisées dans le traitement centralisé de l’information. Des structures existent déjà, qui sont chargées de rassembler et mettre en commun l’information collectée par les SIM nationaux. Elles pourraient être mobilisées pour valoriser ces données de prix et participer ainsi à la prévention des crises en complément des dispositifs et des indicateurs existants.

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