Sécurité alimentaire, moyens d’existence, risques, résilience… Ce glossaire apporte des éléments de définition des principaux concepts utilisés actuellement dans le domaine de la lutte contre la faim.
Le concept de sécurité alimentaire a été constamment élargi depuis sa première définition en 1974. Axé initialement sur la quantité de nourriture disponible, il a évolué notamment vers la notion d’accès des populations à l’alimentation. La définition la plus consensuelle aujourd’hui est celle du Sommet mondial de l’alimentation de 2009 : « La sécurité alimentaire existe lorsque tous les êtres humains ont, à tout moment, un accès physique, social et économique à une nourriture suffisante, saine et nutritive leur permettant de satisfaire leurs besoins énergétiques et leurs préférences alimentaires pour mener une vie saine et active ». Cette définition met en avant 4 dimensions de la sécurité alimentaire : i) l’accès physique, économique et social à la nourriture ; ii) la disponibilité de la nourriture; iii) la qualité sanitaire et nutritionnelle des aliments, de l’eau et des régimes alimentaires, ainsi que le respect des styles de consommation et des préférences alimentaires ; iv) la régularité de l’accès, de la disponibilité et de la qualité.
Le concept de sécurité nutritionnelle englobe et dépasse celui de sécurité alimentaire. Il a été introduit suite au constat, notamment après la crise de 2005 au Niger, que certaines personnes disposaient de suffisamment de nourriture, mais souffraient de sérieux problèmes de malnutrition, avec des conséquences de long terme, voire irréversibles, sur leur santé et leurs capacités physiques et intellectuelles. Les causes immédiates de la malnutrition sont les maladies et/ou des apports alimentaires inadéquats. Ces causes dépendent elles-mêmes de différents facteurs qui affectent la santé (l’accès à des services de santé, d’hygiène, d’eau et d’assainissement par exemple), de la qualité des soins dont bénéficient les femmes enceintes, les mères et les enfants, ainsi que l’accès à une alimentation en quantité et de qualité suffisante. C’est à partir de ces 3 causes sous-jacentes de la malnutrition — la sécurité alimentaire, la santé et les soins — que s’articule le concept de sécurité nutritionnelle.
La vulnérabilité est un concept appliqué récemment à l’analyse de la sécurité alimentaire. Il existe des confusions fréquentes entre pauvreté et vulnérabilité. La pauvreté est en général utilisée pour décrire un état des populations au moment présent. La vulnérabilité contient l’idée d’une évolution : elle permet d’anticiper comment le bien-être des individus peut évoluer dans le temps. L’expression « vivre sur le fil du rasoir » offre une bonne image de ce que signifie la vulnérabilité : une légère poussée peut faire basculer une personne dans la pauvreté et/ou la faim.
La vulnérabilité à l’insécurité alimentaire est étroitement liée à la notion de moyens d’existence. Les moyens d’existence sont les moyens de gagner sa vie, c’est-à-dire les activités et les ressources qui permettent aux gens de vivre. Ces moyens d’existence peuvent notamment provenir de biens humains (connaissances, éducation, capacités de travail, bonne santé), sociaux (relations sociales), naturels (terres, forêts, ressources en eau), physiques (bétail, terres, outils) et financiers (revenus, accès au crédit et aux investissements). Plus un ménage peut recourir à des moyens d’existence variés, moins il sera vulnérable. Au Sahel, les crises successives ont conduit à l’érosion des moyens d’existence d’un nombre croissant de ménages.
Différents facteurs de risques peuvent contribuer à aggraver la vulnérabilité d’un pays, d’un ménage ou d’un individu. Le risque est souvent défini comme la « valeur probable d’un événement nuisible », c’est-à-dire la probabilité de survenue de ce risque multipliée par la valeur de la perte imputable à ce risque. Dans le domaine de la sécurité alimentaire, le risque peut être de nature variée : climatique (sécheresse ou inondation par exemple), économique (variation brutale des prix) ou politique (conflits). Il est utile de distinguer deux principaux types de risques susceptibles de modifier les niveaux de sécurité alimentaire des ménages : les chocs (irréguliers, imprévisibles : par exemple une sécheresse) et les tendances ou stress (processus de long terme : par exemple la désertification).
