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publié dans Ressources le 29 juin 2012

De graves perturbations dans le processus d’approvisionnement des producteurs en intrants

Alain-Marie NOUNAGNON

CotonOrganisations interprofessionnellesBénin

La crise qui a marqué la fin de la campagne 2011-2012 a des répercutions négatives sur le déroulement de la campagne 2012-2013 au point que certains acteurs n’écartent pas l’éventualité d’une année sans coton. Les craintes de ces acteurs se fondent essentiellement sur les graves perturbations enregistrées au démarrage du processus d’approvisionnement des producteurs en intrants, qui se poursuivent.

C’est par l’avis d’appel d’offres N°01/12/CAOI du 03 Février 2012 paru dans plusieurs journaux de la place que l’AIC a invité les soumissionnaires éventuels à se procurer le cahier des charges en vue de leur participation au processus d’approvisionnement en intrants des producteurs de coton au titre de la campagne 2012-2013. Contre toutes attentes, le 28 Février 2012, date d’ouverture des plis, l’AIC reçoit de la part du Ministre de l’Agriculture, de l’Elevage et de la Pêche (MAEP), la lettre N°031/MAEP/SP l’invitant à suspendre les travaux dépouillement des offres. La cause serait, selon la même correspondance, « des menaces de perturbation de la campagne 2012-2013 qui pourraient être mises en exécution si l’AIC persistait à maintenir le Tihan 175 O-TEQ dans le programme de traitement phytosanitaire du cotonnier ». Ce fut la porte ouverte pour plusieurs avenants au cahier des charges et donc à plusieurs reports des travaux de dépouillement des offres. C’est finalement le 13 Avril 2012 que les travaux ont pu se poursuivre avec la présence inédite de trois (3) Ministres du Gouvernement et de plusieurs conseillers du Chef de l’Etat. Les sociétés adjudicataires sont : SDI classée première et DFA classée deuxième aussi bien pour le Lot N° 1 (engrais) que pour le lot N° 2 (insecticides).

Renversement de situation
Les griefs portés contre l’AIC dans le conflit qui l’oppose au MAEP, étaient nombreux et le Chef de l’Etat, lors d’une rencontre avec les cadres du MAEP a annoncé la mise sur pied immédiate d’une Commission d’enquête internationale pour évaluer la production de coton de la campagne 2011-2012. La Commission d’enquête n’avait pas encore déposé son rapport quand, le Mercredi 25 Avril 2012, l’Administrateur de la Centrale de Sécurisation des Paiements et de Recouvrement (CSPR-GIE) a été arrêté. Le Jeudi 26 Avril 2012, ce fut le tour de trois hautes personnalités de l’AIC dont le PDG de la Société SDI, le célèbre homme d’affaires Patrice TALON. Un Conseil Extraordinaire des Ministres tenu le 29 Avril 2012 a décidé entre autres l’abrogation du décret N° 99-537 du 17 novembre 1999 portant transfert au secteur privé de la responsabilité de l’organisation des consultations pour l’approvisionnement en intrants agricoles. Le même Conseil des Ministres responsabilisait la Société Nationale pour la Promotion Agricole (SONAPRA) pour l’organisation de l’approvisionnement des producteurs en intrants au titre de la campagne 2012-2013.

Compte tenu de l’imminence du démarrage de la campagne, la SONAPRA dispose de moins d’un mois pour porter les intrants et surtout les herbicides et les engrais aux producteurs de coton. Plusieurs appels d’offres restreints ont été lancés et se sont tous révélés infructueux. C’est alors que le Directeur Général de la SONAPRA, M. Idrissou BACO, lors d’une rencontre informelle indiquait « qu’il était nécessaire d’engager des négociations avec les sociétés SDI et DFA en vue d’arrêter un modus operandi sur la livraison et la mise en place des intrants (herbicides, engrais et insecticides) ». Au cours de la réunion du 14 Mai 2012 qui fait suite à cette déclaration, le Président de l’AIC, M. Mathieu ADJOVI signale « qu’il prend acte de la décision de la commande par l’Etat d’un stock tampon auprès de la société WABCO COTIA (recalée à l’ouverture des plis du 13 Avril 2012) et qu’il tient à ce que les conditions de marché qui seront appliquées aux sociétés SDI et DFA soient identiques à celles déjà appliquées à la société WABCO COTIA [[Un marché d’engrais conclu de gré à gré avec la société WABCO COTIA a été notifié par la SONAPRA le mardi 1er Mai 2012 pour un montant de 13.688.000.000 F CFA sur financement du budget national]] ». Il faisait ainsi allusion au paiement au comptant. Si tel est le cas, a-t-il poursuivi, « 75.500 tonnes d’engrais (NPKSB et Urée) seront livrées à la SONAPRA à partir du 21 Mai 2012 en même temps que des herbicides et les autres produits phytosanitaires ».

Le véritable point d’achoppement entre les deux parties : le Gouvernement représenté par la SONAPRA et le MAEP et les acteurs privés de la filière coton représentés par l’AIC), était la modalité de paiement. Pour l’AIC, il est indispensable de s’accorder sur des modalités de paiement qui garantissent le remboursement des banques (tiers détentrices des produits) et le recouvrement des crédits intrants auprès des producteurs. Pour le Gouvernement, l’urgence c’est la mise en place des intrants. Les autres sujets peuvent être discutés à l’occasion d’autres rencontres. Chaque partie étant bien campée sur sa position, il n’y avait plus d’issue pour les négociations.

Braquage ou holdup ?
Les mots ne sont pas assez forts pour qualifier les actes posés par le Gouvernement dans le week end du 08 au 10 juin 2012. Une horde de militaires lourdement armés a pris d’assaut les magasins de la société SDI sur le parc Atral à Allada, le vendredi 8 juin 2012. Seize mille (16.000) tonnes d’engrais ont été alors enlevées et convoyées vers les communes où se produit du coton. Le Dimanche 10 juin au petit matin, des militaires de la Présidence de la République sont allés en haute mer (avec le tout nouveau patrouilleur) pour réquisitionner le navire C. Handy battant pavillon Marshall Island. Ce navire qui avait dû quitter précipitamment le port de Cotonou la veille à la suite des opérations sur le parc Atral où sont déposées les 16.000 tonnes d’engrais qu’il venait de décharger. Il transportait en effet 27.000 tonnes d’engrais pour le compte de la société SDI de Patrice TALON. Le navire repartait avec les 11.000 tonnes restantes pour une destination inconnue. Un conseil extraordinaire des Ministres s’est réuni le dimanche 10 juin 2012 pour tenter de justifier les actes sans toutefois convaincre l’opinion publique. Plus tard, c’est au cours d’une conférence de presse que les Ministres en charge de l’agriculture, du développement et de l’économie ont fourni des explications comme quoi les engrais réquisitionnés ont été régulièrement payés à la société SDI et mieux, ont-ils déclaré, « Deux milliards francs CFA ont été versés à la société DFA comme préfinancement pour la cargaison d’Urée qu’elle attend dans quelques semaines ».

Après tous ces actes que la presse locale a qualifié de «voie de fait» préjudiciables pour la filière, la SONAPRA a pu approvisionner les producteurs du bassin cotonnier en engrais et certainement aussi en herbicide. Est-elle sûre de pouvoir mettre la main sur les autres intrants ? Wait and see !

Alain-Marie NOUNAGNON

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