The content bellow is available only in French.

publié dans Ressources le 4 janvier 2013

Entretien avec Salia Mahamane, président de la FCMN

Inter-réseaux

Organisations de producteurs et de productricesNigerEntretien

Inter-réseaux a profité du passage à Paris en septembre 2012 de Salia Mahamane, président de la Fédération des coopératives maraichères du Niger (FCMN), pour s’entretenir avec lui.

Inter-réseaux : Pouvez-vous nous présenter votre organisation ?
Salia Mahamane : Nous sommes une association des coopératives maraichères du Niger, fondée en 1996 par 11 coopératives. Aujourd’hui nous rassemblons plus de 140 coopératives et unions, soit plus de 30 000 chefs d’exploitation, dans les huit régions du Niger. Nos membres sont des coopératives et des unions de petites coopératives. Je tiens à souligner que 33% de nos producteurs sont des femmes, que l’on retrouve dans la production et la transformation de sésame et d’arachide.
La FCMN dispose au niveau national de chargés de programme, et dans chaque région du Niger d’équipes composées d’ingénieurs et animateurs (39 au total) et de paysans formés aux techniques de production pour assister les animateurs (plus de 120 au total). Avec ce dispositif, nous dispensons à nos producteurs des formations sur les techniques de production agricole et sur l’utilisation des engrais biologiques et des bio-pesticides. Nous avons également un réseau composé de 32 boutiques d’intrants.

IR : Quelles sont vos actions dans la filière pomme de terre ?
SM : Nous effectuons des commandes groupées en semences. Tous les ans, nous commandons de grandes quantités de semences de pomme de terre. Nous en avons commandé 50 tonnes en 2009, et cette année nous sommes allés jusqu’à 75 tonnes. Nous passons ces commandes auprès d’un partenaire français (Germicopa), après avoir collecté en amont les besoins de nos producteurs. Nous sommes la seule structure au Niger à assurer des livraisons aussi importantes, sans retard. Pour répondre aux besoins, nous devons aller jusqu’à 500 tonnes, mais nous n’en avons pas aujourd’hui les capacités financières.

IR : Quelles sont vos actions dans la filière oignon ?
SM : Nous sommes spécialisés dans la production de semences d’oignons. Chaque année, nous vendons des semences à la FAO (1,5 tonne cette année) [NDLR : la FAO a en effet des programmes d’urgence consistant à distribuer des semences maraichères dans des zones sinistrées, afin d’y réimplanter le maraichage], et nous en vendons également à nos membres, à des prix bonifiés (25 000 FCFA le kg au lieu de 50 000 FCFA). Notre production annuelle de semences d’oignons s’élève à 2 voire 2,5 tonnes.
Cette production de semences se fait dans 6 régions du pays, au sein de coopératives spécialisées, où les producteurs ont été formés par nos techniciens. En effet, produire des semences de qualité exige de respecter certaines règles et un itinéraire technique précis. Nous espérons mettre en place en 2013 une maison de semences, où nous pourrons cribler, emballer et étiqueter les semences, afin de satisfaire aux normes étrangères et ainsi devenir plus compétitifs sur les marchés locaux et extérieurs.

IR : Pouvez-vous nous en dire plus à propos de ce projet de maison de semences ?
SM : Notre objectif est de nous professionnaliser et d’être plus compétitifs. Nous devons donc cribler, emballer et étiqueter nos semences pour les vendre. Nous prévoyons de collecter toutes les semences (principalement des semences d’oignons mais pas uniquement) produites par nos producteurs pour les conditionner. Nous avons convenu avec nos membres que le meilleur emplacement pour cette maison de semences était Niamey, mais avec le temps, quand nous aurons les moyens suffisants, nous construirons d’autres maisons, des points de relais, dans les autres régions du Niger. Pour l’instant, nous avons acquis le terrain et une partie du financement nécessaire pour la construction du bâtiment et l’achat des machines. Nous recevrons très prochainement la visite de nos partenaires hollandais, qui nous ont conseillé sur les techniques et les machines de criblage. A terme, nous voulons être en mesure de répondre aux besoins du pays en semences, qui s’élèvent à 50 tonnes par an.

IR : Produisez-vous uniquement des semences de violet de Galmi ?
SM : Oui, pour l’instant nous ne produisons que cette variété. Mais nous sommes en pleines réflexions, avec la chambre d’agriculture, pour développer aussi d’autres variétés d’oignons, comme le Blanc de Gotheye et Soumanara qui est aussi une bonne variété, qu’il faut éviter de laisser disparaître. Mais il faut reconnaître que le violet de Galmi est une variété reconnue pour ses qualités, et pas seulement gustatives. A tel point que nous avons eu des débats animés lorsque le Sénégal avait voulu s’approprier notre oignon. C’est maintenant de l’histoire ancienne, mais la question d’une certification ou d’une appellation d’origine peut encore se poser vis-à-vis de firmes comme Nestlé, pour qui il serait très rentable de breveter et maitriser une variété comme le Violet de Galmi pour ses cubes Maggi.

