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publié dans Ressources le 21 mars 2006

Entretien avec Rachid Slimani, aviculteur dans la plaine de la Mitidja en Algérie.

Anne Perrin

AvicultureAlgérie

GDS : pouvez-vous nous présenter votre activité, votre exploitation, etc. ?

Rachid Slimani : Je suis aviculteur dans la Mitidja, du côté de Sidi Moussa (une vingtaine de km à l’ouest d’Alger), je m’occupe principalement d’un élevage de 4800 poules pondeuses. Mon exploitation est familiale, elle s’étend sur 20 hectares. Nous vivons à dix personnes de cette exploitation. Je suis propriétaire du terrain, qui m’appartient depuis toujours, ce qui n’est pas rien dans une région réputée très chère. Outre l’élevage, je cultive des oranges et des nèfles, vendus sur pied au marché de gros (de 20 à 40 dinars le kg). Avec environ 10 hectares d’oranges, je produis environ 30tonnes / ans, à 30 qx/hectares. Les nèfles sont réservées à la consommation locale, très appréciées en Algérie, elles sont encore peu connues en Europe. En Algérie, les nèfles sont beaucoup consommées en confiture, une fête annuelle est organisée vers la fin mars-début avril. L’écoulement de la surproduction n’est pas facile. On ne produit pas de blé dans la Mitidja. Je fais en revanche des pommes de terre. Je possède un tracteur et un socle. J’embauche une dizaine de salariés en période de récolte (pour les nèfles, avril-mai et décembre). Ces salariés, que je loge, sont des jeunes. Je me fournis en intrants – engrais et pesticides- chez des entrepreneurs privés, il n’y a pas d’autre source, mais cela est très cher. Les informations sur les risques (par exemple concernant la grippe aviaire) sont partagées entre paysans, mais l’État surveille également les exploitations, soumises à des contrôles sanitaires. Le financement de l’agriculture n’est pas évident en Algérie. Il existe bel et bien une banque agricole de développement rural, et la caisse nationale de mutuelle agricole, qui proposent également des assurances. On peut avoir accès au crédit (à hauteur de 70% d’un projet), avec des taux d’intérêts de 7 à 8% par an.

GDS : Quelles ont été les conséquences du conflit sur votre exploitation ?

RS : Pendant 2-3 ans nous avons tout simplement dû quitter l’exploitation. Les terroristes pillaient les récoltes pour les vendre, les militaires nettoyaient le terrain… rester sur place eut été très dangereux. Au retour, nous n’avons eu aucune aide. Contrairement à aujourd’hui, où un plan d’aide à l’agriculture a été lancé : l’État a donné du matériel. En Kabylie, de nombreux exploitants se sont lancés dans les olives. J’ai quant à moi commencé l’apiculture. L’exploitation est irriguée par un système combiné de forages et de goutte à goutte. Nous ne payons pas l’eau, mais il est de plus en plus difficile d’y accéder (aujourd’hui un forage doit aller à 80 mètres de profondeurs, contre 10 mètres seulement il y a quelques années).

GDS : Vous mentionnez des difficultés dans la commercialisation des produits agricoles, pouvez-vous nous donner des exemples ?

RS : Ces dernières années il y a surproduction. Pas de planification stricte : le marché de gros est sur approvisionné. Le problème c’est que l’État ne réglemente pas et ne fixe pas les besoins. En apiculture par exemple, certains ne paient pas d’impôts, ce qui crée une concurrence déloyale

GDS : Qu’en est-il de la politique agricole du gouvernement algérien selon vous, et quels sont les enjeux pour l’avenir des paysans algériens ?

RS : Il y a bel et bien une politique agricole, mais le problème que nous rencontrons est le manque de dialogue avec les paysans. Ils souhaitent être associés dans la mise en place de cette politique et revendiquent cette présence dans une loi. Nous sommes mis au courant des accords, mais jamais consultés. Le ministère de l’Agriculture par exemple est parti à la rencontre de l’OMC à Hong Kong, mais à ma connaissance il n’y a pas eu d’OP déléguée. Un conflit a même éclaté entre l’union nationale des paysans et le ministère à ce propos. L’État a parfois des gestes assez incohérents. Par peur de pénurie de lait dans la perspective de l’accord d’association à la zone de libre échange de l’Union européenne , il distribue des vaches laitières presque gratuitement (les bénéficiaires doivent payer 20% seulement du coût) sans même vérifier que ces derniers sont en mesure de les faire paître, ont le terrain suffisant, les moyens pour les nourrir, etc.

