La formation agricole, comme le conseil, vise à accompagner les producteurs et à les autonomiser dans la gestion de leurs exploitations. Elle répond aussi à de réels besoins pratiques et techniques. Pourtant, les rares formations existantes sont souvent inadaptées et concernent encore peu de personnes. Cet article propose des pistes de réflexions.
Formation et conseil agricole visent à relever les mêmes enjeux pour le secteur agricole : produire, s’adapter aux évolutions de marché et aux changements climatiques, alimenter sa famille, etc. Ils ont aussi en commun, en Afrique de l’Ouest et du Centre, de toucher encore trop peu d’acteurs, notamment les jeunes, les femmes, et les producteurs. C’est pourquoi l’amélioration de l’accès à des services adaptés aux agricultures familiales et aux évolutions du monde productif doit aussi se faire à travers la rénovation des dispositifs de formation et d’appui aux démarches de conseil agricole. Cette rénovation interroge les postures d’accompagnement des formateurs et conseillers et les processus d’apprentissage des acteurs à former.
Renforcer l’autonomie de décision des producteurs. La formation agricole est encore peu développée et trop souvent mise en oeuvre dans une démarche prescriptive non adaptée aux besoins. Or, l’une des fonctions de la formation des jeunes et de l’appui conseil aux producteurs est le renforcement de leurs capacités pour une meilleure autonomie de décision dans la gestion de l’exploitation, que ce soit pour le choix des productions, des itinéraires techniques, des équipements ou encore des modes de financement (p. 29-30).
La formation vise aussi à accroître la capacité d’adaptation des producteurs face aux changements en cours. En effet, les besoins de formation des jeunes entrepreneurs ruraux, des agriculteurs, des organisations professionnelles agricoles (OPA), mais aussi des gestionnaires de dispositifs de conseil, persistent et évoluent en fonction des situations, même si tous recherchent de nouveaux savoir et savoir-faire techniques et de gestion.
Jeunes en formation professionnelle au centre de formation de Gagnoa, Côte d’Ivoire (2018)
Adapter l’accompagnement au public. Formation et conseil se distinguent davantage dans la façon dont l’accompagnement est appréhendé. La formation initiale agricole s’intéresse à un public « jeune » de producteurs en devenir. L’objectif pédagogique consiste alors à accompagner le « jeune » dans le développement de son projet d’insertion, orienté vers la professionnalisation. Le conseil agricole répond quant à lui à un public d’adultes en situation professionnelle qui doivent adapter leurs outils d’aide à la décision par la formation continue.
De plus, il ne faut pas oublier la spécificité du public de la formation et du conseil agricoles, un public souvent analphabète, décrocheur pour les jeunes en zone rurale, avec pour conséquence des capacités d’apprentissages plus limitées.
Dans ce contexte et alors que l’apprentissage professionnel, souvent informel, n’est pas considéré à sa juste valeur, l’alternance apparaît comme une modalité pédagogique permettant d’activer un processus d’apprentissage intéressant pour les jeunes apprentis et d’accompagner dans le même temps leurs producteurs référents dans l’amélioration de leurs pratiques.
Alternance et territorialisation au Cameroun. De plus, pour être efficaces et adaptés aux différentes situations dans leurs déclinaisons opérationnelles, formation et conseil agricoles doivent être territorialisés et partenariaux. C’est le pari du Programme d’Appui à la rénovation et au développement de la Formation Professionnelle (AFOP) au Cameroun (p. 36-38), dispositif national en charge de la formation et de l’insertion professionnelle des jeunes en agriculture. Son approche est fondée sur un ancrage territorial avec un maillage des centres de formation sur le territoire national, mais aussi sur une approche partenariale associant acteurs privés et publics locaux invités à intégrer le dispositif. De plus, l’implication des producteurs eux-mêmes et de leurs familles est recherchée pour faciliter les changements de posture face aux projets de vie.
On assiste ainsi au Cameroun, suite à l’installation des jeunes en agriculture, à de nouvelles formes de transmission de savoir et savoir-faire des jeunes vers des jeunes non formés ou de jeunes vers des producteurs en activités en quête d’accompagnement technique ou de gestion de leur exploitation.
Frédéric Lhoste (frederic.Lhoste@supagro.fr), est chargé de projet au sein du service DEFIS de l’Institut des régions chaudes de Montpellier SupAgro. Il intervient sur le domaine du développement rural et de l’ingénierie des dispositifs de formation.