En théorie, la contribution de la motorisation au développement des secteurs agricoles, industriels et commerciaux est connue. Elle facilite la réalisation d’opérations exigeantes en énergie comme les travaux du sol, améliore les performances des opérations demandant de la technicité comme le semis et les sarclages, permet d’accroître les superficies cultivées et de valoriser le travail humain libéré à des tâches moins pénibles ou plus productives. Au niveau des exploitations agricoles, ces améliorations sont évaluées par l’augmentation de la production et de la productivité (terres, main d’œuvre) et la réduction des coûts de production.

En Afrique subsaharienne, la motorisation agricole est encore peu répandue aujourd’hui (voir Grain de Sel n°48). Ceci est dû en partie à un contexte agronomique, politique, géographique et économique peu favorable, ne permettant pas l’emploi efficace de la motorisation. Ce dernier implique une formation spécifique, non seulement technique (utilisation de la machine) mais aussi agronomique (gestion du patrimoine sol) et économique. Cette formation doit être prolongée par une période d’apprentissage de quelques années pour adapter les connaissances aux contextes. Enfin une organisation durable de la fabrication, de la distribution et de la maintenance des matériels est nécessaire pour la reproductibilité de la filière. Or, aujourd’hui, les relais institutionnels et privés capables d’assurer les fonctions de production et d’appui en motorisation agricole sont encore très peu nombreux et les besoins des nouveaux acteurs impliqués (organisations professionnelles, producteurs, artisans…) ne sont pas clairement exprimés et difficiles à identifier. En effet, les producteurs ont des connaissances et un savoir-faire limités dans le domaine et ne sont pas suffisamment organisés. Le rôle de ces organisations est encore souvent ambigu et trop vaste.

Ainsi à l’échelon d’un pays, la motorisation agricole doit répondre aux besoins du secteur agricole et des acteurs impliqués. Il s’agit donc de choisir les formules les plus appropriées permettant d’atteindre les objectifs économiques et de développement. Ensuite, le choix des équipements dépend du milieu naturel et des spéculations cultivées. Ce choix s’appuie sur les caractéristiques techniques et le coût des équipements, mais aussi sur les caractéristiques et les capacités de gestion des acteurs.

Étude des besoins de motorisation agricole

L’étude des besoins de motorisation agricole demande au préalable de :

  • connaître les filières, les systèmes de production agricoles et les modes d’utilisation de l’espace agricole permettant aux agriculteurs d’investir ;
  • caractériser l’environnement économique et institutionnel de l’agriculture (crédit, subvention, mesures fiscales et douanières, organisation de la profession) ;
  • identifier les problèmes de fabrication, de distribution et d’entretien de matériels agricoles, de formation, de recherche, de diffusion de l’information et de conception des programmes d’appui à la gestion de cette motorisation.

Ceci montre que les politiques à mettre en œuvre requièrent une approche adaptée, dont la formulation de stratégies nationales de motorisation agricole constitue la première étape. Ces stratégies doivent permettre de mieux appréhender les questions suivantes : – Quels sont les besoins réels de motorisation des agriculteurs? Quelles sont les échelles pertinentes d’intervention ? – Quelle doit être l’implication des États dans le secteur de la motorisation agricole ? – Quelles répercussions aura la motorisation sur l’emploi en milieu rural ? – Quelles seront les nouvelles tâches et fonctions induites par la motorisation ? – Les organisations professionnelles peuvent-elles prendre en charge la gestion de la motorisation, où au contraire s’impliquer dans les activités de services (crédit, approvisionnement, formation et conseil)? De quelles compétences ont-elles besoin pour s’impliquer davantage dans ce secteur ?

L’obligation de conservation des ressources n’est envisageable qu’avec une utilisation maîtrisée de la motorisation et avec une réforme des droits fonciers garantissant l’usufruit de leurs investissements aux agriculteurs. La motorisation est utilisée, en priorité, pour les activités exigeantes en énergie, tant que les salaires agricoles resteront faibles. Cette situation rend la motorisation trop coûteuse par rapport à la main d’œuvre familiale et salariée pour les opérations exigeantes en technicité, comme les sarclages et les récoltes. In fine, l’utilisation de la motorisation agricole doit viser la croissance économique, l’équité sociale, la conservation de l’environnement, et la reproductibilité à long terme des systèmes assurant un développement durable de la motorisation.

Ensuite, les possibilités techniques de mécaniser et les modes de mise en valeur des terres agricoles sont déterminés par l’accès au marché et l’évolution des densités de population. Le choix des matériels motorisés d’un acquéreur (agriculteur, OP, privé) doit prendre en compte :

  • l’environnement dans lequel seront utilisés ces matériels : approvisionnement en matériels, infrastructures de fabrication, d’entretien et de maintenance, moyens financiers, comme les crédits, les mesures fiscales et les subventions, et compétences des différents intervenants ;
  • l’intérêt de son introduction ;
  • les conditions de sa mise en œuvre : facteurs et conditions d’utilisation de la motorisation, et du choix des matériels, etc.
  • les niveaux de puissance et les équipements qui semblent les plus adaptés…

Dans un second temps, le suivi et l’évaluation des solutions retenues sont des tâches importantes des structures chargées du conseil, afin de leur permettre d’enrichir leur expérience, et d’accumuler des références utiles pour améliorer leur efficacité.

Vous pouvez consulter les documents suivants qui présentent de façon plus détaillée les besoins, les choix et la gestion des matériels motorisés :

  • Pirot R. 1998 (coordonnateur). La motorisation dans les cultures tropicales. Montpellier, CIRAD, collection Techniques, 351 p. ISBN 2-87614-322-4.
  • Havard M., 2002. La motorisation : choix technique du matériel et coût des équipements. CR-ROM. In : Mémento de l’agronome, Montpellier, CIRAD.