GDS : Qu’en est-il du mouvement associatif paysan algérien ?

Sous le régime de parti unique, on trouvait une union nationale des paysans algériens. Le mouvement associatif redémarre peu à peu. On trouve ainsi une union des paysans algériens , il existe aussi une union des apiculteurs, avec neuf membres, elle se réunit tous les 15 jours dans une salle prêtée par la chambre d’agriculture. On y traite de droits, impôts, vente. Les réunions se sont multipliées avec la grippe aviaire pour sensibiliser les gens (les œufs ne peuvent être importés du fait notamment de la grippe aviaire). La chambre d’agriculture s’occupe de nombreux secteurs : formation, information, organisation des foires. À la chambre d’agriculture d’Alger, il y a environ 15 membres, qui sont des associations. Chaque association représente une filière. Il n’y a pas d’organisation paysanne.

Propos sur différents sujets…

… sur la sécurité alimentaire

« Il n’y a pas de problème de sécurité alimentaire en Algérie. Le problème c’est que notre agriculture n’est pas subventionnée du tout. Il n’existe pas de système d’information sur les marchés, c’est le règne de l’offre et la demande sur les marchés de gros. L’an dernier face à la surproduction de tomate un transformateur a tout acheté, ce qui a fait monter les prix. »

… sur la mondialisation.

« La baisse des droits de douane sur les importations de sucre a entraîné une baisse de 20% sur les coûts, mais les importateurs ont tout acheté. Le sucre augmente, il est toujours plus cher pour le consommateur. »

… sur la question foncière

« En 1988, l’État algérien a distribué les terres aux gens qui les cultivaient et à des ingénieurs et ministres. La distribution s’est divisée en deux : d’un côté les exploitations agricoles individuelles, de l’autre les exploitations agricoles collectives. La réforme foncière est une affaire compliquée, et nous avons d’ores et déjà eu plusieurs scandales à ce propos. Les EAI et les EAC sont encore la propriété de l’État, qui les a loués pour 99 ans. Or certains se sont désistés et vendent leur droit à l’exploitation. Parmi les acheteurs on trouve de tout, avec certains gros investisseurs (Arabes du Golfe, Français… Gérard Depardieu a acheté de la vigne, en association avec un Algérien, du côté de Tlemcen). Sur la Mitidja, il n’y a désormais plus de place pour développer l’agriculture. Des terrains demeurent sur les hauts plateaux, et dans le sud du pays. » « La dégradation des structures foncières Le démembrement de la grande exploitation est le fait le plus marquant de l’évolution des structures foncières de ces quinze dernières années. A la fin des années 1970, les grandes exploitations de plus de 100 ha couvraient encore 42% de la SAU (3 252 680 ha). En 2001, la grande exploitation ne concerne plus que 11,7% de la SAU (990 825 ha). Si la grande exploitation est en voie de disparition, le nombre de très petites et petites exploitations a fortement progressé. Il passe de 437 000 en 1961 à 716 975 ha. Les superficies cultivées par ces exploitations passent de 18,7% de la SAU à 25,5%. La taille moyenne régressant de 4,74 ha à 3 ha. Elles sont donc plus nombreuses et plus petites. La superficie moyenne des 1 023 000 exploitations, un accroissement de plus de 60% de 1960 à 2001, est passée de 11,9 ha à 8,26 ha. Tout indique, il est clair, qu’une telle structure ne favorise pas la modernisation d’exploitation et l’investissement. Il n’y a plus assez de terres pour employer et nourrir ceux, toujours plus nombreux, qui sont en surnombre sur les exploitations. » Aït Amara, El Watan, 12 octobre 2004.

… sur les évolutions technologiques

« Nos besoins les plus criants aujourd’hui sont en technologie ; l’agriculture algérienne est aujourd’hui encore essentiellement basée sur des méthodes traditionnelles. Les OGM ? ils sont apparus, mais encore de façon très marginale. J’ai commencé moi-même avec des fraises. »

…sur la sécurité

« Les problèmes connexes c’est encore un certain manque de sécurité, et le manque d’information de l’État sur sa politique. »

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