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publié dans Ressources le 9 août 2018

Article : “Des mesures nationales pour favoriser l’aval des filières : le cas du Niger”

Adamou Danguioua/Haut Commissariat à l’Initiative 3N

Sécurité alimentaire et nutritionnelleNigerAnalyse, synthèse

Dans le but de favoriser l’aval des filières vivrières (répondre aux exigences et aux besoins des populations, encadrer les exploitations familiales, etc.), l’Etat du Niger a entrepris la mise en œuvre d’un certain nombre de mesures, tout en s’appuyant sur les législations régionales. Qu’en est-il ?

Du développement du commerce intra-africain de produits et services agricoles

En perspective du développement du commerce intra-africain de produits et services agricoles, les Etats membres de l’UEMOA doivent appliquer de manière effective les textes relatifs à la libre circulation des personnes et des biens, particulièrement des produits agricoles et alimentaires. Pour le Niger, cette application a notamment consisté en la prise de mesures spécifiques : un cahier des charges élaboré par le Comité National de facilitation des transports ; l’application des bons d’enlèvement ; et la réduction du nombre de documents exigibles à l’import et à l’export des marchandises.

Le Niger a également pris plusieurs mesures, régulièrement évaluées par l’Observatoire des Pratiques Anormales (OPA), au sein du Conseil National des Utilisateurs des Transports (CNUT). Ces mesures visent la réduction de tracasseries routières (financières et non financières) le long des corridors commerciaux avec la création de deux postes de contrôle juxtaposés (Makalondi et Malanville) ; l’organisation de patrouilles mixtes ; la suppression de certains postes de contrôle (comme ceux de Tsernawa, ou de Tillabéry) ; l’exonération des droits d’entrée des produits céréaliers et la suppression des fouilles sur les camions scellés.

La principale difficulté rencontrée est l’insuffisance de sensibilisation des textes pour l’appropriation des textes en vigueur.

De l’amélioration de la commercialisation des céréales

La commercialisation des céréales est facilitée par la réglementation de la commercialisation et de l’établissement de normes, dont les mesures sont prises en application de dispositions communautaires. Le Système Harmonisation des Normes (ECOSHAM) a adopté à Niamey, en octobre 2017, une cinquantaine de normes harmonisées, dont dix sept sur les produits agricoles et alimentaires. Ces normes ont l’avantage de faciliter les différents échanges entre les Etats membres.

On retrouve ainsi par exemple, un arrêté qui fixe le taux et les modalités d’acquittement et de perception des taxes et redevances dans le cadre du contrôle, de la certification et de la commercialisation des semences végétales et plants. Concrètement, cela permet de favoriser la commercialisation de céréales car la traçabilité des semences de qualité aux produits de consommation contribue à la confiance des consommateurs. On retrouve également une liste nationale des nuisibles de quarantaine qui doit être mise à jour. Il est aussi élaboré une liste des agents habilités à exécuter des vérifications de conformité. Enfin, on retrouve une loi qui encadre le conditionnement des produits. Elle porte sur l’interdiction de la production, de l’importation, de la commercialisation, de l’utilisation et du stockage des sachets et des emballages en plastique souple à basse densité.

En plus de ces mesures, des efforts de réalisations de pistes de désenclavement des zones de production et de desserte des lieux de consommation ont été entrepris. C’est notamment le cas du Projet d’Appui à la Sécurité Alimentaire et au Développement dans la région de Maradi (PASADEM) qui a réalisé un maillage de pistes rurales permettant de désenclaver les bassins de production par rapport aux marchés. Le projet facilite également l’accès aux marchés des producteurs et consommateurs.

D’une manière générale, la principale difficulté rencontrée dans la réalisation de ces investissements structurants est le retard dans les travaux et la faible capacité de certaines entreprises.

L’accompagnement et le parrainage des bourses céréalières

Une bourse céréalière est définie comme un « lieu de rencontre entre l’offre et la demande en céréales, en vue de transactions commerciales entre zones excédentaires et zones déficitaires. La bourse étant un marché ouvert, tous les acteurs de la filière céréalière y trouvent des opportunités d’achat, de vente, et d’information sur les prix, les quantités disponibles dans les localités représentées, le transport, etc., négocient en vue d’aboutir, séance tenante ou après, à des contrats ».

Au Niger, depuis les années 1990, les acteurs des bourses céréalières sont accompagnés par la Direction de l’action coopérative et de la promotion des organisations rurales (DAC/POR) du Ministère de l’Agriculture. L’organisation des bourses a toujours été parrainée par les autorités, au niveau national et régional car cela participe de la valorisation de la filière. En effet, la bourse céréalière est une manifestation qui regroupe en cours de campagne de commercialisation et en un même lieu, les acteurs et partenaires de la filière afin de : faciliter les échanges céréaliers ; trouver des marchés pour écouler leurs surplus ; s’informer sur les caractéristiques du marché ; se former sur les techniques de commercialisation ; et rencontrer des partenaires afin de tisser des relations durables. Elle permet également aux organisations paysannes des zones déficitaires de s’approvisionner facilement en céréales de qualité et à un prix étudié.

De l’institutionnalisation des mécanismes d’amélioration de l’accès au financement

La question du financement du secteur agricole est une des principales préoccupations du développement de la sécurité alimentaire et nutritionnelle et du développement agricole en Afrique de l’Ouest et au Niger. Face à l’insuffisance de ces crédits, le Haut-commissariat de l’Initiative intitulée « Les nigériens nourrissent les nigériens » (I3N), a réalisé entre 2015 et 2016, une étude sur la mise en place d’un fonds sécurisé pour les investissements agricoles (FISAN), qui est le volet agricole de la stratégie finance inclusive.