IR : Quels sont les autres enjeux sur la filière oignon du Niger ?
SM : Le Niger est un gros producteur d’oignon (500 000 tonnes par an), il s’agit également de notre deuxième exportation après l’uranium : sur les 500 000 tonnes produites, 300 000 tonnes sont exportées. L’enjeu principal autour de cette filière est donc la commercialisation, l’écoulement des produits. Cette question est au cœur des débats actuels. Nos marchés sont en effet envahis par les oignons hollandais, qui sont moins chers que les nôtres dans les pays comme la Gambie, le Sénégal et la Guinée. Avec le soutien du ROPPA, nous demandons à nos Etats de faire en sorte que nos marchés soient protégés.
Nous avons la capacité et la volonté de produire pour alimenter le marché régional, mais nous sommes confrontés à de nombreux problèmes de commercialisation. Aux frontières par exemple, les camions font face aux tracasseries posées par la douane et la police. Nous connaissons aussi des difficultés de surproduction : en 2011, suite à la crise, la FAO a distribué beaucoup de semences d’oignon. Nous avons alors connu une crise de surproduction, qui s’est traduite par une chute des prix. Le sac qui se vendait habituellement à 12 500 FCFA était cédé à 3000 FCFA.

IR : N’est-il pas possible de stocker les surproductions ?
SM : Beaucoup de producteurs souhaitent construire des magasins de stockage, mais il nous faudrait davantage de moyens. A la période de production, le prix de l’oignon est bas (7 000 FCFA), mais 3 à 4 mois après, le même sac peut se vendre à 40 000. C’est pourquoi nous cherchons à construire des abris de stockage. Grâce à l’appui de certains partenaires nous avons pu en construire 22, mais 22 abris à l’échelle des 8 régions du Niger, c’est totalement insignifiant par rapport à la production.
L’oignon se conserve très bien, quand on suit les bonnes techniques de production et de récolte. En effet, si on utilise trop d’engrais, le stockage est moins efficace. C’est pourquoi au niveau de la fédération nous sommes maintenant en train de produire du compost, qu’on vulgarise et vend à vil prix (2 500 FCFA le sac, à comparer au sac d’engrais subventionné par l’Etat qui coûte 13 500 FCFA). L’engrais minéral est donc plus cher, et ne permet pas un bon stockage des oignons.

IR : Y a-t-il d’autres filières maraichères d’importance ?
SM : En dehors de l’oignon et de la pomme de terre, il y a aussi une autre filière clé : le sésame. Nous avons plus de 60 coopératives de sésame. Ce sont des femmes qui font du sésame, de la production jusqu’à la transformation en huile, biscuit, et savon. Les moyens de transformation utilisés sont très artisanaux, mais tout récemment, avec la FAO et à travers le ROPPA, nous avons organisé à Ouagadougou des formations pour ces productrices, portant sur des nouvelles techniques de transformation, pour augmenter la quantité et la production d’huile de sésame. Les quantités d’huile de sésame produites sont insuffisantes pour que nous en exportions, nous l’écoulons sur le marché local à 6 000 ou 7 000 FCFA le litre. Il y aurait une filière à développer pour les cosmétiques, puisque ceux-ci sont friands de ce genre de produits. C’est une filière qui peut être très rentable, puisqu’une femme raconte avoir commencé en 2008 l’activité de production et de transformation d’huile de sésame avec 10 000 FCFA et avoir terminé la saison avec plus de 100 000 FCFA.

IR : Quel a été l’impact des récentes inondations sur les producteurs ?
SM : Plus de 1185 hectares ont été inondés. Il y a 5454 chefs d’exploitation concernés, soit 38561 personnes au total. En 2010, il y a déjà eu des inondations, mais ce n’était pas avec le même degré. On estime que les inondations de 2012 sont sans précédent depuis plus d’un siècle, en termes de pluies. Des maisons se sont effondrées. L’ensablement du fleuve Niger est une des raisons de ces inondations : le lit du fleuve est tellement rempli de sable qu’une fois que l’eau arrive, au lieu d’être retenue par le lit, elle s’étale. C’est pourquoi la fédération fait également de la récupération de sable, pour éviter d’engorger le lit du fleuve, et nous creusons également des trous pour retenir l’eau de pluie. Nous faisons ainsi de la récupération de terres avec l’appui de partenaires. Nous avons déjà récupéré des centaines d’hectares en 2010.

Le Crédit Documentaire
Avec l’appui méthodologique de la FAO (à travers le projet IARBIC – Intensification de l’agriculture par le renforcement des boutiques d’intrants), la FCMN-NIYA a conduit une expérience de crédit documentaire (CREDOC) afin d’importer des semences de pommes de terre. Le principe du CREDOC est de faciliter à la fois l’expédition des marchandises et le paiement à l’expéditeur, par l’intermédiaire des banques.
Après avoir collecté les besoins de ses coopératives membres, la FCMN a rencontré des interlocuteurs de GERMICOPA, premier producteur de semences de pommes de terre en France. Les deux parties se sont entendues sur les conditions du contrat, qu’elles ont notées sur une facture dite pro forma. La FCMN a ensuite demandé l’ouverture d’un CREDOC à la Bank of Africa du Niger, qui a pris contact avec la BNP, banque choisie par GERMICOPA. Une fois que le semencier a eu la garantie que la FCMN bénéficie d’un CREDOC (et donc la garantie d’être payé), il a expédié les semences et a remis les documents d’envoi à la BNP, qui lui alors payé les semences. La BNP a ensuite remis ces documents de CREDOC à la Bank of Africa, qui lui a transféré les fonds déboursés pour le règlement des semences. La Bank of Africa, elle, a remis à la FCMN les documents CREDOC (y compris le connaissement) contre paiement de la marchandise.
La FCMN-NIYA a produit un document explicatif du crédit documentaire, qui relate plus en détail son expérience en la matière :
http://www.inter-reseaux.org/IMG/pdf_Commande_groupe_de_pommes_de_terre_V2-1.pdf

Restez informé⸱e !

Abonnez-vous à nos publications et bulletins pour les recevoir directement dans votre boîte mail.

  • Ce champ n’est utilisé qu’à des fins de validation et devrait rester inchangé.

Autres articles qui pourraient vous intéresser