On dit des moyens d’existence des ménages qu’ils sont durables lorsqu’ils peuvent faire face aux chocs et stress et s’en remettre. L’accent mis ces dernières années sur cette capacité à résister et à surmonter des chocs a conduit à l’émergence de la notion de résilience. En ce qui concerne la sécurité alimentaire, la résilience désigne « la capacité d’un système, une communauté ou une société exposée aux risques de résister, d’absorber, d’accueillir et de corriger les effets d’un danger, en temps opportun et de manière efficace, notamment par la préservation et la restauration de ses structures essentielles et de ses fonctions de base » (Définition adoptée par le Secrétariat des Nations unies de la Stratégie internationale de prévention des catastrophes en 2009).
Ces différentes notions permettent de comprendre que l’insécurité alimentaire peut être à la fois transitoire (lors d’une sécheresse par exemple), cyclique ou saisonnière (la période de soudure annuelle dans le Sahel) ou chronique (certaines personnes très pauvres sont quotidiennement exposées à la faim et la malnutrition).
Une politique de sécurité alimentaire idéale se doit d’intégrer les différents déterminants et les différentes temporalités de la sécurité alimentaire. Elle ne vise pas uniquement la disponibilité agricole mais cherche, en théorie, à agir sur l’accès des populations à la nourriture, sur la nutrition et sur la stabilité de ces différents éléments. Elle intègre de ce fait certains aspects de la politique agricole (pour agir sur les disponibilités alimentaires et sur les moyens d’existence des producteurs), mais aussi des actions sociales visant à lutter contre la pauvreté (pour améliorer l’accès à la nourriture de tous les ménages, en particulier des plus pauvres) et des politiques en faveur de la nutrition, impliquant plusieurs secteurs (santé, agriculture, éducation, industrie). Enfin, elle vise à anticiper et gérer les crises alimentaires, mais également à les prévenir durablement. Elle intègre donc à la fois des interventions d’urgence (humanitaires), des mécanismes visant à empêcher que les ménages ne tombent dans la faim et des politiques visant à sortir les ménages de la faim, en renforçant durablement leurs moyens d’existence.
Depuis quelques années, la protection sociale est de plus en plus mise en avant comme une solution pour lutter contre la faim, notamment en Afrique de l’Ouest. La « protection sociale » renvoie à l’ensemble des aides permettant aux personnes de faire face aux « risques de la vie » (maladie, vieillesse, chômage) et à la pauvreté. Ces aides sont fixées dans la loi et considérées comme des droits. Dans le domaine de la sécurité alimentaire, la démarche par la protection sociale tente de concilier les approches humanitaires (aide d’urgence en cas de crise) et de développement agricole et économique, en mettant l’accent sur la prévention de la faim.
Parmi les instruments fréquemment utilisés dans cette approche, on retrouve les filets de sécurité sociaux, qui sont aussi utilisés dans des contextes d’urgence. Ces filets sont des transferts de ressources non contributifs (aucune participation financière n’est demandée aux bénéficiaires) qui peuvent prendre plusieurs formes : transferts monétaires avec ou sans condition, cantines scolaires, programmes « vivres ou argent contre travail », etc. Mais contrairement aux programmes d’aide d’urgence, les filets de protection sociale consistent en des aides publiques durables et prévisibles, visant à prévenir la faim ou à sortir les populations de la faim et de la pauvreté. Comme le montrent certains exemples (notamment le programme « Faim zéro » au Brésil), l’approche par la protection sociale serait un moyen particulièrement efficace de lutter durablement contre la faim.