Le FISAN est un établissement public de financement, disposant d’un ensemble de facilités accessibles aux producteurs, aux entreprises, et aux collectivités et communautés rurales pour des investissements structurants pour tous les segments de la chaine des valeurs des filières agropastorales et alimentaires. Il comporte trois mécanismes appelés Facilités : Facilité 1 «Soutien au financement Agricole», relative à l’appui au crédit et qui valorise le dispositif de financement des banques et des Systèmes Financiers Décentralisés ; Facilité 2 «Financement des Investissements structurants Agricoles» ; Facilité 3 : «Financement du conseil Agricole, de la recherche et du renforcement de capacités».

Son objectif est de promouvoir à la fois l’investissement public et privé dans le domaine de la sécurité alimentaire et nutritionnelle, et du développement agricole durable à travers des instruments financiers adaptés. Il vise également à mettre plus de cohérence dans les pratiques de financement, à travers la mise en place d’un mécanisme de référence et des règles et modalités de financement harmonisé.

Par ailleurs, de nombreuses ONG internationales appuient le Niger dans la mise en place d’institutions de micro-finances pour améliorer l’accès des acteurs des chaines de valeurs aux ressources financières. L’État quant à lui, a mis l’accent sur les petites entreprises du secteur agricole, en perspectives de : procurer des revenus décents à cette catégorie d’exploitants qui est majoritaire ; réduire la pauvreté qui est essentiellement rurale au Niger, et créer des emplois afin de limiter l’exode rural.

Du développement de l’entreprise

Le Niger a mis en place un cadre juridique et institutionnel pour la réalisation de projets en partenariat public-privé (PPP), le pays dispose ainsi d’une réglementation sur ces contrats dans sa loi PPP de 2011. L’unité PPP est la Cellule d’appui aux PPP (CAPPP) mise en place en 2012. Un des domaines traités concerne le développement de chaînes de valeur des produits agricoles prioritaires pour lesquelles un PPP devra être établi avec un lien étroit avec l’agriculture des petits exploitants.

Le PPP crée des opportunités d’investissement pour les exploitations familiales, qui sont ainsi liées aux autres segments de l’économie locale. A titre d’illustration, la stratégie d’intervention du Projet d’Appui à la Sécurité Alimentaire et au Développement dans la région de Maradi (PASADEM) vise à contribuer au développement de l’agriculture familiale, à travers la construction d’un PPP à différents niveaux. Il s’appui sur une approche « pôle de développement économique » autour de cinq marchés de demis gros de la Région de Maradi. Les PPP mettent également un accent sur les moyennes et grandes entreprises pour la réalisation d’investissements structurants, éléments importants pour un développement durable.

De l’amélioration de l’état nutritionnel par l’enrichissement des aliments

Le profil nutritionnel de la population au Niger est caractérisé par de fortes prévalences de malnutrition sous les formes de sous nutritions aiguë et chronique, de surnutrition et de carences en micronutriments. L’émergence des problèmes de nutrition liés aux maladies non transmissibles crée un double fardeau nutritionnel pour les populations au Niger. Cette nouvelle problématique, bien que très peu cernée du fait de la faible disponibilité de données actualisées et du faible investissement dans sa prise en charge, est un fléau latent. En effet, le profil Pays sur l’enrichissement des aliments, élaboré en juin 2017 par le HC3N en collaboration avec la délégation de l’Union Européenne, a montré que les carences nutritionnelles représentent un véritable problème de santé Publique au Niger. L’anémie touche 7 enfants de 6 à 59 mois sur 10, soit 73% et une femme en âge de procréer sur deux, soit 56%. La déficience en vitamine A est estimée à 67 % tandis que l’obésité est évaluée à 3,2 %.

Pour mieux contrôler les carences et prévenir les maladies non transmissibles liées à la nutrition comme l’hypertension avec 3 adultes sur 10 hypertendus et 2 adultes diabétiques , des actions qui prennent en compte : la mise en place d’un cadre règlementaire en matière de fortification et des plateformes de concertation multi-acteurs ; le renforcement de la production et de la commercialisation de farines infantiles ; la promotion des pratiques optimales de nutrition. Ces mesures sont inscrites dans l’engagement 7 de la politique nationale de sécurité nutritionnelle (PNSN), 2017-2025.

Le succès de cet engagement dépend de la gouvernance du secteur assuré par le HC3N et de l’effectivité de la mise en œuvre des interventions spécifiques et sensibles, dans le secteur de la santé et dans le domaine de l’Agriculture et systèmes alimentaires sensibles à la nutrition. Une alliance nationale pour la fortification est mise en place à cet effet pour une meilleure coordination multi-sectorielle. Un plaidoyer en vue de mobiliser davantage de ressources est également en cours.

Des politiques publiques pour le développement de l’agriculture familiale

Les mesures analysées dans cette contribution sont en application des politiques publiques qui consacrent une grande place au développement de l’agriculture familiale, les groupes vulnérables et la promotion du secteur privé. Il s’agit notamment, de l’Initiative 3N, de la politique commerciale du Niger, ou encore de la politique nationale de sécurité nutritionnelle.

Adamou Danguioua est directeur de la programmation, des études et prospectives au Haut Commissariat à l’Initiative 3N, au Niger.

Certains éléments de cet article se fondent sur : L’analyse de la situation nutritionnelle, REACH Niger, 2012.

Nous vous recommandons également la lecture du Grain de Sel n°75, consacré à l’aval des filières vivrières

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