Les modes de gestion de la motorisation

Quelque soient les pays, de fortes similitudes existent dans les modes de gestion de la motorisation rencontrées (appropriation individuelle, entreprises, groupements et autres formes associatives) et en terme d’incertitude des marchés. Dans tous les cas, les choix de d’équipements agricoles retenus par les agriculteurs et entrepreneurs ont des répercussions importantes sur les méthodes de travail et les productions. Ces choix les engagent pour plusieurs années, nécessaires pour amortir les matériels, parfois spécifiques d’une culture. Ceci peut freiner considérablement leurs évolutions et adaptations à un environnement politique et socio-économique de moins en moins stable.

Dans les pays d’Afrique subsaharienne, l’acquisition de chaînes motorisées complètes est souvent hors de portée technique et financière des agriculteurs. Le travail à l’entreprise ou en coopérative permet aux exploitations de petite taille d’y avoir accès, au moins pour les tâches les plus pénibles. On parle alors de mécanisation partagée, ce qui signifie qu’un équipement ou matériel est utilisé sur plusieurs exploitations agricoles, qu’il appartienne à un ou plusieurs propriétaires. Cet équipement véhicule un savoir-faire (ne serait-ce que celui nécessaire à sa mise en œuvre) qui est alors lui-même partagé. Dans certains cas, le partage de l’équipement entraîne nécessairement celui d’une main d’œuvre qualifiée indispensable à l’utilisation ou à la maintenance de l’équipement. Dans d’autres cas, c’est le besoin de partager de la main d’œuvre (un chauffeur de tracteur par exemple), qui amène à partager l’équipement servi par cette main d’œuvre.

Ces agriculteurs et entrepreneurs cherchent à réduire leurs charges de mécanisation et à trouver des alternatives leur permettant de mieux faire face aux adaptations et changements nécessaires à l’évolution de leurs activités. Leurs besoins et demandes en appuis et en conseil dépassent les problèmes techniques et comptables. Ils se diversifient et deviennent plus complexes. Il est donc nécessaire aux conseillers spécialisés de connaître les caractéristiques techniques et les performances des matériels adaptés à chaque type d’opérations culturales, mais aussi les effets des travaux mécanisés dans des conditions diverses d’utilisation.

Les structures chargées du conseil et de l’appui doivent s’adapter à cette nouvelle situation et disposer de nouveaux outils pour y faire face. La recherche et les instituts techniques des pays industrialisés ont développé plusieurs types d’outils (base de données, outils de gestion, outils d’aide à la décision) adaptés à leurs situations (nombreuses références et connaissances disponibles, intérêt porté surtout sur l’exploitation agricole et les associations type Coopérative d’Utilisation de Matériels Agricoles…, niveau élevé de formation des agriculteurs et des conseillers) (Figure 1).

Les outils et les moyens nécessaires pour l’aide à la décision en mécanisation
Les outils et les moyens nécessaires pour l’aide à la décision en mécanisation
Figure 1. Les outils et les moyens nécessaires pour l’aide à la décision en mécanisation

La connaissance précise des performances techniques des équipements par rapport aux travaux demandés (adaptation du matériel, temps de travaux horaires, journaliers, annuels…), en fonction des zones, des systèmes de production permet de préciser les “normes” d’utilisation et donc d’affiner les taux de mécanisation (saturation, sous-équipement…) d’un point de vue purement technique, et aussi de préciser les cahiers des charges des matériels à mettre au point et/ou à diffuser. En complément, les performances économiques permettent d’évaluer la rentabilité et le rôle de la mécanisation, aussi bien au niveau des exploitations que des propriétaires d’équipement. Toutes ces informations peuvent (doivent) être stockées dans des bases de données pour être plus facilement accessibles, même pour d’autres zones. Cependant, il faut bien prendre en compte l’apprentissage technique du matériel introduit, les écarts entre les normes et les utilisations réelles. Cette connaissance de l’emploi réel du matériel est indispensable à l’analyse économique.

En téléchargeant le Guide d’entretien sur l’étude sur les prestataires de service en motorisation, vous aurez un exemple, des données et informations à collecter pour disposer de références techniques et économiques en conditions réelles.

Avec le développement de l’informatique, des outils de traitement de l’information sur la motorisation et d’aide à la décision sont apparus. Ils permettent d’envisager, dès à présent, de nouvelles formes de conseil et d’appui aux producteurs et privés. Plusieurs types d’outils sont développés : des programmes de calcul de prix de revient prévisionnel d’opération culturale, de coût horaire de machines… sur tableurs et des logiciels d’aide à la décision. Leur utilisation est encore peu répandue en situation réelle de conseil aux agriculteurs, et elle n’est pas transférable en l’état dans les situations des pays en développement, où les références d’utilisation de la mécanisation sont quasi-inexistantes, où les niveaux de formation des conseillers et des agriculteurs sont faibles, et où la motorisation est surtout entre les mains d’entreprises agricoles pour réaliser des prestations de service.

En téléchargeant les documents ci-joints, vous aurez :

D’autres références bibliographiques pourront être utiles pour vous aider à élaborer vos propres outils de calcul de coût des charges de motorisation :

L’apport des références et les liens entre les différentes compétences et les outils et méthodes se font au niveau parcelle (environnement, opération culturale et itinéraire technique), système de production (économie, activités diverses, organisation du travail…), organisation des producteurs et privés (organisation des chantiers, coûts…).

Les méthodes et outils présentés dans cet article l’ont été à titre illustratif et pour favoriser les discussions sur ces questions des outils et des moyens nécessaires pour l’aide à la décision en motorisation agricole.

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